Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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dimanche 12 février 2023

Lourd, différence et handicap

L'assassin royal est l'histoire de gens à part qui changent les choses : Fitz est un enfant illégitime, le Fou est un étranger inquiétant, Kettricken est une grande blonde qui détonne. Mais, tous autant qu'ils sont, ils finissent par être acceptés par leurs pairs et leurs différences leur permettent de grandir. Ce n'est pas le cas de Lourd, un serviteur différent physiquement et mentalement. Il est plutôt petit et réfléchit différemment des autres. Cela se remarque. Ce que très peu savent est que Lourd est extrêmement puissant dans l'Art, sans doute la personne la plus forte à ce moment des événements. Il n'est donc pas étonnant qu'il attire le regard d'Umbre ; le maître assassin est toujours à la recherche de talents particuliers. Umbre dit donc que Lourd n'a pas « le cerveau le plus brillant du château, mais il convient admirablement à mes desseins ». Umbre ne s'intéresse donc pas à la personnalité de Lourd mais à ce qu'il peut lui apporter.

Quand Fitz finit par rencontrer Lourd, il a un mouvement de recul, il a instinctivement un acte de défiance (« je ne sais pourquoi, ses différences le rendaient un peu effrayant : un frisson de répulsion me parcourut : il ne présentait pas de danger, j'en étais sûr, mais, je n'avais aucune envie qu'il m'approche »). Clairement, la différence de Lourd rebute Fitz. Dans un premier temps, il s'arrête aux apparences sans chercher à creuser. Puis, lorsqu'il passe de plus en plus de temps avec lui, Fitz développe ses arguments. Ce qui dérange Fitz est de ne pas pouvoir partager réellement avec Lourd. Quand ils discutent, il ne sait pas si le petit homme comprend ce qu'il dit : « la manière qu'avait son esprit d'emprunter d'autres directions que le mien, d'attacher de l'importance à des détails que je négligeais tout en désintéressant de pans entiers de ce que j'appelais la réalité ».

Alors qu'il a été séparé de sa mère, Lourd a de la chance d'être vivant. Dans d'autres contrées, il aurait connu la mort. Fitz nous apprend que « dans le royaume des Montagnes, un enfant comme Lourd aurait été abandonné dans la nature dès sa naissance ». Le constat est le même dans les îles d'Outre-Mer (« à l'évidence, les Outrîliens partageaient l'avis des Montagnards sur les enfants déficients. Si Lourd était né à Zylig, il n'aurait pas vécu un jour »).

Pour autant, il n'est pas nécessaire d'aller chercher dans d'autres pays le mépris ou le dédain. Ce sont des choses bien répandues dans les Six-Duchés. Devoir nous en donne une belle preuve en s'exclamant : « vous plaisantez, j'espère (…) cette créature doit faire partie de mon clan ». Il n'est pas seulement choqué de devoir lier des liens avec Lourd, il emploie également un terme qui retire à Lourd son statut d'humain. Mais, le talent de Lourd avec l'Art le rend indispensable au trône Loinvoyant et Devoir se rapproche de lui. Ce rapprochement est mal vu à la cour : Lourd n'est qu'un serviteur débile. Aux propos méchants sur ce qu'il est se développe en plus une jalousie qui l'ostracise encore plus. En espionnant, Fitz se rend compte que « nombre de nobles acceptaient avec difficulté l'amitié du prince pour le simple d'esprit, et pour des raisons que je ne comprenais pas, certains serviteurs s'offusquaient encore davantage ». Toutes les classes sociales se moquent donc de Lourd, de sa différence. On en a une autre preuve sur le bateau qui se rend chez les Outrîliens lors de la quête de Devoir. Lourd est malade en bateau et cela réjouit les soldats (« Lourd était différent, simple d'esprit empêtré dans un corps maladroit, et ils se réjouissaient de sa détresse qu'ils prenaient pour une preuve de son infériorité »).

Tout cela participe également à la façon dont voit Fitz lourd. Il est partagé entre pitié et admiration.

La pitié est due au destin qui attend Lourd, il n'a aucun espoir d'être normal selon les critères de l'époque. Il est condamné à rester le même homme fragile, à part et moqué. Cela attriste donc Fitz lorsqu'il le comprend (« il était simple d'esprit, gros, maladroit, contrefait, sans raffinement (…) aussi peu à sa place dans la château où régnaient luxe et plaisir (…) Lourd resterait toujours vulnérable »).

Cependant, grâce à l'Art, Fitz sait que Lourd est bien plus que ça, il sait qu'il a un talent unique et qu'il participe grandement à la stabilité du royaume. Il est même étonné que ce soit le cas : Lourd est un puissant artiseur qui n'a pas l'air de s'en apercevoir : « je me demandai comment un esprit aussi simple pouvait concevoir une musique aussi complexe et subtile – et une intuition m'illumina soudain : cette broderie musicale constituait le cadre de ses pensées et de son univers ».

Puisqu'il est retardé ou simple d'esprit, beaucoup pensent qu'il n'est pas capable de ressentir des choses et se permettent donc d'avoir une attitude déplorable ou des mots durs en sa présence. C'est le cas de Civil, sur les îles d'Outre-Mer, qui se sent contraint de s'occuper de Lourd et le fait crûment remarquer (« moi, je reste avec l'idiot »). Quand Fitz lui dit de ne pas parler comme ça, Civil est surpris et perplexe, on dirait presque qu'il croit que Lourd est comme un forgisé, vide (« il se tourna vers le petit homme endormi, comme étonné d'apprendre qu'il éprouvait des sentiments »).

Or, Lourd ressent les insultes et il est capable de dire que ça lui du mal. Il se plaint à Fitz que « tu dis mots gentils mais je sais que tu penses sur moi ; c'est comme des poignards, des cailloux et des gourdins ».

Alors que la quête de Devoir se conclut sur une terrible bataille avec des dragons et les forces de la Femme Pâle, le regard sur Lourd change. Il use de ses dons avec l'Art pour guérir des blessés. Il devient alors une personne importante, une personne appréciée ; on lit qu'il « devint l'incarnation des Mains d'Eda. J'entendis l'Ours implorer le pardon du prince Devoir pour l'irrespect dont ils avaient fait preuve ».

Bien entendu, tout ne devient pas rose du jour au lendemain. La vie de Lourd et son acceptation progressent doucement (« les occupants de la salle de garde avaient appris à tolérer la présence du compagnon du prince »). Certains continuent de lui faire du mal, de façon assez méchante, et pas même l'amitié que lui montre Devoir ne suffit à leur faire dépasser les préjugés. Devoir témoigne, par exemple, que « les domestiques s'en prennent à Lourd, ils le piquent avec leurs aiguilles par accident si je ne suis pas là pour le défendre ».

Dans la trilogie du Fou et de l'assassin, Lourd est bien moins présent ou important. Sa puissance dans l'Art n'a pas diminué mais il est très fatigué, son corps le freine. Or, Lourd peut très bien changer cela comme signale Ortie : « j'ai répondu qu'il était beaucoup plus fort que moi dans ce domaine et plus que capable d'employer son talent sur lui-même s'il le souhaitait. Il ne le fait pas, et je respecte son choix ». Ortie éprouve donc de la considération, elle comprend qu'à sa façon Lourd fait preuve de sagesse.

Malheureusement, dans d'autres aspects de sa vie, Lourd fait preuve d'une énorme naïveté. Alors qu'il est sur le chemin vers Castelcerf avec des soldats, il ne saisit par leur humour et leur méchanceté. Il est à la merci de leur cruauté et là où d'autres auraient vu le piège, ce n'est pas son cas. Il est donc victime d'une déplorable plaisanterie (« ils ont envoyé des filles m'embêter ; elles ont dit que je n'étais pas capable de leur toucher les seins, et elles m'ont giflé quand je l'ai fait »). Les moqueries n'ont pas cessé : Lourd continue d'être moqué et humilié publiquement à cause de sa différence. Cette anecdote illustre bien ce qu' a été sa vie ; il a été un homme à part, jamais reconnu ou accepté par la population pour ses apports ou pour ce qu'il est ; il a été une cible facile que certains ne se sont pas gênés d'attaquer ou de rabaisser.

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