Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

Article épinglé

Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

dimanche 7 décembre 2025

[Fonda Lee] La Cité de jade

La Cité de jade (de Fonda Lee) est un roman particulièrement intéressant car il met en avant une magie (basée sur l’utilisation du jade) dans une époque moderne. La technologie est présente car on retrouve des voitures, des téléphones. Pour le reste, c’est une lutte à la mort entre des clans dans une époque qui change (« tout semblait se dérouler à une vitesse un peu trop dangereuse, comme si la ville était une nouvelle machine huileuse configurée pour une performance maximale, à la limite de la perte de contrôle et perturbant l’ordre naturel des choses »). 

Deux clans s’affrontent donc pour le contrôle d’une île.

Le Clan Sans Cime (dirigé par Lan, secondé par Hilo, son frère), sur lequel est basée la narration, ne doit seulement méfier du Clan de la Montagne (dirigé par une femme, Ayt Mada) ; il doit aussi se méfier d’alliés changeants, de francs-tireurs et de membres qui refusent d’assumer leurs responsabilités.


Le jade donne des pouvoirs aux individus. Il leur permet de mieux combattre, d’être plus fort, plus endurant, plus résistant. Il améliore leur capacités. Si tout le monde n’est pas réceptif au jade, ceux qui le sont ont donc un avantage certain.


Pendant quelques années, Shae (la soeur de Lan) a cru pouvoir suivre son destin et ne pas se mêler aux affaires du clan. Elle voulait suivre une autre voie, écrire son propre destin. Elle avait cru pouvoir le faire en suivant son amoureux et en suivant des études. 

Quand elle finit par retourner sur son île natale, elle est aveuglée par sa fierté et refuse de se replonger dans les affaires de la famille. Elle n’a pas digéré son départ, la façon dont tout cela s’est passé. Il faut dire que ses proches ont été particulièrement durs, comme son grand-père (l’ancien chef du clan). Avec des mots assez secs mais justes, il avait tenté de la prévenir : « même si tu retires ton jade, tu ne seras pas comme eux. Ils ne t’accepteront jamais, car ils sentiront que tu es différente, de même que les chiens savent qu’ils sont inférieurs aux loups. Le jade est notre héritage ; notre sang n’est pas fait pour se mélanger à celui des autres ». Autrement dit, il n’y a qu’aucun près des siens que Shae pourrait être elle-même, s’épanouir. La têtue jeune femme ne pouvait et ne voulait pas entendre ce sermon.

Il lui aura fallu de longs mois et la mort de son grand frère (Lan) pour comprendra la leçon. Avant cela, elle s’était entêtée dans sa décision, persuadée qu’elle était capable de mieux savoir que les autres. Avec le recul, Shae trouve son attitude puérile, presque pathétique. Elle dresse un jugement sévère sur la femme qu’elle a été en pensant qu’« elle s’était comportée comme une idiote, mais hélas, même les idiots avaient droit à leur fierté ».

Lan meurt et Shae se sent coupable. Elle a montré toute son inutilité à son clan en n’étant pas aux côtés des siens. Elle a montré qu’elle était un poids mort pour sa famille alors qu’auparavant elle en avait été un des éléments les plus brillants. Cela lui fait honte : « elle réalisa avec un léger désespoir qu’elle était devenue ce qu’elle s’était juré de ne jamais être : une femme telle que sa mère, assise à la maison à s’inquiéter pendant que les hommes sortaient pour se confronter aux dangers et infliger la violence ». Pour Shae, cette réalisation est un choc, elle qui était au moins aussi forte et prometteuse que ses frères. Sa bouderie et son comportement ont gaspillé des ressources. Pire, elle est devenue une chose à protéger, une cible. Elle a honte, d’autant plus qu’elle s’est privée volontairement du jade.

Lorsqu’elle finit par retrouver la raison et renouer avec le jade, c’est comme une délivrance pour elle, une renaissance : « elle se trouvait à l’intérieur d’une tempête ; elle était la tempête » et « « elle se sentait malade d’excitation, et puissante comme ne l’avait jamais ressenti depuis des années »


La Cité de jade est une lutte des clans pour conquérir le pouvoir. La Montagne veut éliminer le Sans Cime pour contrôler une ressource importante : le jade. Le roman met l’accent sur les émotions et les sentiments. C’est la fidélité et la trahison, le devoir. C’est aussi l’amour, les sentiments amoureux.


Lan offre un bon exemple. Lui qui dirige le clan a vu sa femme le quitter. Tout laissait croire qu’il aurait ordonné sa mort, qu’il aurait fait tuer son amant. Tout le monde l’aurait compris, tout le monde attendait qu’il agisse de cette façon. Cela n’a pas été le cas. Et pourquoi ? Il se justifie en pensant  que « si on aimait quelqu’un, qu’on l’aimait vraiment, alors son bonheur n’était-il pas plus important que l’honneur ? »

Son frère, Hilo, est aussi touché par une question liée à l’amour. Il aime une jeune femme dont la famille est touchée par l’infamie, et pourtant cela ne l’empêche pas de la courtiser. Il a besoin d’elle. D’une certaine façon, il est intoxiqué par elle (« son souhait de la rendre heureuse était comme une souffrance physique. L’idée que quiconque puisse lui faire du mal ou la lui enlever le remplissait d’une rage fiévreuse. Elle aurait pu lui demander n’importe quoi ; il l’aurait fait »).


