Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

Article épinglé

Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

samedi 11 octobre 2025

[Andrzej Sapkowski] La croisée des corbeaux : la sale réputation des sorceleurs

La croisée des corbeaux nous présente un jeune Geralt alors qu’il effectue ses premiers pas de sorceleur et ses premières missions rémunérées. Plus ou moins guidé par Preston Holt, il arpente les routes et les villages pour chasser des monstres.

Mais, le mépris des humains et le souvenir de Kaer Morhen compliquent sa vie.


Très vite, on comprend que les sorceleurs sont mal vus. Leur disparition annoncée après les événements de Kaer Morhen ne dérangerait pas grand-monde. Même s’ils peuvent être utiles en tuant des monstres, leur propre extinction ne ferait pas pleurer dans les chaumières. Le maire Bulava résume bien la chose : « on disait qu’après ce qui s’était passé en 1194, là-bas, dans les montagnes, personne ou presque n’avait survécu. Ensuite, la rumeur a couru que les rares survivants étaient morts, de faim ou de maladie ». Le sort et la survie des sorceleurs ne déchainent donc pas les foules. Les savoir tous morts ne va pas créer des manifestations de dépit.


Le sorceleur Holt était présent à Kaer Morhen lors du massacre. S’il a survécu, ce n’est pas par bravoure mais parce qu’il a fui. C’est d’ailleurs pour ça que le sorceleur Vesimir le déteste. Holt a manqué à ses devoirs. 

Holt forme donc Geralt. Il lui apprend quelques techniques de combat, les ficelles du métier. Il le met également en garde : « personne n’aime les sorceleurs. Pour le meurtre d’un humain, tu peux finir au bout d’une corde par décision de justice ou par lynchage. Voilà pourquoi mieux vaut ne pas user de ta lame contre les humains ». Autrement dit, Geralt risque de croiser beaucoup de monstres qui peuvent le tuer, aucun ne sera aussi dangereux pour lui que les humains.

Le forgeron Augustus Hornpepper, lui, est bien plus pragmatique. Il ne croit pas que les sorceleurs soient pire que les autres. Il se contente de dire à Geralt le sentiment ambiant : « c’est bien connu que les sorceleurs attirent le malheur et les remugles affreux. Que, là où ils passent, ils apportent toujours des calamités, et même la peste ! »


Pourquoi sont-ils donc si détestés ?


La Mère Assumpta rapporte qu’un pamphlet (Monstrum) a nourri la colère, l’a embrasée. Il a désigné les sorceleurs comme étant la cause de tout ce qui n’allait pas. S’il arrive un malheur, c’est nécessairement à cause des sorceleurs (« tous les maux, toutes les épidémies, les maladies, les pestes bovines, les fausses couches (…) étaient la faute de ces infâmes sorceleurs, les pistes de tous les méfaits et complots remontaient à Kaer Morhen »).

Luitpold Lindenbrog va même jusqu’à dire que « je considère la mutation à laquelle vous devez votre existence comme une chose contre nature qui n’a pas sa place dans ce monde ». On a donc presque un argument religieux, mystique. Lindenbrog dit cela en face de Geralt, preuve qu’il est à son aise et qu’il ne craint pas Geralt. Il faut dire que Geralt est habitué à ce genre de propos durs et méchants. 

Lindenbrog enfonce le clou : « cette coupe a été réalisée avec le crâne d’un sorceleur. Le chef de tous les sorceleurs ! C’est un trophée datant de la bataille de Kaer Morhen ». Il déteste donc à ce point les sorceleurs qu’il est prêt à exhiber les restes chez lui. 


Geralt a embauché agent Voronoff comme agent, c’est-à-dire qu’il est là pour gérer son argent. Voronoff présente un avis plus nuancé : « nul ne se jettera à votre cou (…) mais dans les moments d’effroi, on n’hésitera pas à faire appel à vous et à payer ce qu’il se doit ». Et c’est vrai dans la plupart de ses missions où Geralt est payé. Mais, bien entendu, il fera face à des escrocs, des gens réticents à le payer ou prêts à s’accaparer son mérite. Geralt gagnera aussi souvent l’estime et le respect, détrompant l’avis général négatif sur les sorceleurs. Il semble donc être un sorceleur à part.





