Après la prise de pouvoir de Royal, les choses se compliquent pour les gens doués de la magie du Lignage (ou du Vif). Ils subissent le courroux d'un homme qui n'a jamais pu ou su dépasser sa rancune envers Fitz. Ils sont donc les victimes de la paranoïa de Royal ancrée à une haine bien ancrée de la magie du Vif dans la société. C'est pour cela que, la première fois que l'on rencontre Rolf le Noir, personne ne réagit alors qu'il se fait battre par des soldats en pleine rue. L'homme a simplement un peu trop bu et est roué de coups (« Rolf le Noir a été puni et payé une amende pour acte de trahison : s'être moqué du roi. Que ce soit un exemple pour tous »). Fitz assiste à la scène : ce qui le marque le plus est quelque chose qui émane de l'homme, une sensation, une impression. C'est quelque chose qu'il a rarement rencontré et qui le pousse à aider : « il croisa mon regard et je lus dans ses yeux une détresse et une supplication sourde : c'était celui d'un animal qui souffre ».
Pour Fitz, c'est la première réelle rencontre avec quelqu'un doué du Lignage (ou du Vif) et qui l'assume. Burrich avait toujours nié ça, de façon assez absurde. Rolf en parle ouvertement, d'autant plus qu'il vit intégré dans une petite communauté de gens doués de cette magie. Il offre à Fitz une nouvelle perspective sur sa magie, notamment la façon dont il a rencontré son ourse. Il ne semble pas y avoir une approche standard pour rencontrer son animal. Fitz a trouvé Oeil-de-Nuit alors qu'il arpentait les rues de Castelcerf sous la colère et sans réellement chercher un compagnon ; Rolf, lui, semble s'être lancé dans une quête (« nous nous sommes sondé mutuellement, nous avons trouvé la confiance l'un chez l'autre, et, ma foi, nous voici ensemble sept ans plus tard »). Ceci dit, Rolf a un avis négatif et tranché sur la façon dont Fitz a trouvé un compagnon. Il juge son attitude irresponsable car il s'exclame que « vous vous êtes lié enfant ? Pardonnez-moi, mais c'est de la perversion ; c'est comme si on mariait une petite fille à un homme fait ».
A sa façon, Rolf se prend d'affection pour Fitz. Il ne le fait pas avec des gestes tendres et affectueux, il est bourru et sincère, très direct dans sa façon de parler. Une autre preuve est qu'il accepte de partager son savoir et ses connaissances avec le jeune homme. Il aborde avec Fitz des choses dont il n'a même pas conscience, notamment dans sa façon de communiquer. Ayant grandi à Castelcerf, Fitz a croisé très peu de gens adeptes de cette magie, et mis à part avec Burrich, il a dû très peu se cacher dans son utilisation. Rolf le rappelle à l'ordre : « quand vous parlez entre vous, tous les deux, pour quelqu'un du lignage, c'est comme si vous hurliez pour vous faire entendre par-dessus le vacarme d'une carriole de rémouleur ». Le ton du conseil peut être rude mais il est utile. Il sera d'autant plus utile pour Fitz dans la suite lorsqu'il sera poursuivi par des gens du Vif corrompus par l'argent de Royal. En réalité, si Rolf se comporte comme ça avec Fitz, c'est parce qu'il a remarqué en lui quelque chose d'unique. Il parle même d'un ton bienveillant (« vous n'êtes pas un homme ordinaire ; les autres s'imaginent avoir un droit sur toutes les bêtes, le droit de les chasser, de les manger, de les asservir et de gouverner leur vie. Vous, vous savez que vous n'avez aucun droit à cette autorité »). D'ailleurs, on est témoin plus tard de cette estime qu'il a pour Fitz ; c'est Rolf le Noir qui prévient que certains du Lignage ont trahi, c'est lui qui envoie à Fitz un animal (le légendaire Petit-Furet) pour le prévenir (« j'ignorais comment Rolf le Noir avait intercédé en ma faveur auprès du lignage. Depuis mon départ de gué-de-Négoce, je craignais que tous ceux du Vif que je rencontrerais ne fussent mes ennemis »).
Après avoir permis à Vérité de sauver les Six-Duchés, Fitz a enfin du temps pour lui. Il se retire des affaires royales et parcourt le monde (Terrilville, Chalcède, le désert des Pluies) et les duchés. Il retourne voir Rolf afin d'approfondir sa connaissance de sa magie. Il le fait volontairement, sans réelle crainte d'être trahi. C'est un signe de confiance de la part de Fitz envers Rolf le Noir. Fitz, élevé dans la culture du secret, ose potentiellement livrer le sien (« j'étais démuni de ce que ces gens savaient ou non de moi. Oeil-de-Nuit et moi avions besoin de leur science ; eux seuls étaient en mesure de nous enseigner ce qu'il nous fallait apprendre »). Fitz apprend et il rencontre un enseignant aussi dur et sec que ceux qu'il a connus (Burrich, Umbre ou Galen). Rolf ne fait aucun effort pour être apprécié ; on lit que « Rolf m'a enseigné les rudiments de la courtoisie entre les gens du lignage, mais sa pédagogie n'avait rien d'aimable ; il était aussi prompt à la correction après que nous ayons pris conscience de nos erreurs qu'avant ».
Fitz étant Fitz, un homme têtu et avec un assez mauvais caractère, il a parfois du mal à supporter Rolf. Ce n'est pas le cas du loup et Fitz suppose que c'est « peut-être parce qu'il était plus sensible au sens de la hiérarchie telle qu'elle existe dans une meute ».
Rolf le Noir juge sévèrement la nature du lien entre Fitz et Oeil-de-Nuit. Il leur explique qu'ils doivent changer, que leur relation est déséquilibrée. Ils prennent de gros risques en étant si proches l'un de l'autre (« à ses yeux, Oeil-de-Nuit était trop humanisé tandis qu'il voyait trop peu de loup en moi ; dans le même temps, il nous reprochait l’entre-tissage trop serré de nos esprits (…) il avait fait comprendre à Oeil-de-Nuit que chacun a besoin d'intimité, de solitude »). Le loup assimile mieux les choses que l'humain, il « avait appris la leçon plus vite et mieux que moi : quand il le désirait, il était capable de disparaître complètement à mes sens ».
Si Rolf est si vindicatif, ce n'est pas sans raison. Il a vu comment la magie peut gâcher la vie d'un animal si elle mal utilisée, si elle est utilisée de façon égoïste. Il leur montre Delayna, une biche qui accueille l'esprit d'une femme morte (son ancienne compagne du Lignage). Mais, malheureusement, l'esprit de la femme a pris le dessus sur celui de l'animal et elle prive la biche de tous les besoins (accouplement par exemple) de son espèce. Selon Rolf, c'est une attitude déplorable et abjecte. Il est tellement révolté qu'il comprend ceux qui brûlent et découpent les gens du Lignage (« c'est elle qui les incite à nous pendre et à nous brûler au-dessus de l'eau ! Elle n'a que ce qu'elle mérite ! ») Il adresse alors une mise en garde à Fitz (« quelqu'un qui n'a pas d'éducation peut commettre une mauvaise action ; mais, une fois qu'il appris, il n'a aucune excuse s'il recommence. Aucune »). On peut se demander s'il sait réellement ce qui est arrivé à Fitz après que Royal le tue.
On peut aussi tirer de cet exemple la conception des choses de Rolf. Il trouve les humains peu fiables, égoïstes, toujours insatisfaits. Fitz rappelle son avis : « comme Rolf le Noir me l'avait un jour démontré, une grande partie du malheur des hommes provenait des espoirs qu'ils nourrissaient ; il allait de soi, pour moi en tant qu'humain que je pouvais m'abriter au chaud et au sec quand bon me semblait. Les animaux n'entretiennent pas de telles croyances. Il pleuvait ; et alors ? ».
Rolf est un homme atypique. Il sort du lot, il est un individu très rarement rencontré. Fitz le compare même à Vérité en train de sculpter son dragon d'Art et de pierre : « je me rappelais la dernière fois où je m'étais retrouvé face à un tel phénomène : c'était quand j'avais rencontré Rolf et son ourse ; ils partageaient le même flux de vie ». Étant un homme qui sort de l'ordinaire, il intéresse forcément les gens influents. Umbre, en tant que conseiller de la reine Kettricken, en fait partie. La vieille araignée aime surveiller tous les gens qui comptent : « tu avais parlé de lui à la reine, et je t'avais entendu prononcer son nom auparavant (…) je le savais important, et je garde toujours un œil sur les gens importants ». D'ailleurs, c'est Umbre qui nous apprend ce qu'il est devenu : « il est mort il y a trois ans ; la fièvre l'a pris et son agonie n'a pas été longue ».
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