Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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lundi 5 septembre 2022

Davad Restart : ambition, rejet et chute

Des pirates, des Marchands, des esclaves...des hommes et des femmes cherchent à prendre en main leur destin et renverser le cours des choses. Certains n'y arrivent pas, certains stagnent, quelques uns chutent. Les motivations sont diverses ; Davad Restart, lui, a clairement les siennes : il veut retrouver son prestige, sa place dans le rang des familles des Marchands et pour cela il est prêt à tout. Quand commence la saga, on sent tout de suite que c'est une période de changement pour la ville de Terrilville. Ville qui ne repose que sur le commerce, la ville est prise en étau avec les guerres et les pirates qui se développent de plus en plus. Il faut trouver de nouvelles sources de revenus, de nouveaux produits à échanger. Les animaux, les produits tirés des légendaires terres des Anciens, très rares, et autres choses ne suffisent plus. Dès lors, une sorte de commerce émerge : celui des hommes. Autrement dit, certains Marchands sont prêts à se lancer dans la traite des êtres humains pour quelques profits (« quelques unes des anciennes familles s'étaient mises elles-mêmes à contourner la loi sur l'esclavage – des Marchands comme Davad Restart »). Il serait injuste de dire que Davad se lance dans l'esclavage juste pour le plaisir d’avilir les personnes : pour lui, c'est une façon d'accumuler des richesses. Et surtout, c'est un pari sur l'avenir, il sent que les choses changent et il est prêt à tout pour se faire une bonne place, quitte à se lancer dans un commerce immoral. Il va même plus loin lorsqu'il se justifie devant Ronica Vestrit : les Marchands n'ont pas le choix ; le monde a changé et il les laissera sur place si ils n'évoluent pas. Il affirme ainsi que « les jours des Premiers Marchands touchent à leur fin ; les guerres et les pirates nous ont fait trop de mal. Et, maintenant que ces guerres sont pour la plupart achevées, ces Marchands arrivent et se mettent à grouiller sur nous comme des puces sur un lapin à l'agonie. Ils vont nous saigner à blanc ». Autrement dit, Davad est lancée dans une lutte à mort et il ne sera pas étonnant de le voir faire des choix désespérés. Il a également conscience que des nouveaux acteurs (les Nouveaux Marchands) émergent.

Lors d'une assemblée de Marchands, alors que les rumeurs grouillent sur son compte, Davad a le courage d'affirmer clairement sa position. C'est une attitude risquée dans cette société assez conservatrice (ils tiennent à leurs traditions, à leur Charte, etc). Il se met clairement en porte-à-faux : « nous devons travailler main dans la main avec les les Nouveaux Marchands, leur donner, non pas tout mais assez pour les satisfaire, les intégrer à notre communauté ». Davad ne fait rien pour avoir une bonne réputation auprès des Premiers Marchands, son propre groupe social. Il est tellement focalisé sur sa propre réussite qu'il brise tous les codes et tous les tabous. Il est même à prendre une vivenef comme le rapporte Ambre à Parangon : « il circule depuis des mois chez les Nouveaux Marchands une rumeur selon laquelle tu serais à vendre, et Davad joue les intermédiaires dans l'affaire ». Davad Restart est prêt à tout, même à profiter de la gentillesse et des bonnes manières des derniers qui lui tendent la main : la famille Vestrit. Il essaie d'apitoyer Ronica pour qu'elle lui ouvre son réseau. En effet, la famille Vestrit a des liens forts avec les familles des Marchands du Désert des Pluies, notamment les Khuprus. Davad voit là une opportunité à saisir. Il supplie, il met en place une stratégie pathétique. Il implore qu' « étant donné qu'Ephron est mort et que le père d'Althéa est en mer, je pensais que vous pourriez me présenter comme un vieil ami qui tient lieu de... enfin qui serait une sorte de protecteur en l'absence des hommes de la famille ». Ce sont des propos presque insultants de la part de cet homme puisque, proche des Vestrit, il devrait savoir de quoi les femmes sont capables. Tout le monde a conscience que Davad joue un jeu trouble, que son nom ne vaut plus grand-chose. Il est presque un paria, rejeté par les autres Marchands. Jani Khuprus résume la situation : « je m'étonne que vous tolériez sa présence. L'autre jour, j'ai entendu qu'on le surnommait le Marchand Félon. Il a beau nier, tout le monde sait qu'il a été l'intermédiaire des Nouveaux Marchands dans nombre de leurs affaires sordides ».

Davad Restart est un homme marqué, traumatisé par son passé. Comme tant d'autres hommes et femmes de Terrilville, il a vu sa femme être brisée par la dureté de la vie dans ces régions. Quand Ronica dit que « si j'ai bonne mémoire, votre Drill a été enceinte trois fois, et pourtant vous n'avez eu que deux enfants », la remarque peut paraître dure. Elle l'est sans aucun doute mais elle montre aussi une empathie, une douleur partagée avec lui. Pire, plus tard, la Pesta sanguine frappera et ravagera les familles. Davad perdra tout : sa femme et ses enfants. Là encore, les morts seront partagés dans les familles, la douleur sera l'apanage de tous. Si on en croit Keffria (« j'ai entendu Davad Restart maudire les Marchands du Désert des Pluies, en disant qu'ils avaient réveillé la maladie en creusant dans leurs villes »), on peut comprendre que Davad est un homme acculé, qui n'a plus rien à perdre et presque en quête d'une revanche.