[Brian McClellan] La promesse du sang / Quelques extraits que j'apprécie

  • Tamas (l’instigateur du coup d’Etat) à Manhouch (le roi renversé) : Sit u n’étais pas aveuglé par tes robes brodées d’or et tes jeunes concubines, tu le verrais de tes yeux. Pour avoir négligé Adro, Manhouch mérite amplement de brûler en enfer.
  • Taniel arrive en ville : Les rues désertes étaient souillées de débris, les pavés humides de la pluie tombée la nuit précédente. Les relents de la ville menaçaient de brouiller ses sens affinés par la poudretranse qu’il entretenait presque en continu depuis deux semaines. Le monde puait la merde et la peur, le pot de chambre plein et la méfiance.
  • Tamas visite les cuisines : La chaleur était telle qu’il faillit battre en retraite séance tenante dans le couloir. Il cligna des yeux quelque fois et tint bon, en partie grâce à la myriade de senteurs qui assaillit ses narines : des vapeurs de cacao, de cannelle, de pain et de viande. Il se mit à saliver.
  • Tamas au noble Nikslaus : Le monde change, insista Tamas. Les gens refusent de n’exister que pour le bon plaisir de leur gouvernement ou de leurs rois. Les gouvernements existent pour servir le peuple, et ce dernier devrait avoir son mot à dire.
  • La réponse de Nikslaus : On ne peut laisser les gueux prendre des décisions importantes.
  • Adamat (un inspecteur) voit pour la première fois Mihali (un prétendu cuisinier) : le train de pensées d’Adamat fut interrompu par l’arrivée d’un homme grand et gros avec de longs cheveux noirs ramenés en queue-de-cheval. Il se déplaçait comme un roi, bien qu’il portât le tablier et la toque d’un grand cuisinier. Il tenait un plateau d’argent au-dessus de sa tête, et une louche assez grosse pour fracasser des crânes était accrochée à sa taille.
  • Taniel se souvint de comment il était à quinze ans. Un garçon efflanqué et têtu comme une mule, aux cheveux noirs raides avec à peine l’ombre d’une barbe. Depuis, il s’était étoffé. Il avait grandi, pris des forces, et portait déjà les cicatrices d’un solda aguerri. Il se sentait vieux, et pourtant, il n’avait que vingt-deux ans.
  • Taniel à propos du prêtre Siemone (et de la luxure de la maison de son patron, l’Archidiocèle) : S’il souhait éviter toute cette luxure qui s’étalait autour de lui, il valait mieux qu’il fixe ses pieds.
  • Mihali à Tamas : Vous les avez gavés du sang de la noblesse (…) ils ont bu, mais ne sont pas rassasiés. Ils se sont gavés de haine, mais leur faim n’a fait que croître. (..) Vos intentions étaient… Pas vraiment pures mais justes. Or la justice ne suffit pas. 
  • Nila (une lavandière à la recherche d’un petit garçon noble) à Olem (le garde du corps de Tamas qui est amoureux d’elle) : Je préfèrerais qu’on ne se parle plus.

