Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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mardi 18 juin 2024

Abeille et la méchanceté gratuite

Parfois, le mal est présent dans la vie quotidienne des gens. Parfois, il n’est pas nécessaire de faire face à de terribles épreuves ou traverser le monde pour souffrir. Abeille découvre cela alors qu’elle vit à Flétribois. Abeille est différente physiquement et elle parle peu. Même son père, Fitz, avait des doutes sur son aptitude à survivre. Il la trouvait différente avec sa peau et sa chevelure. Des rumeurs ont même circulé, interrogeant la réelle identité du père d’Abeille. Après la mort de Molly, Abeille se retrouve sans protection : elle est livrée à elle-même dans un château où Fitz traine sa misère et n’a pas réussi à faire le deuil de sa femme.


Son statut de soeur de la propriétaire du château (Ortie) et de la fille du de Tom Blaireau (Fitz) éloigne Abeille des autres enfants. Elle ne peut pas réellement à se mélanger à eux et ces enfants ne cherchent pas non plus à l’intégrer à leurs activités. Elle est trop différente, trop noble pour faire partie de la bande. Celle-ci est constituée des gens des enfants qui servent : bergers, cuisiniers, serviteurs… Ils ne font aucun effort pour s’intéresser à Abeille et ils se plaisent à lui faire de petites mesquineries qui marquent Abeille. C’est le cas de Caramel qui « avait une façon de prononcer Abeille qui en faisait une insulte et un synonyme d’idiote ». Si tous les gens de ce groupe ne sont pas comme ça, aucun ne se dresse pour défendre Abeille (« les deux filles n’osaient pas renchérir sur ses moqueries, mais elles ne se privaient pas de les savourer »). Caramel ne se contente pas de blesser Abeille avec des mots, il s’en prend également à elle physiquement. Il la frappe en sachant qu’elle est une cible facile et qu’elle ne réagira pas : « il me gifla, durement. Une fois, et ma tête partit à gauche ; deux fois, de l’autre côté (…) le goût salé du sang envahit ma bouche ».

Le soutien qu’Abeille n’a pas auprès des enfants ou de son père à qui elle n’ose pas se livrer, Abeille le trouve, en partie, de Lin (le berger). Quand il est témoin des exactions contre Abeille, il est choqué de voir qu’ils s’en sont pris non seulement à un enfant, mais en plus à Abeille (« par El et Eda, mais vous êtes tous pires que des idiots ! C’est la petite maîtresse, la soeur de dame Ortie elle-même ! ». D’une certaine façon, Lin montre à Abeille qu’elle peut compter sur les adultes si besoin. Certains oseront la défendre ; d’ailleurs, Lin est en colère et les menace (« vous voulez que je vous montre ce que ça fait de recevoir une raclée et de quelqu’un de plus grand ? »).

Pour justifier son comportement, Caramel utilise des arguments qui semblent bien présents dans la bouche du gens des châteaux. Il dit d’Abeille qu’elle est « bête, elle n’a rien dans la tête, et elle a des yeux de fantôme ». Autrement dit, il met à nouveau en avant la différence d’Abeille.


Sa propre famille doute de l’intelligence d’Abeille. Pour eux, elle n’a pas grandi, elle est presque attardée sur le plan intellectuel. 

Fitz désire garder Abeille près de lui pour la protéger. Il pense que c’est son devoir en tant que père. Ortie, elle, voit plus loin et pense que Fitz ne prend pas en compte tous les aspects. Lors d’une discussion avec son père Fitz et en présence d’Ortie, elle exprime clairement ses doutes (« quand elle ira suivre ses leçons, ils s’en prendront à elle parce qu’elle est petite avec la peau blanche, ils la pinceront pendant le repas (…) ils se moqueront d’elle parce qu’elle est différente »). A la grande horreur de Fitz et d’Abeille, Ortie continue. Sans le faire exprès, elle dévalue la valeur d’Abeille (« ma mère l’a eue tard, et elle était minuscule à la naissance ; chez ces enfants-là, le… l’intelligence se développe rarement »). Cet instant va sans aucun doute marquer la relation entre les deux soeurs qui auront beaucoup de mal à se comprendre, Abeille faisant preuve de bien peu d’efforts pour se rapprocher de sa soeur.


