Le Fou n'est plus, bienvenue Sire Doré ! Quand s'ouvre la seconde saga de l'assassin royal, Fitz n'est pas le seul à avoir changé d'identité. Quand l'ancien bouffon du roi Subtil réapparaît, c'est un nouvel homme que nous voyons. Il est riche, sa prestance impose le respect. Si il se base sur l'apparence, c'est quasiment un inconnu pour Fitz (« ses habits fins, sa monture de haute lignée, son café de Terrilville, et à présent cette eau-de-vie »). Tout laisse à croire que Sire Doré est riche : dans les Aventuriers de la Mer, alors qu'il est Ambre, Sire Doré a hérité d'une part du trésor d'Igrot, un immense trésor dont il s'est en partie pour investir dans la reconstruction de Terrilville.
Fitz vit reculé du monde. Il n'a aucune idée de ce qui se passe à Castelcerf. Il s'est volontairement plongé dans cet isolement. Ce n'est pas le cas de Sire Doré qui est revenu à Castelcerf car il sentait que c'était là qu'il devait être. Sire Doré n'est qu'un costume, une incarnation ; Sire Doré, Ambre ou le Fou, peu importe son identité, homme ou femme, il sait qu'il doit mener le monde vers une certaine direction (le retour des dragons).
Le Fou est capable de trouver le déguisement qui lui permettra d'atteindre ses buts. Il s'est déguisé en femme commerçante à Terrilville car cela lui assurait une certaine invisibilité et liberté, il se déguise en noble étranger qui soulève le mystère et l'envie à Castelcerf. Quand Fitz (Tom Blaireau) finit par retourner à Castelcerf, le personnage de Sire Doré est bien établi. Sire Doré sait ce qu'on dit de lui ; d'après la rumeur, « Sire Doré est un homme orgueilleux aux caprices imprévisibles ; jamais il ne garderait à son service un domestique à l'aspect aussi négligé ».
On comprend que Sire Doré a un certain mode de vie, il détonne par son opulence et ses désirs dans une société assez conservatrice, malgré tous les efforts de Kettricken pour l'ouvrir. Il est une réelle attraction, pas seulement pour les gens du château, mais aussi pour toute la population. Jinna, une amante de Tom Blaireau, nous apprend que Sire Doré a une très bonne réputation auprès des artisans car il paie abondamment: « j'espère qu'il est aussi généreux pour vos gages que lorsqu'il descend faire des achats à Bourg-de-Castelcerf ».
Umbre, avec son œil avisé, résume parfaitement la situation. Il dit que « notre illustre seigneur est un personnage en vogue à la cour de Castelcerf et il crée une sensation telle qu'on n'en a pas vu depuis plus de dix ans ».
Grâce à sa position de serviteur, Tom Blaireau est un bon témoin de la situation. Il se rend compte que les propos d'Umbre sont vrais. Sire Doré n'est pas qu'un homme séduisant, il cherche à plaire et est content des effets qu'il provoque. Il profite de toutes les occasions publiques pour cela (« il charma ses auditrices par toutes sortes de compliments élégamment trouvés sur leurs robes, leurs coiffures et le parfum qu'elles portaient »). Pour un noble, pour un homme influent, toutes les occasions sont bonnes pour asseoir son autorité, sa légitimé, son caractère. Sire Doré semble être un maître en la matière quand on voit les réactions lorsqu'il se montre à la présentation d'Elliania : « à peine fûmes-nous entrés que plusieurs damoiselles ravissantes interrompirent leur conversation avec de jeunes aristocrates et convergèrent (…) on se fût cru dans un vol de papillons ».
Si ces descriptions semblent plutôt avantageuses, Tom Blaireau juge plutôt durement Sire Doré. Il n'est pas un grand admirateur du noble. Quand Sire Doré lui demande ce qu'il en pense, la réponse de Tom Blaireau est cinglante : « je crois n'avoir jamais connu d'aristocrate plus médisant et dépourvu de moralité ! Si je ne t'avais pas connu avant ce soir, je t'aurais méprisé de tout mon cœur. Tu me faisais penser à Royal ».
