De grands bouleversements sociaux sont en cours le long du désert des Pluies, les dragons sont de retour, les Marchands tentent de conserver leur pouvoir. Mais, au-delà de ces phénomènes, la vie des gens continuent. Ils s’aiment et se détestent, tentent de construire leur vie. C’est le cas d’Alise, une jeune femme que sa famille presse de trouver un mari. Elle ne peut décemment pas se contenter d’étudier les dragons. Elle croit trouver un bon parti lorsque Hest la demande en mariage ; elle accepte surtout que Hest est un bon ami de Sédric… Mais, elle ne sait pas que Hest aime les hommes et que Sédric est un de ses amants. Alise est donc trompée à bien des sens.
Alise et Sédric se connaissent depuis longtemps. L’un et l’autre sont de bons amis. A une époque où ils étaient plus ou moins tenus à l’écart par leurs pairs, ils ont trouvé du réconfort ensemble. Alise parle de lui en termes positifs en affirmant que « Sédric a toujours été gentil avec ». Elle pense même qu’il a une injuste mauvaise réputation (les parents de Sédric lui reprochent de passer trop de temps de façon indolente) ; elle ose dire que « c’est un charmant jeune homme qui ne manque pas de perspectives d’avenir ».
Etant donné la façon dont Alise parle de Sédric, on peut se demander si elle souhaitait que leur relation aille plus loin et dépasse le cadre de l’amitié. La réponse est négative. Certes, « elle avait toujours eu de la sympathie pour lui, et même un petit sentiment dans son adolescence », mais cela s’arrête là. Il n’y a pas d’amour caché ou de sentiments refoulés. De toute façon, si Alise n’avait pas été pressée par sa mère, elle n’aurait sans doute jamais cherché un mari. Alise est alors reconnaissante pour Sédric, il lui alors retiré une épine du pied en la présentant à Hest (« elle restait ahurie qu’il eût pu inciter son ami à la considérer comme une possible épouse »). Bien entendu, Alise ne sait pas que Sédric et Hest ont des intentions cachées.
Même si il participe à une tromperie, Sédric est quand même reconnaissant. Il sait qu’Alise a été une super amie, qu’elle lui a évité les affres de la solitude lorsqu’il était plus jeune (« elle venait voir mes soeurs quand nous étions plus jeunes, et elle me traitait avec gentillesse à une époque où les autres filles me regardaient comme un pestiféré »).
La relation entre Sédric et Hest n’est pas cachée. Tout le monde sait qu’ils sont amis même si personne ne sait qu’ils sont amants. La mère de Alise précise que « Hest et lui sont les meilleurs amis du monde depuis des années. J’ai entendu dire que le Marchand Meldar s’était vexé quand Hest a proposé à Sédric une place chez lui ». Sédric vit avec et chez Hest.
Hest a lui aussi ses devoirs. On le presse de prendre épouse et d’avoir des enfants. Lui qui n’est pas attiré par les femmes traîne des pieds. Il se sent coincé jusqu’à ce que Sédric lui propose une solution : épouser Alise.
Sédric commence à avoir quelques remords quand il se rend compte qu’Alise n’est pas si heureuse. Hest lui rappelle alors que c’est son idée, que c’est Sédric l’instigateur de toute cette mascarade : « pourquoi m’avoir donné cette idée si tu ne voulais pas que je la mette en pratique ? ». Sédric est donc le créateur et le complice de cette arnaque sentimentale. Et même si il est triste pour son ami, il ne faut pas négliger le fait qu’il profite de tout ça au quotidien. Il continue à prendre du bon temps avec Hest, il continue à voyager. D’ailleurs, Hest le lui fait remarquer : « la vie continue pour nous ; nous sommes libres de voyager, de nous amuser, de sortir avec nos amis - nous n’avons pas à changer de mode d’existence ».
Sans le savoir, Alise sert donc de couverture à Hest et Sédric. Elle est une épouse qui sert d’excuse ; pire elle est maltraitée par son mari qui l’humilie verbalement, la rabaisse et ne lui montre aucune tendresse quand ils font l’amour.
Lorsqu’Alise a des soupçons sur une possible aventure de Hest, elle soupçonne qu’il est avec une autre femme. Elle est loin de savoir que Hest aime les hommes, et encore moins son meilleur ami. Elle confronte même en lui demandant si il la trompe. Or, Hest est suffisamment intelligent et suffisamment doué avec les mots pour se sortir de ce mauvais pas. Il implique Sédric et les deux trompent la pauvre Alise. Il joue adroitement avec les mots en questionnant Sédric (« Regarde Alise dans les yeux et dis-lui franchement : ai-je une autre femme dans ma vie ? »). Une autre femme ; Sédric ne peut que répondre non et l’énorme mensonge continue.
Bien entendu, on pourrait reprocher à Alise sa naïveté ou son aveuglement. Son cerveau refuse de voir que Sédric et Hest sont plus que des amis. Elle affirme que « c’est un ami d’enfance, et je me réjouis que Hest et lui s’entendent si bien ». Peut-être que, dans sa vie conjugale si morne et si triste, la présence de Sédric lui offre un peu de chaleur et d’amitié…
Quand Hest se moque d’Alise et de sa passion pour les dragons, Sédric esquisse un signe de révolte et d’insoumission. Il ose tenir tête à Hest en lui rappelant ses obligations : « tu n’as pas le droit de le lui interdire ; ce n’est pas juste, et c’est déshonorant pour toi de feindre de ne pas te rappeler ta promesse - déshonorant et indigne de toi ». Pour un homme qui a toujours vécu dans l’ombre et sous l’emprise, ce n’est pas un geste anodin. Mais, Hest n’est pas un individu que l’on peut convaincre. Vexé, il remet même en cause la nature de l’amitié entre Sédric et Alise. Il pense qu’Alise s’est servie de Sédric, qu’elle a un aspect pervers et manipulateur que Sédric refuse de voir. Il affirme à Sédric que « tu persistes à la voir comme la petite fille innocente à qui tu as offert ton amitié alors personne ne voulait te fréquenter , et elle l’a peut-être été à une époque, encore que j’en doute ; elle cherchait seulement à se montrer gentille avec un garçon aussi maladroit et aussi seul qu’elle ».
Fâché, Hest force Sédric à accompagner Alise dans sa folle étude des dragons. Sédric est tout sauf enthousiaste de quitter son confort. Sur le bateau, il se comporte comme un goujat, comme un individu sans éducation. Alise remarque son impolitesse (« une fois qu’ils eurent embarqué sur le Parangon, loin de retrouver sa gaieté, il avait passé les premiers jours du voyage enfermé dans sa cabine sous prétexte du mal de mer »).
Pire, Alise fait la connaissance de Leftrin et on comprend très vite que le capitaine du Mataf est attiré par Alise. Sédric se moque de cet homme : il le trouve grossier, vulgaire. Il rigole de sa façon d’être, de son comportement, de son aspect rustique. Il ne le fait même pas discrètement puisque Alise le remarque (« il avait dû réprimer un éclat de rire devant les efforts de l’homme pour étaler son charme ; à sa propre surprise, Alise s’offensait de ce que Sédric s’amusât du capitaine. Elle jugeait son attitude cruelle et mesquine »). Sédric a beau avoir été forcé, rien ne justifie qu’il reporte sa colère sur Alise.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire