Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

Article épinglé

Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

jeudi 10 juillet 2025

La relation entre Kettricken et Fitz

La première rencontre entre Fitz et Kettricken est tout sauf paisible. Mal renseigné par Royal, Fitz ne se doute pas qu’il parle à la future reine des Six-Duchés, il la prend pour une simple servante. Quant à Kettricken, elle a été trompée par les belles paroles de Royal et elle a tenté de tuer Fitz en l’empoisonnant. C’est donc un bien mauvais départ dans leur relation… ce qui ne va pas empêcher qu’un fort lien se crée entre les deux.

En arrivant à Castelcerf, Kettricken sort du lot. Elle a une vision différente de concevoir le pouvoir, de voir la responsabilité du souverain sur son peuple. Mais, son physique aussi la met à part. Sa blondeur et sa musculature font d’elle une femme remarquée. Fitz est sensible à la grâce qui se dégage de Kettricken : « à côté des autres femmes engoncées dans leurs robes et leurs énormes manteaux, Kettricken paraissait agile comme un félin ». Fitz remarque donc la beauté de Kettricken. 

Un aspect compliqué du lien entre Fitz et Kettricken est le lien d’Art entre Vérité et Fitz. Liés comme ils le sont, les deux partagent beaucoup de choses, d’autant plus qu’ils ont parfois tous les deux du mal à garder leurs murailles mentales. Des émotions, des sentiments leur échappent et contaminent, d’une certaine façon, l’un ou l’autre. Ainsi, après une purge contre les forgisés, Fitz est témoin bien malgré lui d’une nuit de passion entre Vérité et Kettricken (« tant que je parvenais à chasser de mon souvenir la fraîcheur des lèvres de Kettricken et la douceur de sa peau blanche, si blanche… »).


Fitz éprouve donc du désir pour Kettricken, peu importe la raison. Les deux se rapprochent encore plus dans un contexte qui les force à se dresser contre Royal et ses manigances. Ils sont les seuls à avoir à coeur le sort des habitants des Six-Duchés et ils doivent protéger Vérité comme ils le peuvent. 

Vérité parti, ce dernier confie à Fitz sa femme. Il lui demande de veiller sur elle. Ils passent donc du temps ensemble. C’est Oeil-de-Nuit qui donnera un avertissement à Fitz, qui le poussera à faire attention à ce qu’il ressent et son comportement. Fin observateur de ce qui se passe, le loup prévient Fitz qu’il y a du « danger » car « ce n’est pas ta femelle. C’est celle de ton chef de meute ».  Si le loup lui dit ça, c’est donc qu’il a perçu ce qui se dégageait de Fitz. Là encore, Fitz est influencé par Vérité : l’Art lui joue des tours. D’ailleurs, Fitz s’en rend compte et il doit se le rappeler (« Kettricken était ma reine, mais je n’étais pas Vérité et elle n’était pas celle que j’aimais, si fou que devint mon coeur quand je la regardais »).


La même situation se répète alors que Fitz et Kettricken s’enfoncent dans les Montagnes pour retrouver Vérité. 

Alors que Fitz s’apitoie sur son sort, se dévalorise, Kettricken tente de lui montrer qu’il est bien trop pessimiste. Surtout, on comprend que Kettricken a regardé au-delà de l’apparence de Fitz ; elle a vu sa fidélité et son courage, son abnégation et son dévouement. Ses mots sont assez clairs et laissent peu de place au doute : « en tant que femme, je vous affirme que, malgré vos cicatrices, vous êtes loin du monstre que vous vous croyez. Vous êtes encore un jeune homme avenant, par des aspects qui n’ont rien à voir avec vos traits physiques, et, si mon seigneur Vérité n’emplissait pas mon coeur, je ne vous dédaignerais pas ». Il faut aussi noter, une nouvelle fois, que Vérité se dresse entre Kettricken et Fitz. Mais, on est loin d’être dans un triangle amoureux où Kettricken ne sait pas lequel choisir : Kettricken aime Vérité et elle n’a aucune intention de le tromper ou de coucher avec un autre.

Toutefois, Fitz et elle partagent une forte connexion qui sera encore plus renforcée grâce à Oeil-de-Nuit. Kettricken trouve dans le loup un ami, un compagnon de chasse (« quand le loup et moi chassions la nuit, Kettricken venait avec nous »). Le loup est admiratif de sa force et de son agilité, et Kettricken gagne son respect. Oeil-de-Nuit a tendance à dédaigner les humains, à ne pas comprendre leur façon d’être et d’agir ; les choses sont différentes avec Kettricken. Il lui donne un nom et il est attentif à ses demandes (« la grande louve m’a demandé de veiller sur toi. Alors je veille »). 