Royal. La comparaison est-elle pertinente ? Car, l'ancien roi Royal se servait de façon impitoyable des autres pour arriver à ses fins. Royal avait également une consommation démesurée des substances (notamment la Fumée). Royal avait bien peu d'intérêt pour les autres. On ne peut pas dire que tout cela corresponde à Sire Doré même si ce qui se passe à Myrteville offre un aperçu bien peu flatteur.
Sire Doré irradie, il illumine les soirées où est il est invité. Sa tenue, sa façon de parler et son ton ne peuvent que plaire. Pour une jeune femme comme Sydel, qui n'a jamais mis les pieds à Castelcerf, c'est un réel piège dans lequel elle tombe : « elle a pris grand soin, pendant la partie de chasse, de m'expliquer qu'ils étaient amis d'enfance et qu'il n'y avait absolument rien entre eux ». Pour la défendre, tous tombent sous le charme de Sire Doré : il est tellement à part qu'il est impossible de détourner le regard. Sire Doré n'est pas un noble de passage, il est un spectacle : « l'attitude scandaleuse de mon maître fascinait et horrifiait à la fois les autres invités et les murmures allaient bon train autour de la table, ainsi que les coups d’œil choqués ».
Sire Doré décide alors de pousser son avantage. Il sait qu'il a charmé Sydel. Il sait aussi que son attitude énerve le fiancé de Sydel : Civil. Il fait alors l’inattendu : il embrasse Civil. On peut lire que « je ne l'ai même pas embrassé sur la bouche ; j'ai tendrement pressé mes lèvres dans le creux de sa main, et je n'ai donné qu'un petit coup de langue sur sa paume ». Cela choque les hôtes, Civil et même Tom Blaireau. Pour eux, Sire Doré a repoussé toutes les limites en se comportant comme ça.
D'ailleurs, la sexualité de Sire Doré intrigue. Une Astérie revancharde est convaincue que Sire Doré et Tom Blaireau couchent ensemble. Un garde de Castelcerf pense que Tom Blaireau n'est pas qu'un garde ou un serviteur et qu'il offre d'autres services à son maître. Devoir, lui, se laisse influencé par la rumeur populaire et les ragots de son nouvel ami Civil. Il appuie sur les prétendues origines de Sire Doré pour pointer du doigt ses envies sexuelles : « Sire Doré est jamaillien, après tout ; chacun sait que ces gens font peu de cas de ces choses ».
Plus tard, les événements se bousculent. Elliania défie Devoir de tuer un dragon prisonnier des glaces. Sire Doré voit là l'opportunité de ramener un dragon à la vie tout en sachant qu'il devra mourir pour arriver à ses fins. Il n'a donc plus besoin de sa richesse et se met à la dépenser avec entrain. Il se met à jouer et à perdre (« Devoir m'apprit qu'il s'adonnait à présent aux jeux de hasard à Bourg-de-Castelcerf »). Il dépense son argent dans des tenues plus extravagantes les unes que les autres (« l'homme qui se tenait devant moi portait une somptueuse robe de chambre en soie brodé de pierres précieuses »).
Sire Doré devient alors une figure de légende, son nom est sur toutes les lèvres. Les autres nobles sont admiratifs ou jaloux, outrés, scandalisés. Sire Doré ne semble plus avoir aucune limite et son comportement déteint sur d'autres : « ses fresques paraissaient n'accroître sa popularité qu'auprès d'une certaine tranche de l'aristocratie des Six-Duchés ; plus d'un jeune noble dut quitter Castelcerf en hâte (…) je percevais une fascination quasi lubrique devant les excès et l'immoralité de Sire Doré ».
Au final, Sire Doré finit par tout perdre : sa richesse, sa réputation, sa bonne place. C'est comme si il n'avait jamais réellement existé. Son nom reste sur toutes les lèvres mais il n'a plus aucune possession, plus aucune trace physique de ses possessions. Il s'en explique à Fitz : « tout a disparu, Fitz, dilapidé ou destiné à être donné (…) Me débarrasser de tout cet argent a représenté non seulement une gageure mais un plaisir bien plus grand que le posséder ». On retrouve là un trait qui dépasse Sire Doré. Il faut preuve d'altruisme, de générosité en donnant certaines de ses affaires à des gens bien précis. C'est par exemple le cas de Garetha, une servante qui l'a toujours aimé et qui a toujours tu un de ses secrets ; il lui offre de quoi avoir un avenir radieux.
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