Le livre aborde aussi la question de la déchéance, de la chute.

C’est le cas du grand-père (Kaul Shen) de la famille qui a mené de nombreuses guerres et qui a fait du clan un acteur majeur de l’île. Son corps et sa mémoire le trahissent. Il s’enfonce de plus en plus dans le passé, il dit des phrases qui lui échappent et mettent à mal la famille. C’est d’autant plus dramatique qu’il est encore porteur de jade. Lan se rend compte que « de même que les voitures et les armes à feu, le jade n’était pas une chose qu’auraient dû posséder les personnages âgées atteintes de sénilité ». L’attitude de Kaul Shen complique d’autant plus les choses qu’il tente de forcer la main de Lan. Il veut l’empêcher de faire la guerre, de s’y préparer et le pousse à négocier la paix.

La déchéance porte aussi le costume de la trahison. Le clan requiert la fidélité et la sacrifice. Vivre sur le territoire des Sans Cime, c’est se plier à leurs règles : il faut respecter l’organisation, payer son tribut. En temps de paix, les petites incartades pouvaient être tolérées, pas en temps de paix. Maik Tar, un homme d’Hilo, traque Tem un traître. Quand il finit par le retrouver, et juste avant de le tuer, il le toise : «  pensais-tu vraiment que tu pouvais pisser à l’intérieur du territoire du clan Sans Cime sans que vous reniflions la puanteur qui s’en dégagerait ? » Cela illustre aussi bien un aspect important de ce qui se passe. C’est une lutte à mort entre deux groupes, un combat violent. On ne peut pas être neutre.





mercredi 3 décembre 2025

Le Fou a dit

TOME LE PROPHETE BLANC
Mourir est toujours moins pénible et plus facile que vivre ! Et pourtant, jour après jour, nous ne choisissons pas de mourir, parce que, tout bien considéré, la mort n'est pas le contraire de la vie, mais le contraire du libre arbitre. C'est à la mort qu'on parvient quand il n'y a plus de choix possible. Ai-je raison ?

Oeil-de-Nuit a dit

TOME LE PROPHETE BLANC
Tu dois cesser de renifler la dépouille de ton ancienne vie, mon frère. Tu aimes peut-être souffrir sans arrêt, mais pas moi. Il n'y a pas de honte à se détourner de vieux os, Changeur (...) Il n'y a pas de sagesse particulière à s'infliger constamment des blessures. Quel sentiment de fidélité te rattache-t-il à cette douleur ? T'en détourner ne t'amoindrira pas.

TOME LA REINE SOLITAIRE
La mort est toujours au bord de maintenant (...) La mort nous guette et elle est toujours assurée de sa prise. Il ne sert à rien d'y songer sans cesse, mais, dans nos entrailles et dans nos os, nous savons tous qu'elle est là.  Tous sauf les humains.

lundi 1 décembre 2025

[Mickaël Brun-Arnaud] Les souvenirs de Ferdinand Taupe / Quelques extraits que j'apprécie

  • Trouver le bon livre pour le bon animal était une mission importante, surtout lors qu’il n’en existait qu’un seul exemplaire !
  • La maladie de l’Oublie-tout, c’est comme une fleur dont on aurait arraché les pétales. On peut toujours essayer de les recoller, mais…
  • Le libraire le savait, il n’a que les héros de la littérature qui sont à l’épreuve du temps.
  • Malade de l’Oublie-tout, Ferdinand était devenu une sorte de voyageur temporel, voguant entre les époques comme un passe d’un chapitre à l’autre du grand livre de sa vie. Alors quand il était égaré dans l’un de ces nombreux voyages, Archibald lui lançait des cordes pour qu’il revienne petit à petit, sans jamais le brusquer.
  • Brisevent Mésange, contrairement à son père, son grand-père, son arrière-grand-père et son arrière-arrière-arrière-grand-père ne serait pas un facteur, mais un formidable guichetier. Quel métier fantastique que celui-ci ! Il préférait de loin être un simple rouage d’une grande mécanique postale plutôt que voler par monts et par vaux. Mais au fond de son coeur subsistait comme un sentiment d’échec, tamponné à l’encre indélébile.
  • C’est confirmé, je dé-tes-te ce métier et je ne comprendrai ja-mais comment vous pouvez l’exercer : les clients sont in-sup-por-tables, refusent toutes les propositions sous prétexte que ce sont mes goûts et par les leurs (comme si ça avait de l’importance…)
  • Quand quelqu’un entrait dans une librairie, il était toujours à la recherche de quelque chose, et comme pour Ferdinand, il ne s’agissait pas toujours d’un livre. Parfois, c’était juste pour se souvenir.

dimanche 30 novembre 2025

Subtil, l'amour d'un père ?

