Dans
la version française, la saga des Aventuriers de la Mer est découpée
en neuf tomes. Les livres s'insèrent, chronologiquement, entre la
« Farseer Trilogy » et la « Tawny Man Trilogy »,
le personnage d'Ambre (autrement connu comme le Fou) faisant le lien.
Nous suivons la famille Vestrit (presque uniquement composée de
femmes aux caractères différents et marqués) qui fait face à de
grands bouleversements : les Pirates se déchaînent, le
commerce d'esclaves prospère, le pouvoir du Gouverneur s'effrite (il
vit à Jamaillia alors que la famille réside à Terrilville) et la
famille se déchire. Ajoutez à cela des bateaux magiques (vivenefs),
des serpents, des Dragons et les mystérieux habitants du Désert des
Pluies et vous aurez une intrigue riche et passionnante à suivre,
surtout si vous aimez la mer, les femmes têtues (oh Malta !) et les
intrigues politiques.
En
ce qui concerne les personnages des Aventuriers de la Mer, la famille
Vestrit est composée de Ronica (la mère), Althéa et Keffria (ses
deux filles). Avec Kyle Havre (un marin qui héritera de la fortune
familiale grâce à son mariage), Keffria a trois enfants (deux
garçons : Hiémain et Selden, une fille : Malta).
Du
côté des pirates, on retrouve Kennit (très rusé, il voit à long
terme et est ambitieux), Etta (sa compagne). Vivacia et Parangon sont
deux vivenefs et sont par leur nature (en bois-sorcier) liées aux
Dragons (ici essentiellement Tintaglia).
A
la fin du tome 6 de l'Assassin Royal (la Reine Solitaire), le Fou
quitte ses compagnons d'aventure pour aller on ne sait où. On le
retrouve donc avec grand plaisir à Terrilville sous l'identité
d'Ambre, une femme (au passage, encore une couche d'interrogation sur
sexe) qui travaille le bois. Tout le long des livres, elle fera un
certain nombre de références aux Six-Duchés et même à Fitz ;
à la fin, elle sculptera même une figure de proue ayant le visage
et les marques de son amour (la hache ou les cerfs qui chargent).
Rache (une servante de la famille Vestrit et anciennement esclave)
évoque Ambre lorsqu'elle discute avec Ronica Vestrit. Celle-ci est
très curieuse d'en savoir plus sur Ambre et elle la soupçonne
d'être une ancienne esclave (elle se demande pourquoi elle est
autant impliquée à vouloir lutter contre l'esclavage). Rache nous
offre une réponse qui montre à quel point Ambre / le Fou tient à
Fitz : « elle porte un anneau de liberté à l'oreille (…)
je lui ai demandé une fois si elle avait acquis sa liberté ou si
l'anneau avait appartenu à sa mère (…) elle a fini par dire que
c'était un cadeau de son unique amour. »
Le
contexte des Six-Duchés a un fort impact sur la vie de Terrilville,
une cité qui repose en grande partie sur le commerce. Ainsi, dès le
premier tome « Le vaisseau magique », on apprend que « la
guerre du Nord a fait beaucoup de mal à de nombreux clans
marchands ». Plus tard, lors du sixième roman « L'éveil
des eaux dormantes », des précisions sont apportées de la
bouche de la Compagne de Gouverneur qui nous apprend que le royaume
du Nord avait une utilité en plus que le commerce (« des
dissensions internes et des attaquants du Nord ont paralysé les
Six-Duchés pendant des années. Ce royaume gardait Chalcède
occupée »). D'ailleurs, on pourra se référer à la visite de
Selden Vestrit à la cour de Kettricken lors qu'il propose une
alliance pour écraser Chalcède.
Pour
autant, il y a une forme de mépris envers les Six-Duchés qui
transpire dans la bouche des habitants de Terrilville.
Dans
« Le Navire aux esclaves », Althéa Vestrit remarque que
« ce sont des barbares (…) ils passent le plus clair de leur
temps à essayer de s'exterminer mutuellement. La plupart d'entre eux
ne savent même pas lire ». Difficile de lui donner tort quand
on a vu que la guerre fratricide entre Vérité et Royal a failli
mener le royaume à sa perte.
Brashen
Trell (le compagnon d'Althéa), lui, se moque de la façon de vivre
des habitants (« pas mal comme bateau quand on aime vivre comme
un tas de barbares qui se délectent d'un ragoût de têtes de
poissons »). Ceux de Terrilville seraient donc des gens
raffinées et civilisés en opposition à ceux des Six-Duchés qui ne
seraient que des sauvages aux mœurs dépassées. Par exemple, ce
sont encore Brashen et Althéa qui rigolent de la façon dont on se
marie là-haut dans le nord (« on ira aux Six-Duchés et on
fera nos promesses sur une de leurs pierres noires »). Ou
encore Althéa qui a peur que Jek (une belle femme des Six-Duchés,
proche d'Ambre) règle un différend en se battant car c'est comme ça
que ça se passe « sur un vaisseau des Six-Duchés, une
promotion controversée se réglait à coups de poing sur le pont »).
Si
on s'intéresse aux mœurs, il est intéressant de se pencher sur le
cas de Jek. Il est clairement indiqué dans les différents tomes
qu'elle agit librement dans tous les domaines, elle ne cache pas non
plus son intérêt pour les hommes, là où les femmes de Terrilville
semblent plus mesurées (Althéa : « Jek vient des
Six-Duchés ou d'une de ces contrées barbares. Les femmes se
conduisent simplement comme ça là-bas).
Plus
globalement, c'est la question de la femme qui est abordée. Dès le
premier tome, on a l'impression que la femme s'efface devant l'homme
(la façon dont Kyle Havre parle à son épouse Keffria Vestrit, la
façon dont il remet à sa place la veuve Ronica Vestrit et s'empare
des biens de la famille, son ton lorsqu'il parle à Althéa, et ainsi
de suite) ; quand Althéa prend le temps d'observer le
comportement de Jek, elle finit par comprendre la raison de son
attitude confiante et assurée : « Jek avait grandi dans
les Six-Duchés et elle revendiquait l'égalité comme un droit ».
Brashen
a beaucoup voyagé et est donc un témoin fiable des pratiques des
autres pays. Il fait souvent allusion au fait que dans les Six-Duchés
les femmes valent autant que les hommes : « il y a
des femmes capitaines, et parfois même les équipages ne sont
composées que de femmes » et « peu importe qu'on soit
homme ou femme du moment qu'on est apte au travail. D'accord, le pays
n'est pas très civilisé » (respectivement dans « Le
navire aux esclaves » et « La conquête de la liberté »).
Le
sujet le plus sensible est la question des Dragons.
Les
gens de Terrilville, bien qu'ils croient à la magie, sont plus que
sceptiques sur l'existence de ces créatures.
Bien
entendu, les habitants des Six-Duchés ont vu les dragons de pierre
les sauver des griffes des Pirates Rouges et pensent qu'ils sont les
réels. On apprendra plus loin, de la bouche de Parangon la vivenef
et son ton mordant, qu'ils ne sont que de pauvres copies.
Althéa
est claire : « les dragons, ça n'existe pas ». Et
un marin lui répond : « ah non ? Ne viens pas me
dire ça à moi, ni à aucun autre marin qui se trouvait au large des
côtes des Six-Duchés il y a quelques années ». On voit bien
la fracture entre ceux qui sont prêts à croire à leur réalité et
ceux qui vont jusqu'à nier leur existence.
On
retrouve la même situation lors d'une réunion à Terrilville
lorsqu'un individu les décrit comme des « joyaux chatoyant
dans le soleil. Castelcerf les avait assemblés pour combattre les
Outriliens » ; la réponse est cinglante (« cette
vieille fable ») et montre que la possibilité de leur
existence a été souvent débattue et classée comme impossible.
Et
puis il y a Ambre. Elle était là, elle a vu Vérité animer son
dragon de pierre. Elle avait déjà d'ailleurs dit à Fitz que les
dragons avaient forcément exister, sinon d'où viendrait
l'inspiration des Anciens ? Dans un premier temps, elle dit
clairement que les gens du nord en ont vu : « si tu
étais amarrée dans un port des Six-duchés, et que tu disais aux
gens de là-bas que les dragons n'existent pas, ils se moqueraient de
toi ». Mais, il est difficile de croire quelqu'un qui dit venir
changer le monde…
Mais,
tout change avec la réapparition de Tintaglia.
Ambre
voit ses doutes confirmés et elle pense que « seul un
authentique dragon est un dragon. Les autres ne sont que de pâles
imitations ». Jek lui répond (et on apprend en passant qu'elle
ne connaît pas très bien Ambre) que « les dragons des
Six-Duchés me conviennent très bien. Ils t'auraient convenu aussi,
si tu avais vécu dans la peur d'être forgisée »).
En
allant plus loin, on peut à nouveau évoquer la rencontre entre
Selden et Kettricken dans le tome 9 de l'Assassin Royal « Les
secrets de Castelcerf ». Le jeune fils de Keffria ose dire
devant la Reine que Tintaglia est « le dernier véritable
dragon ». Il ne récolte que de la colère, preuve de la nature
très particulière de la question. On pourra lire le chapitre 11
pour avoir plus de précisions sur les dragons.
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