Moqueur, Oeil-de-Nuit prononce une phrase ironique qui montre malgré tout l’estime qu’il a pour la montagnarde : « si ta femelle t’ordonne de me chasser, je me lierai peut-être avec celle-ci ».


Des années ont passé. Fitz s’est coupé du monde, s’est plongé dans un exil volontaire. Le monde, lu, a continué d’avancer. Fitz est forcé de revenir à Castelcerf sous une fausse identité pour retrouver le prince Devoir, le fils de Kettricken, qui a disparu. Sous l’apparence d’un domestique, il arpente les couloirs du château royal et finit par apercevoir Kettricken. Sa réaction montre qu’il conserve encore un fort respect pour Kettricken : « à sa vue, mon coeur cessa de battre, et je songeai à la fierté que Vérité aurait éprouvée (…) « Oh, ma Reine » fis-je tout bas. Elle s’arrêta net il me sembla presque l’entendre prendre une brusque inspiration ». On croirait presque que les années de séparation ont renforcé la puissance des sentiments de Fitz ; Kettricken lui a tellement manqué que la revoir suffit à le bouleverser. 

Kettricken est également contente de revoir Fitz. Son absence l’a peinée mais elle a respecté sa décision (« vous aviez tout sacrifié à votre devoir, et, si la solitude était la seule récompense que vous désiriez, j’étais heureuse de vous l’accorder. Pourtant, j’avoue être heureuse de votre retour »). On perçoit là quand même un sacré regret : Kettricken sous-entend que Fitz aurait pu mériter mieux, aurait pu réclamer plus que l’anonymat. Mais, elle a su respecter la décision de son ami sans pour autant la partager pleinement. 


Une scène va illustrer l’intimité de Fitz et Kettricken. Alors que son loup est mort, Fitz est triste et incapable d’entamer son deuil. Il n’a personne avec qui partager sa douleur, pas même son vieil ami le Fou. C’est Kettricken qui va lui permettre d’entamer le processus en partageant avec lui un moment physique intente : « elle resta debout près de moi, tenant ma tête contre son sein, me caressa les cheveux et me laissa pleurer tout en parlant d’une voix brisée de mon loup et de ce qu’il avait représenté pour elle ». Pour que Fitz se laisse aller comme ça, il faut qu’il ait été dans une situation de confiance. Kettricken, elle, a presque une attitude maternelle.

Kettricken dresse ensuite un parallèle avec Vérité. Les deux savent ce que c’est de perdre quelqu’un et de pleurer intérieurement sa mort. La disparition d’Oeil-de-Nuit réveille ça, même si Fitz pelure plus intensément la mort de son loup, comme Kettricken pleurait plus intensément la mort de son mari. Kettricken souligne que « ce n’est pas la première tragédie que nous partageons ». Ce fardeau crée alors un point commun entre les deux (« vous et moi avons traversé seuls une grande part de notre existence »).

Le Fou, lui, est envieux de ce qui existe entre Fitz et Kettricken. Il aurait tant aimé être celui qui console Fitz. Il s’en veut de ne pas pouvoir être à la place de la reine (« ma foi, je suis heureux que quelqu’un ait pu t’aider. Même si je suis jaloux de Kettricken »).


Plus tard, Fitz frôle la mort en éliminant la menace Laudevin. Il git dans son sang, dans un état inconscient. Kettricken est affligée de le voir dans cet état. Elle aimerait utiliser tous ses pouvoirs de reine pour le sortir de prison et l’aider, mais elle ne le peut pas car cela soulèverait des questions que la reine aide un simple domestique. On pourrait, par exemple, se demander s’il est son amant.

Devoir nous fournit une réponse. Kettricken ne voit pas qu’en Fitz un ami, un compagnon de longue date. Elle le voit aussi comme le protecteur de la mémoire, de la lignée des Loinvoyant, elle a conscience de son impact et de son importance. Devoir dit : « savez-vous ce que ma mère voit en vous ? (…à Si elle vous baptise oblat, c’est qu’elle vous regarde comme le roi légitime des Six-Duchés, et cela sans doute depuis que mon père est mort ». 

Pour autant, une nouvelle fois, Kettricken va materner Fitz, prendre soin de lui (« une femme passa son bras autour de mes épaules, me redressa et porta de lait tiède à mes lèvres »).

