Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses.

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mardi 30 avril 2024

Queerisation de la magie du true name chez Robin Hobb (Laplante-Dubé, Pascale)

Laplante-Dubé, Pascale. 2020. « Penser le pouvoir politique de la fantasy. Queerisation de la magie du true name chez Robin Hobb », Postures, Dossier « De l'Index au droit d'auteur : scandales et procès littéraires », n°32, En ligne <http://revuepostures.com/fr/articles/laplante-dube-32 > 

L'auteure analyse la question du nom et du genre dans l'oeuvre de Robin Hobb, à travers les personnages du Fou et de Fitz. Notons que ces deux noms se réfèrent au fonction à la cour de Subtil : le Fou est un bouffon et Fitz est un terme évoquant la bâtardise. 


J'ai abordé ces thématiques dans quelques billets :











Abeille, lorsque quelqu'un cherche à faire du mal à Fitz


 

L'histoire de Ronce

A la fin de la Reine solitaire, on comprend qu’il n’est pas bon d’être artiseur puisqu’ils sont tous morts, sauf Fitz. Subtil a perdu la possession de son corps et a servi de réservoir d’énergie, Vérité a succombé à sa dépendance et s’est fondu dans un dragon, les artiseurs formés par Galen ont rencontré Fitz et ont été tués. Mais avant de mourir, ils avaient une vie au service de Royal. Car, les artiseurs formés pour aider Vérité dans la guerre contre les Pirates rouges ont été forcés de prêter allégeance à Royal. L’un d’entre eux est Ronce.


Ronce fait partie de la promotions de gens formés à l’Art par Galen. C’est un homme qui a été profondément marqué par les enseignements, aussi bien physiquement que mentalement. Il faut dire que Galen a été un instructeur cruel qui avait une idée en tête : créer une fidélité des artiseurs, non pas pour Vérité, mais pour Royal. 

Il a donc tenté de briser puis façonner les jeunes gens (« la musculature puissante de Ronce s’était transformée en graisse depuis qu’il avait quitté son métier de charpentier pour artiseur »). Puis, il a méthodiquement séparé les futurs artiseurs du peuple. Il ne leur a pas permis de manger avec les autres habitants du château, il a donné des cours dans un espace éloigné. Galen avait besoin de discrétion pour atteindre son but : « il est probable que Galen lui avait imposé une dévotion inébranlable envers Royal ».


Même si les artiseurs formés sont soumis à Royal, cela ne veut pas dire que l’entente est bonne entre eux. Dans le Poison de la vengeance, ceux qui ont survécu (Ronce et Carrod) au couteau de Fitz semblent se méfier de Guillot, un autre artiseur. Ce dernier semble être le leader du groupe, celui sur lequel Royal se repose. Carrod met en garde Ronce contre sa faiblesse de caractère, il le presse de s’endurcir et sans doute que cela aura un impact sur le futur Ronce, un être cruel et méchant. Carrod reproche à Ronce de trop pleurer et de ne pas prendre d’initiatives : « il cherche à nous imposer ses propres craintes, et il tire sûrement une grande satisfaction d’entendre tes genoux qui claquent. Cache soigneusement ce genre d’inquiétude ».

La vérité est que Guillot semble mépriser Ronce, et Carrod. Selon lui, ils n’ont pas une bonne façon d’appréhender l’Art et ils n’ont rien compris à Fitz. Tout cela les rendait presque inapte à répondre aux demandes du roi Royal. On sent dans sa façon de parler et dans ses mots qu’il a une bien piètre opinion de ses camarades. Ainsi, il dit que « mes compagnons, semble-t-il, qu’une tempête de terreur peut débusquer n’importe qui ; mais naturellement, ils n’ont pas autant que moi l’expérience de ta force de volonté ».


En réalité, les artiseurs ne forment pas un groupe, ils n’ont pas de sentiment d’union ou de communauté. Il n’y a pas d’osmose, simplement de la peur et de l’effroi. Pire, Royal se sert d’eux comme de vulgaires chiffons. Il en dispose, il les punit et il ne connait rien à l’Art. Même si il a lu des manuscrits, Royal ne possède pas l’Art. Il s’en sert simplement pour arriver à ses fins. Et quand il n’y arrive, ça ne peut pas être de sa faute mais celle des autres. Par exemple, il inflige une fois une forte douleur en se servant de Guillot (« liés comme ils l’étaient, Ronce et Guillot devaient ressentir l’écho de ses affres »). Cela n’est pas anodin : pour plaire à Royal et éviter de subir le même sort, Ronce se plongera dans la cruauté gratuite.


Ronce croise à nouveau la route de Fitz à Oeil-de-Lune et dans ses environs. Dans cette zone proche des Montagnes, Ronce arrive dans un univers qu’il ne connait pas et qu’il ne cherche pas à comprendre. Il ne prend pas le temps de cerner les habitants, les pratiques. Il a une mission à accomplir (trouver Fitz) et il s’y emploie. Il crée du ressentiment auprès des soldats royaux en les empêchant d’augmenter leurs revenus (« quant au pot-de-vin payé au contrebandier, il me sera rendu ou vous ne toucherez votre solde qu’une fois la somme remboursée. Je ne suis pas un imbécile »). Il est bien mal vu de la part d’un dirigeant de se mettre à dos ceux qui le servent et assurent sa sécurité.

En plus, Ronce aime la position que lui confère son statut d’artiseur. Il est au-dessus d’une bonne partie de la population, il le sait et il en profite (« j’avais vu la forme de son Art et constaté la façon dont Galen l’avait tordu (…) Il avait envie de pouvoir et il adorait l’existence indolente que lui valait son talent »). Lors d’une conversation avec un Fitz qu’il vient de capturer, Ronce développe sa vision des choses. On sent sa prétention, on perçoit son arrogance : « tu as le même point faible que ton père et le Prétendant : tu es persuadé que l’existence d’un seul de ces paysans vaut la tienne. Fais le moindre ennui et ils le paieront tous de leur sang ».

Le mépris caractérise donc Ronce. Ce n’est pas son seul de trait caractère saillant. Il est aussi cruel lorsqu’il force un soldat réticent à torturer Astérie (« Toi ! Casse-lui un doigt ») ; le soldat hésite et Ronce demande à un autre soldat de le fouetter. Cela est un bon signe de la méchanceté de Ronce. Et, une nouvelle fois, il prend le risque de se mettre à dos ses propres hommes.

Une autre mauvaise décision est prise quand il remet donc en cause l’accord entre les contrebandiers et les soldats. Astérie dit que « Ronce a été envoyé sur place. Il ignorait tout de l’arrangement. Il amenait un vaste corps de soldats avec lui et il a voulu imposer une discipline militaire sur la région ». Des femmes sont violées, des hommes sont battus, des gens sont tués. Les gens des alentours ne supportent pas ça et ils mettront la ville à feu et à sang. Ronce aurait pu éviter tout ça en faisant preuve de finesse.


Toutefois, Ronce est un homme sous influence et qui a peur. Il a peur de décevoir Royal et d’être puni. Il ne doit pas seulement obéir à Royal et respecter l’ordre d’Art imposé par Galen. Il doit faire avec un roi capricieux, colérique qui n’hésite pas à punir cruellement ses propres hommes. Malheureusement pour lui, Ronce subit la haine de Royal lorsque Fitz s’échappe. L’homme est brisé par « une douleur totale, comme si toutes les parties du corps, à l’intérieur et à l’extérieur, étaient immergées dans du feu ».

Dès lors, Ronce n’est plus qu’un outil. On lui confie la mission compliquée de retrouver le groupe de Fitz qui s’enfonce dans les Montagnes pour retrouver Vérité. Royal et Guillot l’utilisent comme un vulgaire pantin afin d’atteindre le Fitz dans l’Art. Quand ils se trompent et attaquent le Fou, le Fou montre à quel point Ronce n’a plus d’individualité (« c’est son nom, bien qu’il s’en souvienne à peine maintenant. Guillot et Royal se sont emparés de lui pour user de lui à leur gré »).