Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

vendredi 16 juillet 2021

La vie d'Evite

Les différents livres des Royaumes des Anciens mettent en avant un certain nombre de personnages principaux : ce sont des pirates, des Dragons, des nobles, des Prophètes. Et pour que tous ces gens agissent, aient des impacts sur l’ordre des choses, il faut des personnages secondaires à qui se confronter. Évite est l’une de ces individus. Elle apparaît dans la trilogie du Fou et de l’assassin, et brille par son caractère assez égoïste et son attitude mesquine. Mais, l’histoire nous montre qu’elle est bien plus que ce que les apparences laissent croire.

Envoyée par Umbre à Fitz, Évite arrive à Flétribois sans qu’on en sache trop sur elle. Tout ce qu’on peut se dire est que son acclimatation risque d’être compliquée dans ce château qui s’est enfermé dans une routine depuis la mort de Molly ; Fitz (Tom Blaireau) a bien conscience qu’il faudra faire des efforts pour offrir un cadre intéressant à la jeune femme : «  sa branche de famille est très aisée ; elle s’attendra peut-être à avoir un domestique ». Et, ses premiers jours confirment cela. On a affaire à une personne qui ne pense qu’à elle, incapable de comprendre sa situation et de s’adapter à la réalité des faits. Dans une longue tirade, elle montre qu’elle reste prisonnière de ce qu’elle aurait pu être, si les choses avaient mieux tournés. Elle se plaint donc ouvertement en geignant que « pourquoi devrais-je payer pour les actes des autres ? Pourquoi ne puis-je pas mener l’existence à laquelle me destinait ma naissance ? (…) Pas de fête, pas un seul bal, pas la moindre robe de Terrilville ni de Jamaillia. Non, rien pour Évite, parce qu’elle est née du mauvais côté du lit ». On apprend donc que Évite est une bâtarde d’une noble, d’une personne influente en tout cas et que ça lui joue des tours. C’est aussi la confirmation qu’elle n’a pas eu de chance de tomber dans un lieu dirigé par Fitz : ce dernier a plus que montré son côté renfermé, sa difficulté à montrer ses émotions ou déclencher des festivités.

Par volonté de bousculer les choses, et surtout par égoïsme, son comportement déplaît aux habitants du château, Fitz et Abeille en premiers.

Sa volonté de repeindre sa chambre peut paraître anodine mais elle remet en cause une tradition établie par Patience et à laquelle beaucoup de gens tiennent (« mon père était abasourdi par l’incapacité d’Evite à comprendre ses objections ; elle continuait à insister qu’on pouvait parfaitement peindre en mauve des murs jaunes »).

Son animosité pour Abeille est manifeste. La fille de Molly et de Fitz est une chose curieuse. Elle remet en cause la légitimité de sa naissance, osant dire à Fitz qu’il n’est pas le vrai père de la fille. Il faut une sacrée dose de courage ou d’inconscience pour dire ça à cet homme. D’ailleurs, la réaction de Fitz est sans équivoque, il est choqué par les paroles d’Evite, il n’en croit pas ses oreilles : « une tempête d’émotions s’était soudaine levée en moi, et, sans les années d’entraînement dont j’avais bénéficié auprès d’Umbre, je crois que, pour la première fois de ma vie, j’eusse frappé une femme sans défense. » On sent aussi de la part d’Abeille un certain complexe. Elle demande à Fitz si elle doit obéir à Évite, elle ne se considère pas comme une dame (« j’avais plus l’air d’un garçon d’écurie que nos propres garçons d’écurie. Je respirai profondément en évitant soigneusement de songer à Évite et à ses beaux habits, à ses peignes, à ses anneaux et à ses étoles »). Évite a la langue acerbe, elle ne comprend pas qu’Abeille, un enfant, soit invité à la table des adultes, que Fitz lui laisse tant de liberté. Les deux femmes se rendent coup pour coup, usant d’insultes verbales très peu dissimulées : « C’est ce que font les enfants le soir, ils vont se coucher pour que les grandes personnes puissent parler entre elles ».

Très vite, on se rend compte qu’Evite est plus qu’une jeune femme gâtée. Son enfance a été loin d’être rose et lui a laissé de terribles marques. C’est par exemple un terrible cauchemar qu’elle fait et qui la laisse paniquée, apeurée, tremblante. C’est aussi une décision prise quant à sa façon de se suicider s’il le fallait (« je ne crois pas que je pourrais me trancher la gorge, mais me pendre, oui. J’ai même appris le nœud nécessaire »).

Quel est donc cet événement qui a tant marqué Évite ? C’est Umbre qui donnera la réponse en apprenant également à Fitz qu’il est le père de la femme. Umbre versait régulièrement de l’argent à la famille et à la mère pour l’éducation, mais ils demandaient de plus en plus. Évite a été maltraitée, repoussée et abusée par sa famille, on a voulu l’empoisonner. Umbre parle de la situation avec colère, il dit à Fitz que « sa mère n’a jamais eu de sentiments pour elle (…) Et son pourceau de mari qui essayait de la tripoter alors que ce n’était qu’une petite fille ! Et puis quand je l’ai retirée de chez eux et que j’ai cessé de leur verser de l’argent, ils ont cherché à la tuer ». Bien entendu, cela n’excuse pas ses mauvaises manières mais on peut lui trouver des circonstances atténuantes.

L’enlèvement d’Abeille par Dwalia et les chalcédiens va tout faire basculer. Alors que Fitz est à Castelcerf pour tenter de sauver le Fou qu’il vient de retrouver, son château est attaqué par une bande de mercenaires. Un bon nombre d’habitants sont attaqués et violés. Évite en fait partie. Quand un autre homme tente de l’agresser à nouveau, elle se défend, montrant qu’elle n’a pas perdu toute sa combativité (« cette petite fouine a essayé de me planter son poignard dans les côtes, et elle a encore de la vigueur. Je ne l’ai pas encore prise »). A ce moment-là, sa relation avec Abeille va changer : la jeune fille de Fitz va prendre sa défense, demandant à ce qu’on la laisse tranquille. La prenant pour le Fils inattendu, un shasym, un prophète, Dwalia obtempère. Dès lors, les deux prennent soin l’une de l’autre, d’autant plus qu’Evite a eu un semblant de formation (« avant de venir chez vous, j’ai reçu un certain enseignement sous la supervision de Sire Umbre (…) Je sais quand même me défendre. Un peu »). Évite offre alors de précieux conseils à Abeille, notamment pour éviter les assauts des chalcédiens en chaleur. Elle lui conseille de se comporter comme un garçon, ils croient qu’elle en est un de toute façon, il ne faut rien faire pour les persuader du contraire : « quand vous m’accompagnez pour uriner, restez un moment debout et tripotez votre pantalon comme si vous vous vidiez la vessie ».

Et, bien plus tard, dans le Destin de l’assassin, dans l’univers impitoyable de la cour de Castelcerf, Abeille prendra la défense d’Evite devant certaines Dames. Sujette aux moqueries, Évite ne dit rien, elle se recroqueville, elle est totalement passive. Abeille, elle, fait face. Ses paroles montrent qu’elle est reconnaissante pour tout ce qu’a fait Évite et qu’elle la considère presque comme une amie (« elle a même tué pour moi, puis elle s’est échappée pour se mettre à la recherche de mon père et le lancer sur ma piste. Elle a le cœur d’une lionne »).

La réalité est un peu différente. Si elle a effectivement fui les ravisseurs (via un pilier d’Art), Fitz l’a retrouvée en état de choc et très avare de renseignements utiles.

Notons également le lien particulier qui l’unit à Lant. Les deux ont vécu ensemble à Flétribois, ils ont développé des liens forts et semblaient attirés l’un par l’autre. Quand Umbre a révélé qu’il était à la fois le père de Lant et d’Evite (ils ont des mères différentes), seul Lant l’a appris. Captive, Évite ne pouvait le savoir ; c’est sans doute pour ça qu’elle se jette amoureusement dans ses bras lorsque l’équipe de sauvetage la retrouve (« elle se lovait contre son corps comme si elle était enfin arrivée chez elle saine et sauve »). Toutefois, la dure réalité la rattrape quand elle se rend compte que Lant et elle sont frère et sœur. Rien ne sera possible entre eux. Leur complicité s’envole alors puisqu’on lit qu’« il n’est pas à l’aise avec moi. Ni moi avec lui ». C’est ainsi que les rares apparitions qu’elle a dans le Destin de l’assassin laissaient penser qu’elle est prisonnière de sa solitude.

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