Et, leur relation va prendre une nouvelle fois un aspect physique quand ils vont s’embrasser sans aucune intention sexuelle (« quand elle posa ses lèvres sur les miennes, j’eux l’impression de me désaltérer longuement à une source fraiche et je sus que ce baiser n’était pas pour moi mais pour l’homme qui nous manquait à tous les deux »). Il n’y a pas de désir sexuel ici ; le baiser est juste un moyen de se rapprocher dans le rappel de souvenirs, de se remémorer Vérité. D’ailleurs, Kettricken le dit clairement : « tout le mal dont vous avez été victime a eu un résultat bénéfique : il m’a rappelé brutalement tout ce que je vous dois et combien je vous estime ».


Dans la trilogie du Fou et de l’assassin, la distance et Molly séparent Fitz et Kettricken.

Les deux se revoient malgré tout quelques fois : la maladie d’Umbre ou la mort d’Eyod. En se rendant dans les Montagnes, Fitz peut chevaucher à côté de Kettricken et échanger avec elle (« je faisais partie des gardes de Kettricken, je portais ses couleurs, le blanc et le violet, et je déplaçais avec la suite royale ». Tout cela montre que Fitz est un homme de Kettricken. Lui a accordé sa fidélité à Subtil puis à Vérité l’a ensuite confié pendant des décennies à la montagnarde. 

Kettricken continue d’aussi bien cerner Fitz. Elle se doute qu’une forme de mélancolie et de tristesse peut très bien accompagner Fitz alors qu’il se rend vers les Montagnes, là où il a perdu à la fois Fouinot (son premier compagnon de Vif) et Vérité. Kettricken en parle à Ortie et affirme que «  le voyage a peut-être réveillé chez toi de vieux souvenirs, des souvenirs tristes ».

Quant à Molly, son dédain est clair. Elle reproche à Kettricken son silence : « Molly n’avait jamais pardonné à la reine de lui avoir laissé croire que j’étais mort ».

C’est dans cette trilogie que Kettricken va réaliser un de ses plus grands rêves : réhabiliter Fitz, faire en sorte que le peuple sache tout ce qu’il a fait. Elle est assez claire car on peut lire son regret que « si peu soient au courant «  et que cela a été « une épine cruelle dans mon coeur ». Kettricken va se servir d’une initiative d’Elliania pour mettre Fitz face à son destin, et présenter le prince FitzChevalerie Loinvoyant à tous. 


Les deux partagent un autre moments forts quand ils croient Abeille disparue pour de bon. Elle anticipe que cela est moment éreintant et éprouvant, et elle passe la nuit avec lui. A nouveau, il n’y a rien de sexuel, juste deux amis qui prennent soin l’un de l’autre. Notons malgré tout que si la chose semble claire pour Kettricken, Fitz est un peu plus dans le doute : « le parfum de Kettricken était omniprésent, et je sentais une pression chaude en bas de mon dos : elle dormait derrière moi, et ses bras m’enlaçaient. C’était mal ; c’était bien ». Kettricken tente d’aider Fitz comme elle le peut, même si elle sent et sait que ses efforts sont vains (« je pense que vous êtes parti quand vous avez perdu Abeille, et que vous n’êtes plus là depuis »).

Le moment est alors venu pour elle de faire ses adieux et d’avouer qu’elle est au courant d’un des plus grands secrets de la saga, à savoir ce qui s’est passé la nuit de la conception de Devoir. Vérité avait emprunté le corps de Fitz pour coucher avec sa femme, Fitz n’avait jamais osé dire ce qui s’était passé. Or, Kettricken savait : « merci pour mon fils (…) je sais depuis des années comment ça s’est passé (…) Votre corps, la volonté de Vérité ». Cela n’a pas l’air de la déranger plus que ça.


Après les événements de Clerres, tout le monde croit Fitz mort. Kettricken est durement touchée par la nouvelle. Abeille remarque qu’elle était « alitée depuis qu’elle avait appris la disparition de mon père (…) elle était pâle et paraissait âgée ». Puisqu’elle pense Fitz parti pour bon, Kettricken a perdu son plus vieil ami, celui avec qui elle a partagé tant de choses. Il n’est pas étonnant de la voir dans cet état.

En réalité, Fitz est vivant mais très faible, rongé par des vers. Il tente de forger son loup de pierre et d’Art. Oeil-de-Nuit contacte Abeille pour la prévenir. Abeille prévient les autres que son père est encore en vie. 

