Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses.

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Kennit, maître de son destin ?

Kennit est un des personnages majeurs des Aventuriers de la Mer. Comme un bon nombre d’autres, on le voit se transformer au fur et à mesure ...

dimanche 11 février 2024

Temps et prophéties

Le Fou est un être à part. Il n'est pas seulement cette chose fragile en apparence venue du Sud qui a traversé les mers pour devenir le bouffon du Roi Subtil et qui détonne dans la cour des Six-Duchés. Il n'est pas uniquement cet être aux paroles parfois incompréhensibles pour Fitz. Il est un Prophète Blanc, il est convaincu qu'il doit peser sur la course du monde. Pour cela, il se base, en partie, sur ses rêves et impressions, des rêves faits des années auparavant alors qu'il vivait encore à Clerres. C'est d'ailleurs ce qui a mené à son exil forcé : il refusait de se soumettre à la volonté de ses enseignants. Il est donc arrivé à Castelcerf, à la recherche d'un catalyseur, d'un cerf et il a trouvé Fitz. Il serait faux de dire que le Fou est entouré de certitudes, lui-même doute et tâtonne. Il l'admet volontiers à Fitz : ses rêves et prophéties sont loin d'être clairs. Il interprète : « c'est peut-être ce que signifiait le songe, je l'ignore. Mais mon rêve a été dûment archivé, et un jour, dans les années à venir, des sages se mettront d'accord sur son sens. Sans doute longtemps après notre mort à tous les deux ». Beaucoup (Fitz, Caudron) se laissent abuser : ils pensent que les prophéties doivent nécessairement se réaliser ; si le Fou a vu cela alors cela doit se produire. Le Fou est plus circonspect car il sait à quel point les événements peuvent être capricieux, sans compte qu'il existe d'autres forces (menées par la Femme Pâle) qui tentent de contrecarrer les visions du Fou. C'est pour cela que le Fou ne peut avoir de certitudes. Il tente de l'expliquer à Fitz qui a bien du mal à comprendre, il insiste en disant, par exemple, que « je sais qu'il se passe quelque chose avec un héritier Loinvoyant. S'il s'agit de ta fille, alors, dans des années d'ici, je lirai sans doute quelque ancienne prophétie et je m'écrierai : Ah ! Oui, c'est là, tout était prédit. Nul ne comprend vraiment une prophétie tant qu'elle ne s'est pas réalisée ». Les prophéties sont des concepts fragiles qui tiennent à peu de choses. Leur sens ne devient clair que si elles se réalisent. Le Fou avance donc à tâtons, sans être certain de faire les bons choix. Malgré tout, il a parfois des moments de lucidité, des instants parfaitement clairs, surtout quand son catalyseur est imprégné du changement ou lorsqu'il voit de ses yeux qu'il est sur la bonne voie (par exemple, le retour de Tintaglia dans les Aventuriers de la Mer le conforte dans ses positions). A ces moments, le Prophète Blanc voit le monde différemment : « j'ai eu le sentiment d'être transporté au sommet d'une montagne qui surplombait une vallée noyée dans le brouillard ; je ne prétends pas être capable de voir à travers ce brouillard, mais je le domine et je distingue dans le lointain les cimes d'un nouvel avenir possible. Un avenir qui repose sur toi ». Notons qu'il parle bien d'un avenir possible, signe que tout peut arriver, même un échec.

Caudron est une idéaliste, elle est convaincue que les Prophètes Blancs ne peuvent apporter que de bonnes choses. Elle ne voit que la face positive de cette religion, de cette croyance. Quand elle en parle à Fitz, c'est avec de beaux mots, de façon idyllique. Elle affirme qu'ils « travaillent à libérer l'humanité du temps, car il nous asservit tous : le temps qui fait vieillir, le temps qui nous limite (…) Quand l'humanité sera libérée du temps, les anciennes injustices pourront être corrigés avant d'avoir été commises ». C'est une belle chose sur le papier, bien moins dans la réalité comme Fitz s'en rend compte. Car, Fitz est harcelé par les forgisés, les Pirates Rouges attaquent les Six-Duchés, sa vie et celle de Devoir sont menacées par les Pie. Tout cela semble sans lien sauf qu'on finit par apprendre que tout cela a été coordonné par la Femme Pâle. Elle l'a vu, elle en est certain : Fitz doit tomber sous son emprise. Elle a une vision différente du temps : « voilà le pouvoir du courant du temps, FitzChevalerie : il était pratiquement inévitable que vous veniez à moi ». Là, il n'y a pas de libération mais un asservissement.

Le Fou et la Femme Pâle sont en opposition. Les deux ont eu des visions de leurs morts, ils savent comment elle peut arriver, dans quelles conditions. Mais, les deux l'affrontent différemment. Le Fou sait qu'il est condamné lorsqu'il met les pieds sur Aslevjal, il doit mourir pour permettre le retour des dragons ; il est prêt à l'accepter car il s'est battu pour ça toute sa vie. Il connaît également son catalyseur, il sait que Fitz fera tout pour empêcher sa mort quitte à empêcher, involontairement, que ce qu'il a prophétisé arrive. Et il a raison lorsqu'on voit la réaction de Fitz (« tu vois la stupidité de ton raisonnement ? Je ne pourrais pas te regarder mourir sans réagir, fou, tu le sais aussi bien que moi »). Le Fou affronte donc sa mort avec dignité. Ce n'est pas le cas de la Femme Pâle qui est pathétique dans la défaite. Elle a toujours craint la mort. Elle découvre qu'il y a pire que la mort, il y a la lente agonie à laquelle elle est condamnée dans les ruines d'Aslevjal. Elle implore à Fitz de la clémence, tente de jouer avec sa pitié (« tu dois me tuer ici, maintenant ! C'était mon sort si j'échouais. Je le redoutais, mais je l'exige à présent. Mes visions ne m'ont jamais trompée. Le destin te commande de me tuer »). A force de trop compter sur ses visions, la Femme Pâle a été aveuglée et a sans doute oublié qu'il y avait d'autres joueurs qui tentaient de bousculer ses plans. Son attitude est d'autant plus surprenante qu'elle sait que le Fou existe, elle sait qu'il a sa propre vision des choses. Et surtout, elle sait à quel point les humains sont faillibles et imprévisibles. Quand elle capture Fitz, elle se moque d'ailleurs de ça : « le premier imbécile venu comprendra que l'avenir n'est pas écrit à l'avance ; il en bourgeonne un nombre infini à l’extrémité de chaque instant, et la chute d'une pétale de rose peut les modifier tous ». La Femme Pâle a donc été trop confiante dans ces derniers moments. Elle se sentait si proche d'atteindre son but qu'elle a relâché sa concentration.

Toujours est-il que le Fou ou la Femme Pâle sont d'accord sur un point : le futur n'est pas certain. Les deux diffèrent seulement sur les méthodes. La Femme Pâle est coercitive, menaçante. Le Fou, lui, est plus dans l'attachement : il s'est attaché à Subtil, à Fitz. Il use certes de belles paroles et de belles phrases pour influencer les gens. Il est aussi franc : il dit à de nombreuses reprises à Fitz que ce dernier va connaître la souffrance et la peine avant que le Fou n'atteigne son but. Le Fou se bat pour garder Fitz en vie, pas seulement parce qu'il l'aime, mais aussi de façon intéressée (« tant que tu es vivant, nos options sont plus nombreuses, et plus il y a de choix possibles, plus nous avons de chances de nous diriger vers des eaux plus calmes »). La Femme Pâle désire réduire les possibilités à une seule, contrairement au Fou. Pour la Femme Pâle, il ne peut y avoir qu'un futur, qu'une espèce dominante, qu'un Prophète, qu'un Catalyseur... Le Fou pense différemment : « dans tous les temps possibles, le destin est en guerre contre les Loinvoyant. Ici et maintenant, nous protégeons Devoir. Mais si nous nous laissons terrasser, si Ortie devient le seul nœud de cette guerre... Je ne vois aucun avenir où Ortie survit après la mort de Devoir. Il n'y a même pas de fin rapide et miséricordieuse pour elle ». Le Fou veut donc garder le plus d'options possibles en main, il ne cherche pas à tordre le présent à sa convenance. On l'avait déjà vu dans les Aventuriers de la Mer : faute de trouver la personne à neuf doigts (Hiémain), il s'est rabattu sur Althéa.

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