Subtil est le roi des Six-Duchés, il est également le père de Chevalerie, Vérité et Royal, les deux premiers ayant une mère différente du dernière. Pour le lecteur, dans la première saga, Royal est très vite présenté comme le principal antagoniste : il est celui qu’on apprend à ne pas apprécier. Fitz le déteste très vite, il fait du mal à Kettricken et Molly, il sape petit à petit son père… et pourtant Subtil continue de lui trouver des excuses.


Pourquoi ? La question se pose. Car, Subtil est un homme clairvoyant, qui est présenté comme réfléchi mais qui semble incapable de voir ce que Royal fait de mal. Est-ce à cause de l’amour d’un père pour son fils ? Sans doute.


Dans les Montagnes, Royal tente un coup d’Etat en tentant de tuer son frère, d’épouser Kettricken et tuer Fitz. S’il échoue, tout le monde est au courant de ses crimes. Fitz espère que Royal soit puni, il se trompe. Subtil décide de faire comme si rien ne s’était passé. C’est à ce moment-là qu’on se dit qu’il ne contrôle plus grand-chose. Il ne voit pas non plus que Fitz est en colère et sa réponse ne peut qu’alimenter la déception du bâtard. De façon surprenante, Subtil en est presque à dire à Fitz qu’il faut faire comme si ce n’était pas bien grave (« parfois, les jeunes gens ambitieux font des bêtises ; quand on leur démontre leurs erreurs, ils s’excusent »). Cette justification montre aussi que Subtil ne comprend pas Royal : il pense encore pouvoir le raisonner.

Subtil sait que Fitz est formé au métier d’assassin. Il finit par se rendre compte que ne pas sanctionner Royal peut avoir alimenté la colère du fils de Chevalerie. Il rappelle alors Fitz à l’ordre : « n’oublie pas FitzChevalerie, le man que l’on fait à l’un des miens, c’est à moi qu’on l’inflige ». Ce n’est pourtant pas Fitz qui a tenté de tuer un bon nombre de Loinvoyant…


Royal change Subtil. On apprend que le vieil homme est affaibli par des drogues et rongé par un Art perverti. Mais ça, on (Fitz et le lecteur) ne le découvre que tardivement. En attendant, on voit un Subtil renier qui il est. Lui qui tenait tant à honorer sa parole revient dessus : « j’ai tenu ma parole. Maintenant, veille à tenir la tienne. Mais… (il jeta un coup d’oeil à Royal et cela me fit mal) il vaudrait mieux que tu viennes me voir l’après-midi ». Cette attitude brise Fitz. Il ne peut plus compter sur Subtil.

Pire, Subtil ne semble même plus être capable de gérer son royaume. Il remet tout en cause. Il doute même, influencé par Royal, de la loyauté de ses plus fidèles sujets. Sans aucune retenue, il répète à Vérité (grâce à l’Art) les rumeurs les plus immondes. Il y adhère même (« pendant le séjour de Brondy ici, Royal a remarqué qu’elle baguenaudait avec lui et trouvait tous les prétextes pour parler en privé avec lui. Il redoute qu’elle ne complote avec nos ennemis pour renverser le trône »). Ce sont des accusations assez abjectes envers Kettricken. Subtil est incapable d’analyser clairement les choses ; il n’est qu’un perroquet qui répète ce qu’on lui dit. Et, en reprenant les propos de Royal, dans ce cas-là ou d’autres, parfois publiquement, il assoit la légitimité du Loinvoyant félon.


Si Subtil est aveugle, Umbre l’est tout autant pendant un long moment. Le vieil assassin ne peut pas concevoir que Royal trahisse son père et son devoir. Pour lui, c’est non envisageable malgré tout ce qui se passe (« Royal a toujours été le préféré de son père, qui l’a gâté. Je ne pense pas qu’il trahirait Subtil »). Il confirme aussi que Royal est le fils chéri de son père.


Subtil reste un homme avec des capacités. Il est faible, drogué et ne contrôle plus bien son corps et son esprit. Mais, il conserve une sensibilité sur ce qui se passe atour de lui. Il est témoin de sa propre déchéance et de la déchéance des Loinvoyant. Tout cela le détruit. Il ne peut pas concevoir d’accordé sa confiance à un fils si ingrat. La peine et la détresse sont très clairs quand il affirme que « Royal sait que son frère est vivant, il sait qu’il n’a pas droit à la couronne qu’il porte. Je ne pensais pas qu’il… je pensais qu’au dernier moment il se reprendrait ». Fitz a alors une illumination : il jugeait jusque là Subtil comme le roi en oubliant qu’il était un père. Et le père est au bout du rouleau car « j’aurais dû comprendre qu’on sauve pas un père de la trahison de son fils ».