Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

Article épinglé

Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

dimanche 26 mars 2023

Umbre, l'homme qui lutte contre la fatigue du corps et de l'esprit

Quand le lecteur fait la connaissance d'Umbre, on est tout de suite marqué par ses particularités. C'est un homme secret qui semble vivre la nuit. Quasiment inconnu dans le château, il vit dans l'ombre et accomplit les basses besognes de la royauté (espionnage, assassinat). Très vite, on comprend que, malgré tout ce qu'il accomplit, Umbre est un homme d'un certain âge. Fitz s'en rend compte rapidement. Pire, il remarque même que l'âge empiète sur la vitalité d'Umbre ; il « vieillissait ; la raideur des articulations que lui occasionnait le temps froid ne cédait plus aux soirées douillettes au coin du feu ». Pour conserver sa vitalité, Umbre peut aménager son alimentation. Manger mieux pourrait lui permettre de rester dynamique, de garder sa vivacité d'esprit. Or, pour Umbre, la nourriture ne semble pas vitale : il mange parce qu'il le faut, mais sans plus. Il ne voit pas la nourriture comme un outil lui permettant de lutter contre ses défaillances physiques (« j'ai remarqué quelque chose chez les gens maigres : certains tel Umbre, semblent si attirés par l'existence qu'ils en oublient de manger ou, au contraire, qu'ils brûlent jusqu'à la moindre miette de nourriture au feu de la fascination passionnée que leur inspire la vie »).

Umbre ne peut se permettre de défaillir. Le roi Subtil est en pleine déliquescence, la guerre menace. Il doit donc rester en forme pour mener à bien ses missions. Pas plus que ça intéressé par un bon repas, Umbre privilégie des artifices. Il n'hésite pas à utiliser des drogues pour augmenter sa force vitale. L'exemple de la graine de caris est intéressant car son usage induit un fort contre-coup : une fois prise, elle vous vide plus tard de toute votre énergie et vous réduit à l'état d'épave (« la graine de caris. C'est son terrible défaut : son effet s'arrête brutalement. Burrich a eu raison de te mettre en garde contre elle, mon garçon. Mais parfois, les seuls choix possibles sont tous mauvais ; parfois en de tristes époques comme la nôtre »). La graine de caris n'est pas la seule chose qu'Umbre prend, mais il est difficile de savoir ce qu'il prend tant il est secret. Même un œil expert comme celui de Fitz ne le voit pas : « les années étaient là, mais il les portait différemment, et je demandai à part moi quelles substances il prenait pour prolonger son énergie ».

Si Umbre se drogue donc, les motivations semblent nobles. Il le fait pour le bien du royaume. Mais, on peut trouver d'autres raisons, notamment l'envie de retrouver les années perdues suite à un accident de jeunesse. L'accident a totalement changé Umbre : « quand je me suis défiguré, j'ai eu envie de mourir ; pendant des mois, je suis resté cloîtré dans mes appartements. Et quand enfin je suis sorti (…) J'ai quitté Castelcerf pendant longtemps. Et, quand, j'y suis revenu, le bellâtre qu'on avait connu était mort ».

Il n'est donc pas étonnant de le voir rattraper le temps perdu une fois que la guerre est finie et que Kettricken est devenue la Reine des Six-Duchés. Les temps paisibles semblent donner une nouvelle énergie au vieil homme. La vie publique lui offre du prestige et il en profite. On lit qu' « Umbre ne vit plus en cachette : c'est l'honoré conseiller de la reine. D'après Astérie, c'est un vieillard qui soigne trop sa toilette et recherche à l'excès la compagnie des jeunes dames ». Lorsqu'il finit par revoir Fitz, il justifie son attitude : son titre de son conseiller nécessite ce caractère : il s'habille comme ça « s'il veut jouir du respect que sa souveraine et lui-même méritent dans leur négociation ». Clairement, à cette époque, Umbre est bien plus égoïste. S'il garde à l’esprit le bien du royaume, il n'oublie pas non plus de se faire plaisir (« manger enfin un repas raffiné, danser et, oui, jouir de la compagnie de jolies femmes, pourquoi m'en serais-je abstenu ? »).

Cette vie-là a un impact bénéfique sur lui. Il mange mieux, dort mieux, voit plus de monde, profite de la lumière du soleil. Les conséquences sont claires : « quand il avait enfin rejoint la bonne société de Castelcerf après des années passées dans les passages secrets du château, il avait paru rajeunir de vingt ans ». Fitz est témoin de ce nouvel Umbre. Lui qui peut enfin vivre avec Molly semble content que son vieux maître n'ait plus à vivre caché (« je ne vis pas Umbre à ses côtés, ce qui me surprit jusqu'au moment où je le remarquai en train de danser lui aussi, avec une rousse flamboyante qui n'avait pas sûrement pas plus d'un tiers de son âge »).

