La seconde trilogie de l'assassin royal s'ouvre sur des changements. Fitz a vieilli et est désormais connu sous le nom de Tom Blaireau. Ses activités d'assassins sont terminées, il est désormais un homme plus âgé qui s'occupe de sa cabane, de son fils adoptif, de ses encres et ainsi de suite. A première vue, les changements sont donc logiques, ils sont consécutifs au simple fait que Fitz prend de l'âge. Il n'y aurait donc là de rien étonnant, sauf qu'Oeil-de-Nuit a des propos qui jettent le troubles. Le loup a toujours été un bon observateur des événements en cours. Lui aussi que le temps est au changement, mais pas uniquement un changement normal : « je constate seulement que tu es en train de changer, et parfois cela m'effraie. En ce qui me concerne, la transformation est plus simple : je vieillis ». Là, les choses sont plus claires : si Fitz change, ce n'est pas consécutif à la vieillesse. Le loup développe plus tard son idée (« tu avances en âge, mais tu ne vieillis pas comme moi. C'est la vérité, tu le sais aussi bien que moi »). On peut penser que la magie de l'Art permet à Fitz de vieillir moins vite, de conserver son corps en bon état. On sait aussi que le loup refuse que Fitz lui insuffle de la vitalité ; il vivrait cela comme un viol. Le loup a également vécu un bon nombre de choses importantes auprès de Fitz, il sait que son plus fidèle compagnon, son meilleur ami est toujours pris par les événements. Il sait aussi que Fitz fait rarement ce qu'il souhaite et que le destin a tendance à jouer avec lui. Oeil-de-Nuit remarque que « le changement vient nous emporter de nouveau, Changeur. Je le sens au bord de l'horizon, presque comme une odeur. On dirait un grand prédateur qui serait entré sur notre territoire ». On retrouve là l'idée que le changement va s'imposer à Fitz.
Le temps a passé et les personnages principaux jettent un regard lucide sur leur passé ou sur ce qu'ils sont devenus.
L'âge du Fou est difficile à estimer, d'autant qu'il avait tendance à alterner des moments graves et d'autres bien plus légers. Pour beaucoup, il garde la même fraîcheur qu'il avait des années auparavant. Le Fou, lui, sait qu'il a vieilli, ou que les événements lui ont fait gagner en sagesse. Entre ce qu'il a vécu dans les Montagnes ou à Terrilville (sous le costume d'Ambre), il a pu gagner en maturité. Cela lui permet d'affronter sereinement ce qu'il était, ses travers, son comportement : « pourtant, j'ai changé, Fitz, même si tu le constates qu'à la teinte de ma peau (…) Quand je me rappelle ma conduite d'alors, parfois, j'en suis moi-même scandalisé. Je suis beaucoup plus mûr aujourd'hui, je te le garantis ». Il y a donc quelques remords mais rien à voir avec l'apitoiement, connu et exagéré, de Fitz. Ce dernier se dit que « pendant que je coulais des jours solitaires, loin de tout, le monde poursuivait son chemin, ici, sans moi, et je suis désormais condamné à rester un étranger dans ma propre maison ». Fitz s'en veut : il a décidé de vivre comme un reclus, il voulait avoir son petit monde rien qu'à lui sans personne pour le bousculer. Or, en retournant à Castelcerf, il a compris que le monde, au-dehors, avait poursuivi sa route, que les autres n'avaient pas attendu qu'il soit prêt à revenir. Les choses ne sont pas restées immobiles ou figées.
Le retour de Fitz à Castelcerf est un choc. Il y revient en tant que serviteur alors qu'il l'a quitté (certes mort) en membre de la famille royale. Il n'a donc pas le même point de vue. Surtout, il n'y a pas mis les pieds depuis de très longues années et les modifications lui apparaissent clairement : « bien que le château fut occupé par une population plus nombreuse que dans mes souvenirs, il paraissait plus propre et mieux entretenu. Était-ce le résultat de l'application par Kettricken de la discipline montagnarde ou simplement celui de la paix qui régnait dans le royaume ? »
On comprend très vite que Kettricken y est pour beaucoup. La Reine veut changer les Six-Duchés, l'ouvrir au commerce et le rendre moins sauvage, moins barbare (comme diraient les gens de Terrilville). Kettricken est connue pour sa détermination, il n'est pas étonnant de voir des résultats. Mais, ce n'est pas bien vu par tout le monde.
Umbre est à ce moment le conseiller de Kettricken. Le vieil homme se porte garant des traditions des Six-Duchés, du passé des Loinvoyant. Il est convaincu qu'il faut freiner les envies de la Reine pour éviter que le Royaume ne court à sa perte. Il tente de calmer son tempérament, son impulsivité (« elle court trop de lièvres à la fois, à mon sens : elle veut agréger le royaume des Montagnes aux six duchés existants, pour en faire un septième et placer en même temps une Outrilienne sur notre trône. Non, c'est excessif et c'est trop tôt.... »). Selon Umbre, la Reine se disperserait donc. Rien ne s'arrange quand il apprend à Fitz la politique en ce qui concerne le Vif. Kettricken veut mettre à plat toutes les coutumes liées à cette magie, des coutumes qui permettaient de tuer sans aucune pitié, de découper des corps, de ruiner des vies. Umbre s'y oppose : « je l'incitais à respecter la tradition du peule dont elle avait la charge... ». Pourtant, c'est un changement bienvenu : des rancœurs traversent encore le Royaume suite à la politique anti-Vif de Royal où des gens ont été torturés, des communautés détruites à cause de son délire de persécution. Cette nouvelle politique serait l'opportunité de tourner le dos à une période honteuse.
C'est le Fou qui résume les différences entre les règnes de Subtil et Kettricken : « Subtil était un bon roi mais il lui plaisait de maintenir le caractère rural des Six-Duchés, alors que la reine Kettricken s’évertue à ouvrir le royaume au négoce ». Pour le Fou, c'est un changement vital et nécessaire. Un pays ne peut prospérer en restant replié sur lui-même. Il ne le peut pas de toute façon car il serait instantanément rattrapé par l'Histoire en cours. Après tout, les Six-Duchés vivaient relativement calmement sous Subtil jusqu'à ce que les Pirates Rouges les attaquent et les forcent à changer et s'ouvrir : Vérité a pris une Montagnarde comme femme puis est parti chercher l'aide des Anciens ; une Montagnarde est devenue la Reine des duchéens, etc. Le Fou est clair : « changer prouve qu'on est toujours vivant ».
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