Quand Abeille dit à Fitz que « les autres enfants ne m’aiment pas, je les mets mal à l’aise », il ne la croit pas et lui reproche presque de mentir ou de se chercher des excuses. Fitz a une vision incomplète des choses ; il fait même un sermon à Abeille (« tu es différente, Abeille, et ça compliquera beaucoup certains aspects de ton existence ; mais, si tu te rabats toujours sur tes différences pour expliquer tout ce qui te déplait dans le monde, tu finiras par passer ton temps à pleurer sur ton sort »). On peut penser qu’entendre ça est marquant pour la jeune fille et qu’il y a le risque pour elle de se défier de son père.


Peu soutenue par son père, Abeille voit les remarques déplaisantes continuer. C’est le cas de Douce, une servante (« comme toujours, ses réflexions à mon endroit avaient un côté acerbe »). Fitz n’est donc pas un soutien bien efficace à la détresse d’Abeille. Il s’enfonce même un peu lorsque Evite arrive. Fitz ose répéter devant Evite une confession d’Abeille. Cela déstabilise grandement la jeune fille, d’autant plus qu’elle s’entend mal avec Evite qui la renvoie sans cesse à sa condition de paysanne et de gamine (« c’est ce que font les enfants le soir : ils vont se coucher pour que les grandes personnes puissent parler entre elles »). Abeille est donc choquée : « je regardai mon père, atterrée. Comment avait-il pu faire une telle révélation devant une quasi inconnue ? Etait-ce volontaire parce que je l’avais blessé ». Cette petite blessure fait allusion au fait que Abeille a demandé à quelqu’un d’autre que son père de lui apprendre à monter à cheval.


Cette période de la vie d’Abeille est compliquée : elle ne peut pas compter entièrement sur son père et Evite fait tout pour la rabaisser. Pour ne rien arranger, Lant arrive au château. Or, elle conserve un souvenir particulièrement effrayant du jeune homme : elle pense qu’il est venue l’assassiner comme lorsqu’elle n’était qu’un bébé. Bien entendu, elle ne sait pas qu’à l’époque ce n’était qu’un exercice concocté par Umbre. Elle questionne directement son père (« crois-tu qu’il soit venu m’assassiner ») en lui faisant comprendre qu’elle saisit bien plus de choses que ce qu’il pense. Abeille a bien compris que son statut de Loinvoyant, certes non officiel, la menaçait (« parce que je suis une Loinvoyant, dis-je une voix lente ; un Loinvoyant dont on n’a pas besoin, ou dont on ne veut pas »).


Pour ne rien arranger, Lant est envoyé pour servir de précepteur aux enfants du château. Abeille va donc retrouver ceux et celles qui se sont moqués d’elle, l’ont insultée ou frappée. Persévérance, un jeune garçon des écuries et assez proche d’Abeille, la met en garde : on continue de mal parler d’elle (« elle se promène avec des vêtements qui iraient mieux au gamin d’un cordonnier »). En apprenant ça, elle tente de prévenir son père. Elle lui dit que parmi les enfants qui suivront les cours, « il y en a au moins trois qui me détestent » et que « les filles n’ont pas besoin de frapper pour faire mal ». Son père ne comprend pas ses remarques, il lui reproche même d’empêcher à certains d’accéder au savoir. Pas écoutée, Abeille vit alors un véritable calvaire lors de la première leçon ; elle fait face à un Lant qui n’a pas envie d’être là et se venge sur elle. Il reproche gratuitement à Abeille d’être une bonne élève (« demoiselle Abeille, vous devriez avoir honte. Demoiselle Ortie vous croit simple d’esprit et quasi muette, et elle se ronge les sangs pour vous »).  On comprend de cette tirade qu’Ortie a propagé l’idée d’une relative débilité d’Abeille. Lant, lui, pense donc que Abeille joue la comédie : il lui fait des reproches méchants et inutiles.


Enfin, à la fin du tome la Fille de l’assassin, Abeille assiste à une scène bien tragique (sans doute une des meilleures scènes de toute la saga) ; une chienne est mise à mort par un maître sans scrupule. Abeille voit que « la chienne ne lâcha pas prise. Le sang coulait sur ses flancs et faisait fondre la neige sous une averse de gouttes rouges ». En se rendant dans un marché renommé, Abeille espérait vivre un moment magique. Ce n’est pas le cas. Elle est témoin d’un affreux spectacle qui illustre bien la méchanceté de certains prêts à tout pour quelques pièces. C’est Fitz qui libèrera la chienne en la tuant proprement et en punissant le maître. Abeille est alors fier de son père.

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