Mais, avant d'arriver à cet Umbre dynamique, il s'est déroulé un certain nombre de choses. En revenant à Castelcerf, après son exil volontaire, Fitz se replonge dans les affaires royales. Le stress et les ennuis le submergent à nouveau alors qu'il vient à peine de revenir au château. Pour quelqu'un comme Umbre qui passe son temps dedans, les effets sont encore plus visibles. Fitz remarque qu' « Umbre n'était plus l'homme qu'il avait été ; il avait vieilli et, même s'il s'en défendait, son esprit vif avait désormais peine à écarter les voiles flottantes de ses années (…) j'eus l'impression que je venais de rater une marche dans le noir, et je mesurai soudain dans quel abîme et à quelle vitesse le naufrage de la vieillesse pourrait nous entraîner tous ». Assister à la déchéance d'Umbre perturbe Fitz, elle le secoue dans toute son âme, lui qui connaît Umbre depuis son enfance et a pu voir à maintes reprises la puissance de son cerveau. La chute est encore plus douloureuse à vivre du point de vue de Umbre (« la mémoire d'Umbre le trahissait parfois (…) je m'étais aperçu également que le simple fait de mentionner cette éventualité le mettait dans un état de fureur »). Umbre chute donc et il est encore plus douloureux pour lui de savoir que les autres l'ont remarqué. Cet homme fier qui a rarement compté sur d'autres devient l'objet d'inquiétude et il ne supporte pas cela. Il s'emporte d'ailleurs : « mon esprit chancelle, mon dos s'élance, mes souvenirs s'embrument. Crois-tu que je ne remarque pas ton expression inquiète quand je te dis que je dois chercher dans mes notes pour te trouver un renseignement ? Imagine alors ce que je ressens, moi ! »

Malgré tout, cela n'empêche pas Umbre de prendre part à la quête de Devoir. Il marche dans la glace, brave le froid et les conditions difficiles. Il s'en plaint (« je suis trop vieux pour camper dans la neige après avoir marché toute la journée ») mais le supporte pour le bien du royaume (« le vieil homme jouait trop avec sa santé ; il était capable de consumer ce qui lui restait de vie en voulant la donner à notre cause »). Il faut dire qu'il a nouveau recours à des produits : Devoir signale qu' « il boit une décoction répugnante chaque matin ».

Un autre outil pour lutter contre le vieillissement du corps est l'Art. On comprend très vite qu'Umbre a de la rancœur. Il est même amer. Il en veut à son frère, Subtil : « de mon vivant, mon propre frère m'a toujours défendu de me soumettre aux simples examens de vérification ». Or, Umbre a lu trop de textes sur l'Art pour ne pas avoir envie de l'utiliser. Il sait que la magie a des propriétés remarquables, qu'elle peut lui permettre de retrouver un nouveau souffle. Peu formé, il en vient même à profiter de la naïveté de Lourd. Il se sert de la candeur du jeune homme pour mener ses expériences. Fitz le met au pied du mur, lui reproche son comportement. La réaction d'Umbre est équivoque, il explose de colère : « j'ai assisté à l'agonie de mon frère. J'ai vu le roi Subtil dépérir (…) j'étais à ses côtés les jours où il avait conscience de la faiblesse de son corps et de son esprit et qu'il pleurait d'humiliation (…) si l'Art lui avait permis de changer son état, il n'aurait pas hésité, quel qu'en soit le prix. Nous avons perdu ce savoir ; j’entends le retrouver et m'en servir ». Clairement, Umbre ne veut pas devenir un vieillard dépendant. Il est prêt à tout, même à prendre de gros risques comme parier sa vie. Sa détermination est encore plus alimentée par son passé : il aurait pu être en meilleur état si la magie de la famille Loinvoyant lui avait été disponible.

Dans la trilogie du Fou et de l'assassin, Umbre est grandement affaibli. Il voit alors que l'Art demande beaucoup pour rétablir la santé et qu'il vaut mieux avoir des réserves : « je crois comprendre un peu mieux tes exhortations à pratiquer les guérisons d'Art avec prudence. Par El, quel temps il faut pour que je redevienne moi-même ! Mes vêtements pendent sur moi au point que j'ai honte de me montrer ».

Un peu plus tard, on comprend qu'Umbre a poussé ses expérimentations dans une autre direction en voulant user du sang de dragon. Ces créatures exceptionnelles sont entourées d'un bon nombre de folklore et de légendes. Le duc de Chalcède voulait même en boire pour améliorer sa santé. Cendre, un serviteur d'Umbre, apprend à Fitz qu'Umbre s'intéresse à tout ça (« j'avais su aussitôt qu'en effet, si Umbre s'intéressait aux propriétés du sang du dragon, il avait dû tout faire pour s'en procurer »).

Après une agression, Umbre est à l'agonie. Son corps est dans un pathétique état et il ne contrôle plus son esprit (« Subtil m'a parlé dans les Pierres, il m'a demandé si je venais le rejoindre »). Umbre se noie petit à petit dans l'Art. La magie prend le pas sur lui et, pire, il tente d'entraîner d'autres avec lui : « Ortie a le sentiment qu'il revit ses vieux souvenirs puis les relâche dans le fleuve d'Art (…) Ortie craint qu'Umbre ne s'accroche à toi et n'entraîne ta conscience avec lui ». Dès lors, la chute d'Umbre est inévitable : il meurt. Fitz résume parfaitement ce qui s'est passé. Il affirme que « privé de ses herbes et tenir à l'écart de l'Art, il n'avait plus accès aux moyens qu'il utilisait depuis si longtemps pour se régénérer ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire