Les
Dragons sont des personnages importants dans l'univers de Robin Hobb.
S'ils sont bien plus présents dans les Aventuriers de la Mer, on les
retrouve également dans l'Assassin Royal : d'abord en pierre, puis
sous forme de chair avec Tintaglia et Glasfeu.
Et
dans les deux sagas, nous retrouvons un personnage ayant une
attirance forte pour ces créature : Le Fou (ou Ambre ou Sire Doré).
Mais,
une fois de plus, tout commence avec Fitz lors de leur quête de
Vérité et de son passage à travers un poteau d'Art. Il se retrouve
dans un autre monde, voit un Dragon et un Ancien, et raconte tout à
ses compagnons de voyage, notamment le Fou. Puis, les deux amis ont
une discussion et on se rend compte, déjà, que le Fou a quelques
soupçons sur la nature de ces animaux disparus (« je pense
qu'ils sont comme ceux de mon espèce : rares mais non
mythiques. Et puis, s'il n'y avait pas de dragons de chair, de sang
et de feu, d'où serait venue l'idée de ces sculptures ? »).
Bien
entendu, Fitz est sceptique à propos de l'existence de réels
dragons, la fin du tome La Reine Solitaire lui donnera raison :
Vérité crée un dragon artificiel. Au fil des ans, cette croyance
devient un fait, il n'est donc pas étonnant de voir l'attitude de
Kettricken en face de Selden Vestrit (un envoyé de Terrilville) qui
ose affirmer face à la Reine des Six-Duchés que ce sont eux qui ont
un vrai Dragon. La Reine fulmine, se dresse et son dégoût éclate :
« Comment osez-vous parler ainsi ? Comment osez-vous
traiter les Anciens de simples légendes ? J'ai vu le ciel
scintiller des feux, non pas d'un seul mais d'une multitude de
dragons qui volaient au secours des Six-Duchés ». Sans le
savoir, elle confond les Dragons et les Anciens.
Quand
la narcheska lance un défi au Prince Devoir, les masques tombent :
le Fou se pose en protecteur des Dragons. Il désire leur retour et
les tomes 9 et 11 (les secrets de Castelcerf et le Dragon des Glaces)
nous offrent une précision de ses intentions.
Il
évoque la nature des Dragons, leur situation catastrophique, leur
incapacité à se transformer (les fameux serpents). Il affirme que
« chez les dragons, on méprise la faiblesse, et ceux qui ne
sont pas assez forts pour survivre sont condamnés, mais si elle
laisse mourir cette génération, elle se retrouvera complètement
seule, à jamais, dernière de son espèce sans espoir de la
ressusciter un jour ». Le décor est posé, la suite sera
capitale. On devine que la quête de Devoir ne sera pas de tout repos
et que nos héros pourront avoir à faire face à un Dragon. Vivant.
Quand
le Fou discute avec Umbre et Fitz, il n'hésite pas à étaler sa
franchise et sa vérité, quitte à les brusquer les braquer. Il leur
promet de durs moments au retour dragons : « ils ont une
philosophie très simple : le monde pourvoit aux besoins et il
suffit de s'en servir » et « les dragons ne valent pas
mieux que les humains ; ils ne sont guère différents d'eux Ils
tiendront un miroir à l'homme et à son égoïsme ». Bien
entendu, Umbre prend mal les choses (« vos propos me confortent
seulement dans l'idée que ressusciter un dragon n'apportera aucun
bien à personne. »
Après
sa mort, après que Fitz l'ait ramené, il complétera sa pensée,
tout n'est qu'une question d'équilibre, de rapports de force, et
même plus : « l'homme apprendra ce que coûte de vivre à
proximité de ces créatures. Certains accepteront volontiers de
payer ce prix et les Anciens réapparaîtront ».
Peu
de personnages partagent son enthousiasme, son plan à long terme
pour les hommes.
Il
y a déjà sa grande ennemie, la Femme Pâle. Quand elle capture le
Fou et Fitz, elle expose à ce dernier ses volontés, sa conception
du monde et le bâtard royal est bien souvent tenté de la croire
contre son gré. Elle manie adroitement les mots, pose les questions
qui insinuent le doute et appuie sur les aspects du Fou qui embêtait
Fitz. Elle se moque du dragon « qui ne respecte aucune
frontière, ne reconnaît pas la propriété et voit en l'homme, au
mieux, un instrument et, le plus souvent, une source de nourriture.
Franchement, l'idée que votre peuple devienne du bétail pour
d'immenses créatures écailleuses vous plaît-elle ? »
Difficile de répondre non.
Ortie,
la fille de Fitz et Molly, en pense autant ; bien qu'elle
s'amuse à titiller Tintaglia (« il suffit de lui chatouiller
l'amour-propre (…) pour qu'elle se sente obligée de prouver le
contraire »), elle a conscience qu'elle pèse bien peu face à
l'énorme animal. Elle sent aussi que Tintaglia se positionne
au-dessus d'elle dans le grand ordre des choses (« elle croit
que je lui dois fidélité et obéissance ou adoration , simplement
parce que c'est un dragon »).
Fitz,
de son côté, pour ne pas changer, doute. Il hésite, tergiverse,
refuse de croire en l'existence des dragons. Il pense même que la
mission de Devoir ne consistera qu'à creuser. Et justement, quand il
tente de délivrer Glasfeu des glaces, son esprit croise celui du
dragon et la révélation se fait. Hobb emploie des phrases fortes
qui montrent la supériorité du dragon endormi : « c'est
alors que, tel un raz de marée, le dragon me submergea » ou
« le dragon m'envahit et me noya sous son essence ».
La
sensation ressentie à la lecture est la même à travers Devoir.
Tintaglia ordonne aux ordres de ne faire aucun mal au mâle, au futur
reproducteur et tous se sentent l'obligation de lui obéir
(« s'agit-il de ce qu'on décrit en parlant du pouvoir de
fascination des dragons ? »
Même
Umbre change d'avis, mais le vieil homme gris se montre plus
diplomate, plus posé dans sa manière de s'exprimer, il en est même
drôle. Il admire la beauté et la force, et on ne doute pas du fait
qu'il soit curieux à leurs propos et leurs capacités. Mais il
préfère voir ça « de loin ». Car « les dragons
font de merveilleux et nobles créatures de légende ; de près,
mon expérience personnelle m'incite à penser qu'ils laisseraient
échapper un merveilleux et noble rot après m'avoir avalé tout
rond ».
Laissons
les mots de la fin à Fitz, lui doué du Vif, partenaire
d'Oeil-de-Nuit, lui a qui si souvent chassé des animaux pour les
dévorer : « je me sentais soudain, à un niveau
instinctif, devenu proie devant un prédateur démesuré. (…) Fou,
qu'as-tu lâché sur notre monde ? »
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