Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

Article épinglé

Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

dimanche 22 janvier 2023

Ambre, une femme prophète ?

« Tu n'es qu'un petit être à la vie éphémère. Il faudrait être fou pour croire qu'on peut changer le cours du monde ». Ces propos sont prononcés à Ambre par Parangon à la fin du cycle des Aventuriers de la Mer. Ils sont durs à entendre pour quelqu'un comme Ambre. Le lecteur sait qu'Ambre (aussi connue comme le Fou) se sent investie d'une mission, de la nécessité de mettre le monde sur une autre voie. On sait qu'elle se prend pour un Prophète et qu'elle pousse des individus (des catalyseurs) à accomplir leur destin. Entendre que ses actes ne changerait rien est donc un camouflet, presque une insulte. Il faut noter que les propos de Parangon font écho à ce qu'a dit Tintaglia : « Dans l’univers, vos rêves, vos projets, vos ambitions ne comptent pour presque rien. Vous ne vivez pas assez longtemps pour avoir de l’importance ».

Mais, Ambre n'a pas baissé les bras. Dans un monde en plein changement, elle a fait ce qu'elle a pu pour donner corps à ses prophéties. Ce n'est pas chose facile tant les événements se bousculent (la guerre à Terrilville, le rapprochement entre Jamaillia et Chalcède), tant son catalyseur présumé (Hiémain) la fuit (embarqué dans le projet fou de son père Kyle Havre). Pour Ambre, les gens comptent et la route qu'ils prennent peut changer un bon nombre de choses. Une occasion manquée pourrait mener le monde dans une mauvaise direction : « nous avons tous un droit sur notre vie. Mais si, par défaut d'orientation, nous empruntons la mauvaise voie ? Prends Hiémain par exemple (…) Si à cause de quelque chose que j'aurais omis de faire ou de dire, il devenait roi des Îles des Pirates alors qu'il était destiné à mener une vie d'étude et de contemplation ? » Si le discours d'Ambre est bien rodé, c'est parce qu'elle a déjà rencontré le scepticisme : Fitz, également, refusait de croire que les petites gens pouvaient accomplir de grandes choses.

Ambre est amenée à fréquenter étroitement les Vestrit, notamment Althéa et Malta dans une moindre mesure. Elle se rend compte à quel point les femmes de cette famille sont enclines à prendre les choses en main, à dépasser ce qui est attendu d'elle ; on attend d'Althéa qu'elle se soumette aux dernières instructions d'Ephron et fasse un bon mariage, elle ne le fait pas ; on attend de Malta qu'elle soit une gentille fille bien sage et elle ne le fait pas. Les deux se rebellent, à leurs façons, contre des traditions, des coutumes. En les rencontrant, Ambre peut s'ouvrir librement car elle sait que ce qu'elle dira aura un impact sur elles, ou en tout cas sera entendu et écouté. C'est à Malta qu'elle ose clairement dire qui elle est : « mais si je suis une diseuse de bonne aventure, je ne suis pas une faiseuse de bonne aventure. Nous forgeons tous notre propre aventure ». Encore une fois, Ambre reprend un vocabulaire associé au mythe du Prophète blanc et du Catalyseur. Les mots dits à Althéa sont encore plus forts, ils débordent d'admiration et de respect (« vous percevez le flux des événements, vous êtes capable de savoir où vous vous adapteriez le mieux, mais vous avez l'intrépidité de vous y opposer (…) j'ai toujours admiré les gens qui savent prendre cette attitude ; ils sont si rares »). On pourrait presque croire que l'attitude d'Althéa revigore la foi d'Ambre.

Si Ambre presse les femmes Vestrit à agir, c'est par intérêt. Elle œuvre pour le retour des dragons et elle sent qu'une grande partie est en cours à Terrilville. Un moment décisif approche comme elle le dit à Brashen : « quand les circonstances s'y prêtent, les gens qui ne semblent pas y être destinés accomplissent des choses extraordinaires (…) nous sommes emportés vers l'apogée dans le temps, le point critique où l'avenir doit prendre l'une ou l'autre direction ». Qui aurait pu croire qu'un bâtard mis de côté sauverait la lignée des Loinvoyant ? Qui aurait pu croire que les gosses Vestrit, les enfants d'une famille de Marchands en chute libre, causent tant de changements ?

Dans les Aventuriers de la Mer, Ambre doit faire face à des gens pris dans des événements qui les empêchent de prendre de la hauteur ou du recul. Ils sont tout occupés à sauver leurs vies qu'ils ne se rendent pas compte que d'autres choses sont en cours. Est-ce une mauvaise chose ? Difficile de trancher. Par exemple, si Malta n'était pas obnubilée par l'idée de sauver son père, aurait-elle, au final, libéré Tintaglia ?

Ambre essaie de planter les graines du changement partout où elle peut. Elle privilégie les gens les plus défavorisés, les moins regardés, les plus anodins. C'est le cas des esclaves à qui elle ose dire clairement pourquoi elle est là (« je suis un prophète. J'ai été envoyé pour sauver le monde »). Dire de telles choses ne peut que provoquer des rires et c'est le résultat qu'elle obtient. Pourtant, si on en croit une esclave, sa déclaration a été comprise ; cette dernière affirme que « tout le monde a cru qu'elle plaisantait quand elle a parlé de sauver le monde. Mais son rire... J'ai toujours pensé qu'elle avait ri parce qu'elle savait qu'elle ne risquait rien à nous dire la vérité, car personne ne la croirait ». Là encore, on retrouve de l’incrédulité, du doute. Ambre a dû faire toute sa vie avec ça. Au brutal Lavoy, elle rétorque que « ce n'est pas la première fois qu'on me traite de folle, et probablement pas la dernière ».

Peut-être aussi que se faire appeler Le Fou et agir comme un bouffon n'était pas si anodin. En adoptant cette attitude comique, en se faisant passer pour un étranger comique, le Fou se mettait à l'abri des méchancetés. Son nom semble clairement être un choix réfléchi. A Parangon, elle dit que « j'en ai porté beaucoup. C'est celui qui me convient le mieux, ici et maintenant ».

Pour atteindre ses buts, Ambre a conscience qu'elle doit user de moyens détournés, qu'elle doit faire preuve de malice et s'adapter aux situations existantes. Elle ne peut pas dévoiler tout de suite qui elle est, ni même adopter la même identité avec tous (« j'ai joué beaucoup de rôles dans ma vie. Ce déguisement s'est révélé très utile, ces derniers temps. Les esclaves sont invisibles. Je peux quasiment aller partout sans qu'on me remarque »). Le besoin de se cacher, d'être prudente avant de se dévoiler est perçu par Parangon. La vivenef folle a une perception fine des choses, bien plus que ce que la rumeur laisse croire (on la dit insensible). Le bateau passe du temps avec Ambre et apprend à la connaître : « Ambre était différente. Elle semblait plus réservée que tous les êtres humains qu'il avait connus. Parfois, il soupçonnait que sa retenue était délibérée, elle ne s'ouvrait que lorsqu'elle le voulait vraiment et encore, jusqu'à une certaine limite ». Ambre ou le Fou, peu importe, les deux tiennent à leurs secrets, au respect de leur intimité.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire