Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

samedi 14 janvier 2023

Alise dans Dragons et serpents, une femme malmenée

Issue d'une famille quelconque des Marchands de Terrilville, Alise est reléguée au second plan. Lorsque le lecteur la rencontre, il n'a jamais entendu parler d'elle alors que la cité vient de traverser un bon nombre d’événements développés dans les Aventuriers de la Mer. Si cette saga met en avant la famille Vestrit, elle développe aussi des personnages : des Marchands, des esclaves et autres. Alise n'est jamais mentionnée. Cela symbolise bien ce qu'elle est au début des Cités des Anciens : elle ne compte pas, elle est presque un poids embarrassant pour sa famille. Alise n'a pas été demandée en mariage, aucun homme ne la convoite ou ne la désire. Elle n'est pas recherchée pour la fortune de sa famille ou pour sa beauté. Tout le monde le sait. Pire, sa famille en a également conscience. Ses parents lui demandent donc de prendre sur elle, d'effacer ses désirs et ses volontés quand un homme finit par l'aborder ; il s'agit d'Hest. Dès lors, Alise commence à être sous pression. Les mots deviennent blessants, mettent en avant son incapacité à attirer des hommes et font oublier qu'elle est une propre personne : elle n'existe que pour sa famille. Sa mère lui dit que « la cour qu'il te fait t'honore, ainsi que toute ta famille, et tu dois le recevoir aimablement ». Ce sont les traditions de Terrilville : un mariage n'est pas uniquement la rencontre d'un homme et d'une femme mais de deux familles. En réalité, c'est une rencontre déséquilibrée du point de vue d'Alise. On lui a vraisemblablement répété durant toute son enfance et adolescence qu'elle était une fille quelconque, sans atouts particuliers. Elle s'en est convaincue (« Alise était, elle le savait, une jeune fille solide et banale, issue d'une famille solide et banale fermement ancrée au bas de l'échelle sociale des Marchands de Terrilville, et jamais personne ne l'avait regardée comme une bonne prise »).

Dès lors, c'est l’opportunité d'une vie pour Alise. Ses parents lui répètent sans cesse qu'elle ne peut laisser passer l'occasion, qu'elle doit tout sacrifier pour faire un bon mariage. Les passions d'Alise (l'étude des dragons et des Anciens) ne comptent plus. Si il le faut, elle doit les mettre de côté. Pour qu'elle le comprenne bien, son père emploie une expression dévalorisante : « comment pourrais-je imaginer que tu souhaiterais remonter le fleuve du désert des Pluies pour voir éclore de gros lézards plutôt qu'aller au Bal d'été au bras d'un des célibataires les plus convoités de Terrilville ? » Autrement dit, Alise fait face à des parents qui pensent faire la meilleure chose pour leur fille, en lui offrant un beau mariage. On retrouve là ce qui a eu lieu chez les Vestrit : Keffria a baissé la tête et obéi à ses parents, Althéa a fui et s'est forgé son propre destin.

Alise, de son côté, n'a pas tranché, elle ajuste baissé les bras (« un an après son entrée dans la société, sans soupirant en vue, Alise s'était résignée à son sort et avait commencé à se préparer au rôle de tante célibataire »). Le choix est par défaut : Alise était encline à se marier mais personne ne voulait d'elle. En conséquence, elle a développé et entretenu sa passion pour les dragons. C'est même devenu une priorité pour sa vie, et elle refuserait presque de la mettre de côté (« tout le respect et toute le renommée seront pour eux, tandis que mes études, les années que j'aurais employées à rassembler minutieusement des bribes de renseignements n'auront servi à rien »). La pression mise par ses parents la forcent à mettre de côté des années de travail, ce qui la définissait. Trouver un mari est plus important que le reste.

Comme tant d'autres hommes et femmes à Terrilville, le mariage entre Alise et Hest consacre une union sans amour, une union par intérêt. Alise trouve un mari, une respectabilité ; Hest trouve une femme qui lui donnera un héritier, quelqu'un qui lui permettra de cacher son amour des hommes et son côté oisif. Mais cela, Alise ne le sait pas. Malgré tout, elle espère quand même que son union la satisfera. Elle va être déçue tant les intentions de Hest sont claires. Hest dit à Sédric que « il me fallait quelqu'un qui sût diriger ma maison sans avoir constamment besoin de mon avis, une femme qui ne se sentit pas négligée si je la laissais seule un soir, voire plusieurs mois quand les affaires me forceraient à me déplacer ». Les paroles préfigurent d'un mariage de solitude, d'une femme délaissée.

Pire, les deux ne partagent aucune passion, n'ont aucune alchimie, aucun terrain d'entente. Ephron Vestrit avait beau voyager à travers le monde, il savait pouvoir compter sur sa femme, Ronica, pour gérer la maison et les propriétés, et les deux discutaient des choses importantes ouvertement. Kyle Havre n'était pas beaucoup présent mais Keffria Vestrit comprenait les motivations de ses actions. Il n'y a pas cette entente entre Alise et Hest. Elle n'existe pas après leur mariage et rien avant les épousailles ne laisse penser ça. Pour Hest, Alise est comme un bel objet, une poule pondeuse : « elle embellira ma maison me donnera un gros bébé qui héritera de mon nom et de ma fortune et garantira que mon père ne choisira pas mon cousin comme héritier de préférence à moi ». Alise est donc un moyen pour Hest, un outil.

La cérémonie de mariage se passe exactement comme on l'attend des coutumes de Terrilville (« il n'y avait rien de romantique dans les textes »). Le couple est ainsi formé et vit ensemble. Il y a bien quelques uns qui s'étonnent mais Alise ne les écoute pas : Sophie, une de ses amies, s'interroge quant à l'omniprésence de Sédric (« ne sera-ce pas étrange que vous partagiez une maison à trois ? »).

La nuit de noces éclaire Alise. Elle comprend qu'elle va vivre dans une prison dorée (« c'était elle qui avait inventé un conte de fées ridicule et en avait habillé l'armature froide de leur contrat. Si elle devait en vouloir à quelqu'un, c'était à elle, non à lui »). Alise prend donc tout ce qui va mal sur son dos. Elle s'en veut d'avoir imaginé des choses, elle se reproche son comportement.

Pourtant, il est clair que Hest possède une bonne part des trots. On a un bon exemple avec la première nuit du couple marié. C'est un moment important de sa vie, son premier rapport sexuel. Elle est à la fois impatiente et craintive. Mais, rien ne vient : Hest est absent. Quand il finit par arriver, il est alcoolisé, il la traite durement. Hest ne tient pas compte de ses sentiments, de ses attentes. Il prend Alise vulgairement, sans entrain ; il accomplit son devoir parce qu'il le faut, sans aucune passion. On lit qu' « il se précipita vers une fin qu'elle ne partagea pas, puis s'écarta d'elle aussitôt. Son membre laissa une traînée chaude et mouillée sur sa cuisse, et elle s'en sentit souillée ». Il est clair qu'il n'y a aucun amour, aucun désir. Hest veut juste avoir un fils.

Les ébats deviennent des moments pénibles pour Alise. Elle s'y plie car c'est son devoir, ce qu'on attend d'elle. Elle ne ressent rien, elle y va à reculons et Hest ne fait rien pour arranger ça. Il devient même méchant, presque violent (« il lui avait tenu les bras dans une poigne dure et s'était poussé violemment contre elle, et elle avait eu mal. La douleur et l'humiliation avaient donné à la jeune femme l'impression qu'il lui fallait une éternité pour en finir »).

Alise essaie de séduire son mari (« elle avait fait d'humiliants efforts pour lui plaire : elle s'était parfumée, elle avait acheté toutes sortes de chemises de nuit »). Elle n'obtient aucune réaction. Alise ne peut se douter qu'Hest préfère les hommes et qu'il préfère passer du temps avec Sédric.

Elle finit bien par avoir des doutes et penser qu'Hest a une amante. Lorsqu'elle confronte son mari, il joue le rôle de l'homme outré et choqué (« ne recommencez jamais à me pointer du doigt ainsi : c'est indigne de vous, et il est indigne de nous deux d'avoir de telles conversations »). Hest lui ment avec la complicité de Sédric. Les deux hommes se jouent d'elle, la font passer pour une idiote. Alise est humiliée, rabaissée. Et, pour finir de la dénigrer, Hest se moque de sa passion des dragons (« cette chimère ne vous a donc pas passé »). Alise est réduite à rien. Elle est une femme malheureuse, prisonnière de sa maison, trompée par son mari, et par son meilleur ami.

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