Abeille apprend aussi un fait qui remet un bon nombre de choses en question ; le loup pense que Molly a su apporter et donner à Fitz de l’amour, mais que « c’est Kettricken que j’aurais choisi pour nous ». C’est une énorme déclaration qui montre toute la valeur de Kettricken du point de vue du loup.

Est-ce une relation gâchée ? Kettricken sème quelque peu le trouble en murmurant à Fitz que « vous ne m’avez jamais vue » lors de leurs dernières retrouvailles. Peut-on décerner là des regrets ? Il semble difficile de répondre clairement à cette question.


vendredi 4 juillet 2025

[Andrzej Sapkowski] Le boucher de Blaviken

A Blaviken, le sorceleur Geralt n’a pas gagné qu’un surnom. Il a aussi montré qu’on peut commettre de terribles choses sur des méprises, il a montré que la monstruosité n’était pas qu’une affaire de monstres mais aussi pouvait toucher les hommes et les femmes. Il a également participé à démontrer que le peuple ignore bien des choses qui se passent en coulisses.


Geralt arrive pourtant à Blaviken avec de bonnes intentions et des valeurs qu’il défend ardemment. A Stregobor qui lui demande de tuer quelqu’un pour le défendre, il répond par la négative. Ce n’est pas son rôle. Il travaille, certes, contre de l’argent mais pas pour toutes les causes. Il affirme que « ce que je tue pour de l’argent, ce sont les monstres, des bêtes hideuses dangereuses pour l’homme, les monstres auxquels ont donné naissance les sorts et les malédictions jetés par des gens comme toi. Je ne tue pas les humains ». 

D’ailleurs, on note là une réelle différence avec Stregobor qui était prêtre à tuer une jeune femme (Renfri) juste parce qu’il y avait une possibilité qu’elle se transforme en monstre. En tout cas, Geralt dit clairement qu’il ne tue pas les humains.

Geralt va même plus loin en prétextant une certaine neutralité. Il ne prend pas parti dans les conflits ; s’il fait quelque chose, c’est qu’il est payé pour. Pour autant, Geralt ne se dresse pas en un parangon de vertu ; il n’est pas un justicier du bien (« Le Mal est le Mal, Stregobor (…) Je ne suis pas un saint ermite, je n’ai pas fait que le bien dans ma vie. Mais, à choisir entre deux maux, je préfère ne pas choisir du tout »).


Renfri est à Blaviken et veut se venger. Elle est accompagnée de gens déterminés, prêts à répandre le sang de Stregobor. C’est donc contre eux que Stregobor réclame l’aide de Geralt.

Renfri, elle, prévient Geralt de ses intentions. Elle lui demande aussi de ne pas intervenir. Renfri dit qu’elle se vengera quoiqu’il arrive, rien ne pourra l’arrêter, pas même les services de sécurité de la ville de Blaviken (« tu as vu mes gars ? Je te garantis qu’ils connaissent leur métier. Tu imagines ce qui va se passer si les nigauds de la garde se battent avec eux ? »). Ni même Geralt. D’une certaine façon, elle le menace en disant « il n’y a pas un guerrier sur cette terre qui puisse venir à bout de sept hommes armés d’un glaive ». Il faut noter que Renfri prévient Geralt de façon assez affectueuse ; elle montre que, monstre ou non, elle est capable de faire preuve d’humanité.


C’est alors que l’ironie frappe Geralt. Il implore Renfri de renoncer à ses projets : « de cette manière, tu démonteras, à lui mais aussi aux autres, que tu n’es pas un monstre inhumain (…), que tu n’es pas une mutante ». Car, le lendemain, c’est Geralt qui deviendra un monstre aux yeux de la population en tuant Renfri et ses hommes alors qu’il était persuadé de sauver la ville. 

Car, juste avant le moment fatidique, Geralt a attendu une allusion qui a fait basculer sa façon de voir les choses : l’ultimatum de Tridam. Dans cette ville, un maire a été placé au pied du mur : soit libérer des criminels, soit voir des otages être tués jusqu’à ce que cela soit fait (« ils ont commencé à assassiner les pèlerins, les uns après les autres. Avant que le baron mollisse et libère les camarades prisonniers, ils en avaient jeté plus d’une dizaine par dessus-bord »). Geralt craint que Renfri utilise cette stratégie, tout en sachant que Stregobor ne faiblira pas ; tout cela mènera donc à la mort de civils innocents.


Il se rend donc sur la place du marché, fait face à Renfri et ses guerriers, et les tue tous. C’est un spectacle édifiant pour les gens présents qui n’ont aucune idée des motivations de Geralt. Ils voient juste un sorceleur tuer froidement des gens. C’est une réelle boucherie. La suite est inévitable :  la population se tourne contre Geralt (« une pierre vola. Elle résonna sur le pavé, bientôt suivie d’une deuxième qui frôla l’épaule de Geralt »). Geralt aurait donc été lapidé si il n’avait pas été protégé par son Signe. Il quitte alors la ville sous les insultes. Selon la rumeur populaire, il est un monstre.


lundi 30 juin 2025

Qui est Trame ?

Lors de la seconde saga de l’assassin royal, quand Fitz se cache sous l’identité de Tom Blaireau, le Vif (ou le Lignage) est dépeint de façon négative. Les Pie et autres forment la principale faction qui représente cette magie et ils tentent d’enlever le prince adolescent Devoir. Leurs principaux membres sont montrés comme violents, inflexibles et prêts à tout pour atteindre le but. 

Toutefois, un individu doué du Vif réoriente quelque peu la vision du lecteur : Trame.


L’introduction de Trame montre tout de suite qu’il est un homme important dans les différentes communautés du Vif. D’une certaine façon, il peut être vu à la fois comme l’égal d’un roi ou d’une importante figure religieuse. Une femme douée du Vif dit que « l’aristocratie n’existe pas chez nous, ni les rois ni les reines ; mais de temps en temps, un homme comme Trame apparait dans notre communauté. Il ne règne pas parmi nous mais il nous écoute et nous l’écoutons ». On note là un aspect important de la personnalité de Trame : sa forte capacité à être attentif et donner des conseils, sans pour autant ordonner. 

Fitz l’observe et sa première impression est que Trame « évoquait plus un sage de Jhaampe en train de régler une querelle q’un porte-parole du Lignage ». Trame ne semble donc pas motivé à régler les questions politiques liées aux négociations entre la couronne des Loinvoyant et les gens du Vif. Les motivations de Trame semblent floues ; en tout cas, elles questionnent Umbre. Le vieil assassin est nécessairement sceptique quand il croise un individu de cet acabit. Il se demande ce qu’il cherche et si il peut être un problème pour le trône. Umbre observe donc Trame et on pourrait presque croire qu’il est inquiet quand il se rend compte que Trame n’est pas comme tous les autres : il ne veut ni pouvoir ni richesse. Au contraire, il affirme que Trame « tient davantage le rôle de prêtre que de chef : il ne commande pas, il conseille et parle souvent de servir l’esprit du monde ».


Trame n’a donc pas envie de gouverner ou de changer l’ordre des choses. Cela rassure Umbre car « s’il nourrissait des ambitions, ce serait un homme dangereux ; par ce qu’il sait, il pourrait provoquer notre chute à tous ».

C’est Devoir, l’adolescent qui a gagné en maturité, qui fournira une réponse acceptable sur le but de Trame. Il précise que savoir qui est réellement Fitz est un danger ; après tout, Umbre et Fitz sont des assassins plus que compétents et pourraient se débarrasser facilement de Trame (« Trame s’est mis lui-même en péril : certains seraient prêts à tuer pour maintenir enfoui ce secret »). Devoir pense que Trame cherche simplement à nouer des liens amicaux avec Fitz : « aussi invraisemblable que cela vous paraisse Fitz, peut-être désire-t-il simplement votre amitié ». Fitz a énormément de mal à entendre ça, tant il est influencé par son éducation, le culte du secret et des intrigues.


Présent à Castelcerf, Trame détonne grâce à son comportement. Il est curieux et poli, prêt à contredire les préjugés liés au Vif. On n’a sans doute pas vu une personne si forte dans le Vif depuis l’époque de Burrich. Pour Fitz, c’est un défi qui devrait le mettre sur ses gardes puisque le bâtard royal a toujours eu du mal à vivre sa magie aux yeux de tous : il se cache. Mais, Trame lit en lui comme dans un livre ouvert. Il repère très vite FitzChevalerie derrière l’identité de Tom Blaireau. Si il sait ce secret, c’est grâce à Fragon, la femme de Rolf le Noir (« une journée pareille remplirait Fragon de bonheur :  un ciel sans nuage et un vent léger. Comme son faucon monterait haut ! »).

Savoir la réelle identité de Fitz n’est pas la plus grande prouesse de Trame. Il lit en Fitz, il voit en lui ce que Fitz se cache à lui-même : le fait que le très regretté d’Oeil-de-Nuit vit encore à travers lui. Trame en vient même à sermonner Fitz : « votre loup transparait toujours dans vos yeux. Vous croyez que, si vous ne bougez pas du tout, personne ne le remarquera ; cela ne marche pas avec moi, jeune homme ».

Fitz aurait beaucoup à apprendre de Trame, il le fait très peu. Il ne cherche pas spontanément la compagnie de l’homme. Pourtant, Trame semble l’apprécier. Il éprouve même de l’affection pour lui, il perçoit que Fitz n’a toujours pas terminé son deuil du loup et qu’il lui faut du temps (« je comprends que vous pleuriez encore votre loup et je trouve ça normal ; vous baisseriez dans mon estime si vous vous précipitiez dans une nouvelle relation à seule fin de soulager votre sentiment de solitude »).


Trame ne cache pas qu’il a le Vif. Il n’en a pas honte. A Castelcerf, il n’a pas eu honte de présenter Risque (sa mouette) à qui le voulait. Mieux, il irradie de bonheur et de complétude quand le groupe de Castelcerf se rend à Aslevjal. Ce qui se dégage de lui et de Risque touche tous les gens du Vif. Fitz est ravi par le spectacle qui s’offre lui (« je voyais la magie du Vif à son état le plus naturel, échange de joie et de respect entre humain et animal où le coeur de Trame volait en compagnie de Risque »).

Trame n’est pas seulement doué, il est aussi un très bon enseignant et quelqu’un qui a beaucoup de connaissances sur cette magie. En prenant Leste (le fils de Burrich) sous son aile, il a beaucoup de travail devant lui. Car, Leste est une autre victime, avec Fitz, de la haine de Burrich envers cette magie. Leste présente donc des lacunes béantes, des manques flagrants. Trame est choqué quand Leste tente de se lier à un animal sans aucune réflexion. Pour une fois, il perd son calme et engueule le jeune homme : « tu le voulais comme un enfant veut un jouet peint de couleurs vives sur l’étal d’un colporteur (…) On ne fonde pas un lien de Vif là-dessus. En outre, tu n’as ni l’âge ni la maturité pour te mettre en quête d’un partenaire ». Notons qu’on retrouve là une critique que Rolf le Noir avait déjà fait à Fitz : se lier jeune est plus que risqué ou mal venu.

Or, pour Trame, une relation du Vif doit être équilibrée. C’est un engagement sur du long terme qui doit être réfléchi (« ce mystère débouche sur les croyances que nous nous en débarrassions quand nous n’en avons plus l’emploi. On a ainsi plus de facilité à imaginer que nous puissions ordonner à un ours de massacrer une famille »). Ce comportement malsain de certains se retourne donc contre toute la communauté. Se lier avec un animal reviendrait donc à assumer ses responsabilités vis-à-vis de lui et aussi à faire attention à l’image qu’on dégage, aux préjugés auxquels il faut faire attention. On ne fait pas ce qu’on veut en se liant à un animal. Trame résume la chose en disant que « le lien de Vif, ce n’est pas un homme qui impose sa volonté à un animal : c’est une union fondée sur les respect mutuel, pour la vie ».


Trame ne peut pas aimer Burrich. C’est impossible. Il voit l’impact que cet homme a eu sur Fitz et sur Leste, le fait que Burrich a bridé leur magie. Il a beaucoup de mal à admettre tout cela. Il oscille entre colère et mépris en pensant à Burrich (« je voudrais le prendre en pitié, mais, quand je songe à ce qu’aurait pu être votre vie si vous aviez reçu une éducation convenable dès votre jeune âge »).

La colère de Trame monte d’un cran en se rendant compte de la puissance de Burrich avec le Vif. Il est abasourdi quand il voit Burrich soigner Fitz avec une maîtrise si fine et si délicate du Vif. Son étonnement est manifeste : « je n’en reviens pas, je croyais perdue cette technique de la magie du Lignage (…) Qui vous a formé ? Pourquoi ne vous connait-on pas ? »

Et comme Umbre qui se méfiait de Trame, Burrich se méfie de Trame : « cet homme est une menace pour mon fils ». 


Trame ne fournit donc pas nécessairement une bonne première impression. Sa présence interroge tout comme ses motivations. Pourtant, en creusant, on se rend compte qu’il est un érudit du Vif et un homme donnant de bons conseils.