samedi 4 octobre 2025

Mes citations préférées

  • Astérie / La reine solitaire : La route nous a menés de l'hiver au printemps hier.
  • Heur / Adieux et retrouvailles : D'après Grincegorge, quand on se laisse aller, qu'on s'en remet à son destin au lieu de forcer l'existence et d'essayer de lui imposer sa volonté, on s'aperçoit alors que le bonheur marche toujours derrière soi.
  • Elliania / Le dragon des glaces : Un garçon ensanglante son épée pour devenir un homme, non ? Par sa capacité à tuer, il annonce qu'il est achevé. Ce qu'on homme peut prendre par l'épée, une femme peut le donner par sa seule chair : la vie.
  • Ambre / Prisons d'eau et de bois : La moitié du mal en ce monde s'accomplit sans que les honnêtes gens interviennent : ils ne font rien de mal. Il ne suffit pas d'abstenir de faire le mal, Trell. On doit s'efforcer de faire le bien, même quand on ne croit pas au succès.
  • Fitz (en tant que narrateur) / Le prophète blanc : J'ai appris que la vérité est un arbre qui croît à mesure qu'on acquiert de l'expérience. L'enfant voit la graine de sa vie quotidienne mais l'homme qui se retourne sur son existence en voit l'arbre.
  • Kettricken / L'assassin du roi : Notre ambition, les tâches que nous nous donnons, le cadre que nous nous efforçons d'imposer au monde, tout cela n'est que l'ombre d'un arbre projetée sur la neige. Elle change avec le soleil, disparaît la nuit, danse avec le vent et, quand la neige fond, elle gît déformée sur la terre inégale. Mais l'arbre continue d'exister.
  • Le Fou / La voie magique : Mais en cet instant, ici, rien qu'entre nous, et pour le seul motif que je suis ce que je suis et que tu es ce que tu es, je te le dis : je suis heureux, que tu sois vivant. Te voir respirer insuffle l'air dans mes poumons. Si mon sort doit être lié à celui de quelqu'un je suis heureux que ce soit le tien.
  • Umbre / L'apprenti assassin : Nous nous fabriquons souvent nous-mêmes nos propres prisons. Mais on peut aussi créer sa propre liberté.
  • Althéa / Les aventuriers de la mer : Pourquoi faut-il que l'amour ait un prix ? Pourquoi le désir doit-il être mêlé à l'amour ? Pourquoi ne peut-on être comme les papillons, nous unir en plein soleil et nous séparer quand il fait encore jour ?
  • Ambre / Les aventuriers de la mer : Demain vous doit la somme de vos jours passés. Rien de plus.  Et rien de moins. Parfois, on regrette que demain nous ait réglé aussi exactement notre compte.
  • Parangon / Les aventuriers de la mer : Contente-toi de ta vie, mon amie, et vis-la bien. Laisse les autres décider par eux-mêmes de la voie qu'ils vont suivre.
  • Fitz (en tant que narrateur) / La secte maudite : L'histoire n'est pas plus figée ni morte que l'avenir. Le passé est tout près ; il commence à la dernière respiration qu'on a prise.
  • Sire Doré (Le Fou) / Le dragon des glaces : Fouille la mémoire de ton coeur, remonte en arrière, remonte et remonte encore. Les ciels de notre monde sont faits depuis toujours pour accueillir des dragons ; quand ils en sont absents, ils manquent aux hommes. Certains n'y songent jamais, naturellement, mais des enfants, dès leur plus jeune âge, lèvent les yeux vers l'azur de l'été et le sondent en vain du regard ; ils savent ; ils cherchent ce qu'y devrait s'y trouver mais s'est estompé et a disparu
  • Abeille / La fille de l'assassin : Rappelez à ma soeur que mon père est un homme d'un grand courage, quand vous la verrez ; dites-lui que j'apprends moi aussi à être courageuse.
  • Heur / Le destin de l'assassin : Et ainsi, le Loup du Ponant surgit de la pierre ! Et il surgira encore si le peuple des Six-Duchés l'appelle à son aide.
  • Subtil / La nef du crépuscule : Mon jeune assassin, qu'ai-je fait de toi ? Comment ai-je pu ainsi pervertir ma propre chair ? Tu ignores à quel point tu es jeune encore ; fils de Chevalerie, il n'est pas trop tard pour te redresser. Relève la tête, vois au-delà de tout cela.
  • Fitz (en tant que narrateur) / La nef du crépuscule : Il est un lieu où tout temps est maintenant, où les choix sont simples et ne sont jamais ceux d'un autre. Les loups n'ont pas de roi.
  • Fitz (en tant que narrateur) / Le poison de la vengeance : Il existe une heure morte dans la nuit, l’heure la plus froide, la plus noire, celle où le monde a oublié le soir et où l’aube n’est pas encore une promesse, une heure où il est beaucoup trop tôt pour se lever mais si tard que se coucher n’a plus guère d’intérêt.
  • Les marches du trône : Les tâches ménagères sont réconfortantes. Quand on nettoie, qu'on arrange une pièce, on peut affirmer son autorité. On peut même feindre croire, brièvement, qu'on met pareillement de l'ordre dans la vie.

mardi 30 septembre 2025

Devon, un simple amant ?

Devon est un matelot qui a côtoyé la famille Vestrit et en particulier Althéa. Pour le lecteur, il laisse une sensation désagréable car tout laisse à croire qu’il a abusé sexuellement d’Althéa, qu’il a profité de sa naïveté. C’est d’autant plus marquant, et presque dérangeant, parce qu’Althéa, pendant un long moment, ne voit pas les choses de cette façon. Pour la jeune femme, elle a fait les choses de son plein gré et Devon n’a pas profité d’elle. Alors, est-ce réellement le cas ? 


Plus que son apparence physique, Althéa est attirée par le caractère de Devon, ce qui se dégage de lui. Dans un mode assez dur, celui de la navigation, il lui offre un rayon de soleil et des sourires. D’une certaine façon, il est un miroir à l’adolescence d’Althéa (« il avait toujours le sourire ou la plaisanterie aux lèvres, même quand tout allait mal. Il n’avait peur de rien, il était prêt à courir n’importe quel risque »). Comme beaucoup de jeunes hommes qui cherchent à prouver leur valeur, Devon se montre donc intrépide. Althéa voit cela de façon positive, elle ressent un frisson d’excitation en le regardant évoluer sur le bateau. 

Or, tout le monde n’a pas cette vision des choses ; ainsi, c’est le cas d’Ephron Vestrit qui dit que « ce serait le meilleur élément du navire s’il avait un peu de bon sens (…) et il ferait un bon second s’il savait seulement quand il faut avoir peur ». On peut voir là un compliment caché : même si Devon prend parfois des risques inutiles, il reste un élément compétent. Ce n’est pas n’importe qui pense ça : ce n’est pas uniquement le capitaine, c’est aussi et surtout le père d’Althéa, un homme en qui elle a confiance.

De plus, l’allure de Devon ne gâche rien : « j’avais quatorze ans, et Devon était beau comme un dieu, avec ses yeux gris ».


Ce qui doit arriver arrive. Les deux se rapprochent et flirtent. Althéa se montre intéressée et Devon voit là une opportunité. Il ne se prive pas, il ne perd pas de temps pour agir. Il se comporte de façon que l’on pourrait penser brusque. Althéa se rappelle qu’« il m’a fait me  pencher en avant, il a relevé mes jupes, baissé ma culotte… et il m’a prise là, comme ça. Penchée sur un panneau de cale ». Le lecteur pourrait trouver ça limite… ce n’est toujours pas le cas d’Althéa des années après. A Brashen à qui elle se confie, elle raconte que « ce n’était pas un viol. Il ne m’a pas forcée. Je n’y connaissais rien, mais j’étais sûre d’être amoureuse ». Les choses sont claires : Althéa a aimé son expérience,  il n’y a pas eu d’abus, Devon n’a pas profité d’elle. 


Devon, lui,  a une réaction qui peut s’interpréter différemment. Quand il dit que « j’espère que tu te souviendras de ce soir toute ta vie, Althéa. Moi, je ne l’oublierai pas, je te le promets », on peut penser sa fierté à avoir donner du plaisir à Althéa. On peut aussi supposer un contentement à avoir dépuceler la fille de son capitaine. On peut aussi se dire qu’il pense qu’Althéa se rappellera toute sa vie de sa première fois, et donc de Devon. 

En tout cas, tout laisse à croire que Devon craint la réaction d’Ephron si jamais la chose se sait car il disparaît immédiatement après. Althéa se souvient qu’« il est descendu aux quartiers de l’équipa, il en est ressorti avec son sac (…) il a quitté le navire. Je ne l’ai jamais revu ». 


Méfait accompli ?


Brashen pense que c’est le cas. Il avance l’idée qu’il « s’était vengé de votre père en vous possédant ». D’une certaine façon, un Devon excédé par les remarques d'Ephron sur son comportement aurait décidé de coucher avec la fille du capitaine. Il aurait ainsi eu ce qui est le plus important pour Ephron. Notons que Brashen, amoureux d’althéa, peut aussi être jaloux de Devon.


Avec le temps, le souvenir d’Althéa se modifie : « je n’en gardais qu’un souvenir de… d’écartèlement, d’un peu de douleur, et d’humidité, rien d’autre ». Mais, ce qui va faire tout basculer est le viol commis par l’infâme Kennit. On se rend compte que le plaisir a été inexistant, que Devon s’est servi d’elle et préoccupé uniquement de son propre désir. Les mots sont clairs : « Devon l’avait prise de la même manière, en pesant si fort sur elle qu’elle était incapable de respirer ! » Tout laisse donc à croire que l’acte sexuel a été finalement une agression. 

La chose devient irréfutable quand un autre acteur entre en jeu : une vivenef. Navire anciennement dragon, la vivenef Vivacia est capable de lire en Althéa. Elle peut percevoir les choses qu’elles se cachent. Son jugement est net : « Devon t’a causé un grand préjudice, Althéa. Et ce n’était pas ta faute. Jamais ce n’a été ta faute ».


Le verdict est clair. Althéa a bien été abusée par Devon. Il lui aura fallu de longues années pour le comprendre et l’admettre. Il lui aura fallu subir le viol de Kennit pour que se réveillent en elle des cauchemars paralysants. 



lundi 15 septembre 2025

Laurier et le Vif

Laurier est une femme intéressante. Elle a grandi dans une famille de gens ayant le Vif alors qu’elle n’avait pas cette magie. Elle a rejoint les Loinvoyant alors que beaucoup de Vifiers se méfient d’eux.


Son enfance a grandement marqué Laurier (« j’ai connu des vifiers autrefois, j’ai supporté le mépris de ceux qui ne possèdent pas leur magie »). Ce message si souvent entendu a causé du tort aux Vifiers. Il a poussé à ce qu’ils soient mal vus, marginalisés, chassés et tués. Il a laissé la place à plein de préjugés et a permis l’essor d’une mauvaise conception de cette magie. Car, pour pas mal de gens ayant le Vif, vivre sans est impossible. C’est encore pire pour Laurier puisque presque toute sa famille a un compagnon de Vif. Tous sauf elle.


Laurier, elle-même, développe une forme de mépris ou en tout cas de suspicion. Elle développe une attitude tant répandue parmi les détracteurs : « ce n’était pas juste. On ne pouvait jamais être sûr qu’on était seul, car on ne savait pas si le voisin n’était pas en train d’espionner par les yeux et les oreilles d’un oiseau ou d’un renard en maraude ». Autrement dit, même en ayant baigné dans le milieu du Vif, Laurier reproduit tous les préjugés associés à cette magie. Ce discours et cette sensation d’être observé en permanence ont conduit à des meurtres et des ignominies (comme le Cirque du Roi créé par Royal ou des purges).

Laurier finit par dire que « cette magie est ignoble ». Elle développe ensuite son argumentaire : « ils partagent déjà leur vie et leur foyer avec une bête, pourquoi tromper une femme ou un homme en se mariant ? On devrait obliger ceux qui ont le Vif à se décider très tôt s’ils vont lier leur existence à un animal ou à un humain ». A-t-elle tort ? En effet, Fitz a souvent dit son lien avec le loup Oeil-de-Nuit lui suffisait. On a aussi vu que la mort d’un compagnon de Vif (animal ou humain) pouvait causer un deuil insurmontable (Petit-Furet en est un bon exemple tout comme la biche qui accueille sa compagne humaine après la mort de celle-ci). Fitz ne s’est mis avec Molly qu’après la mort d’Oeil-de-Nuit.Tout cela peut aller dans son sens. Mais, l’inverse est aussi vrai. Rolf avait un compagnon de Vif (un ours) et s’est quand même parié à une femme (qui avait, certes, aussi le Vif). Surtout, il est difficile de généraliser toute une population à quelques cas.


Laurier semble être experte pour poser les questions qui fâchent. Elle est témoin de la mort d’Oeil-de-Nuit et de la détresse que cela crée en Fitz. Elle s’interroge : « comment peut-on laisser un animal s’emparer si complètement de son coeur en sachant la brièveté de son existence ? Qu’y a-t-il à gagner qui vaille la douleur qu’on ressent chaque fois que son compagnon meurt ». Cette question est légitime puisque bien peu d’animaux peuvent vivre si longtemps que les humains. Se lier à un animal revient donc à s’infliger une souffrance énorme par avance, selon Laurier en tout cas. Ce point de vue pourrait être partagé par Burrich : si il ne parle pas nécessairement de la mort d’un animal, Burrich pense que se lier à un animal est une malédiction.


Laurier apparait dans l’histoire alors que le prince Devoir vient d’être enlevé par les Pie, une branche extrême de la communauté du Vif qui cherche à détruire les Loinvoyant.

La traque va pousser Laurier dans ses retranchements et la mener à des situations et choix compliqués. Surtout, elle fait face à sa famille, notamment son cousin Fradecerf. C’est d’autant plus dur pour elle que ce dernier est à deux doigts d’être torturé par Fitz, désespérément en quête d’indices. Fradecerf est capturé après une embuscade où il blesse Laurier (« je ne vous ai pas reconnu, cousine, je vous le jure, même pas quand ma flèche s’est fichée dans votre épaule »). 

Les retrouvailles avec Fradecerf rouvrent des traumatismes du passé. Elles montrent à quel point la jeunesse de Laurier a pu être compliquée, à quel point Laurier a pu se sentir rejeté. Durant ses jeunes années, sa fratrie a fait preuve de bien peu de finesse et même de cruauté. Fradecerf témoigné que « votre propre frère vous surnommait la taupe parce que vous avanciez en aveugle, dans un monde noir et froid alors que nous courions librement, les yeux grands ouverts ». Les vifiers peuvent donc eux-aussi avoir des préjugés. 


Suite à la libération de Devoir, la situation de Laurier se complique. Elle devient une traîtresse, une cible à abattre par les Pie (« par la famille dont je suis issue, ils me considèrent comme du Lignage, or je sers le régime Loinvoyant qu’ils haïssent. Ils me tueront s’ils en ont l’occasion »). Et le pire se produit. Même à Castelcerf, Laurier n’est pas à l’abri. Les Pie la frappent en tuant sa jument Casqueblanc (« elle a longtemps agonisé Tom, et je n’étais même pas là pour lui procurer une mort plus douce ni lui dire adieu »). Même si elle n’a pas le Vif, Laurier fait donc preuve de compassion et montre, à sa façon, que les non-vifiers peuvent aimer les animaux, ressentir des liens forts avec eux.