Davad passe beaucoup de temps avec les Vestrit, ce sont presque les seuls Premiers Marchands qui tolèrent sa présence. Ils savent que c'est un homme qui a souffert, un homme souvent maladroit dans ses propos et sa manière d'être. Ronica est choquée d'apprendre que Davad a acheté des esclaves mais elle n'arrive pas à lui en vouloir, à le condamner pleinement. Elle lui trouve des excuses (à propos de Rache, une servante, Ronica dit qu' « elle m'a raconté son voyage jusque chez nous. Son enfant n'y a pas survécu. Pourtant, je ne pense pas que Davad Restart soit un monstre de cruauté, du moins de propos délibéré »). Si elle ferme plus ou moins les yeux sur l'esclavage (elle en fera de même avec Kyle Havre), Ronica est bien plus attachée au respect de l'histoire des Marchands. Elle est scandalisée lors que Davad propose d'aller voir le Gouverneur (le dirigeant légitime de Terrilville et d'autres villes à ce stade du récit) pour négocier la Charte. Selon Ronica, Davad est à deux doigts de bafouer tout ce qu'il est et ce qu'il fait le prive presque de toute dignité. En tout cas, ses mots sont durs et clairs : « on ne rachète pas une promesse ! Parfois, je crois que Davad n'ait oublié son propre statut. Il passe beaucoup trop de temps en compagnie des Nouveaux Marchands et prend trop souvent leur défense ».

Si Ronica est mesurée, Malta et Althéa Vestrit le sont beaucoup moins. Les deux femmes ont un caractère emporté et voir ce que fait Davad ne va pas les changer.

Malta n'a que du mépris pour Davad (« elle connaissait Davad Restart depuis des années, et savait qu'il s’aplatissait facilement quand sa grand-mère s'adressait à lui d'un ton cassant »). Rien ne va s'arranger quand Davad va bouleverser, bien maladroitement, sa volonté de s'intégrer dans la société de Terrilville. Davad se comporte comme un oncle protecteur, il parle à Malta comme une gamine, une petite chose apeurée.

Althéa partage le même constat de dégoût envers Davad. Pour la jeune femme, il est un traître, un homme méprisable prêt à tout. Dans son classement, Davad est bien bas, « il était même pire qu'eux puisque qu'il les soutenait au détriment de sa propre classe. Faisant fi du jugement des autres Marchands, il parlait en faveur des nouveaux venus aux réunions (…) elle était bien forcée de constater que non seulement il employait des esclaves sur ses propriétés mais qu'il en faisait trafic ». Mais, encore une fois, c'est le fait de renier les traditions et les coutumes qui va dégoûter pour de bon Althéa. Quand elle apprend que Davad est bel et bien impliquée dans le rachat de Parangon, elle n'en peut plus. Son comportement est inacceptable, d'autant plus que la jeune femme sait ce que cela fait d'être privé d'une vivenef. Elle est trahie, elle a mal, surtout que Davad était un proche, presque un oncle : « Althéa avait quitté la pièce, écœurée (…) il avait trahi son peuple. Sous le dégoût, la blessure était cuisante (…) Davad qui l'avait vue grandir, qui lui avait fait porter des fleurs le jour de son seizième anniversaire. Davad le traître ». Voilà le qualificatif qu'on garde de Davad. Un traître. Un homme prêt à tout pour se remettre en course, quitte à pratiquer les pires choses.

Car, Davad pue l'ambition. Il est prêt à marchander la vie d'une jeune fille (Malta) pour regagner sa place. Quand le gouverneur s'annonce à Terrilville, il est prêt à vendre Malta aux désirs charnels et amoureux du Gouverneur. Elle n'est qu'un objet dans sa quête de rédemption. Davad est aveuglé par ses rêves de revanche et de grandeur, il a perdu toute lucidité d'esprit. Ce qu'on lit dans le carrosse qui le mène au bal de bienvenue est clair : « le voilà lui, qui se rendait au bal d'été comme tous les ans depuis si longtemps, mais cette fois il n'était pas seul (…) en face de lui dans la voiture était assis le Gouverneur de Jamaillia (…) il leur présenterait toute la société de Terrilville. Oui. Il allait leur en montrer à tous. Comme il aurait aimé que son épouse bien aimée assistât à son triomphe ». La dernière phrase est importante : encore une fois, Davad est hanté par son passé . C'est un homme que la mort de sa femme a brisé. Malta n'est alors qu’un pion. Elle est là, avec sa beauté et son charme provincial, pour séduire le Gouverneur (« Davad avait l'intention de présenter au Gouverneur sa future épouse. Il était réellement persuadé que le jeune homme s'éprendrait de Malta »). Malheureusement, pris dans ses manigances, Davad n'a pas senti le vent tourner. A Terrilville, la révolte éclate et Davad se fait assassiner.

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