Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Les dragons ne sont pas là pour rigoler

Les différents livres de la saga du Royaume des Anciens sont remplis de sang, de morts et de violence. Fitz est un assassin, Kennit un pirat...

jeudi 30 mai 2024

Séduction, déception et trahison

Le quatrième tome de la saga, le Poison de la vengeance, est un tome de transition. Fitz sort de sa torpeur mortelle et doit trouver un nouveau sens à sa vie alors que Royal règne et que les Pirates Rouges menacent de plus en plus les Six-Duchés. Les derniers soutiens de Fitz le quittent : Umbre part reprendre ses activités clandestines, Burrich part retrouver Molly et Oeil-de-Nuit cherche sa place dans une meute de loups. Fitz, lui, erre : il croise des gens, tente de se trouver un but. Quand il finit par en trouver un, ce n’est pas dans la volonté de se reconstruire mais pour assouvir sa vengeance. En voulant tuer Royal Fitz n’espère pas enterrer son passé ; d’ailleurs, à Gué-de-Négoce, Fitz est prêt à mourir si ça lui permet de tuer son vieil ennemi.

Dans ce roman, Fitz ne construit rien. S’il fait des rencontres, il ne cherche pas à ce que les histoires se développent. Il est presque froid avec les femmes, se morfondant dans le souvenir de Molly. Mais, Fitz reste un homme avenant et des femmes tentent de le séduire : c’est le cas de Miel et de Tassin.


En entrant dans une auberge, cela fait bien longtemps que Fitz ne s’est pas retrouvé en compagnie d’autres gens. Il n’a presque plus les codes du bon comportement. Pire, il a encore les réflexes du Fitz qu’il était avant, le Fitz qui était le bâtard d’un prince et qui vivait dans le château royal. Il se comporte presque comme si les ménestrels présents étaient ses gens ou qu’ils lui faisaient un rapport. Il ne fait pas non plus preuve d’une grande discrétion, un peu comme si il avait oublié ses manières d’assassin. Dès lors, il est remarqué par les deux ménestrelles (« un regard de l’aînée des deux femmes me fit comprendre que j’avait recommencé à les dévisager sans m’en rendre compte »). 

Ces deux jeunes femmes sont accompagnées d’un homme (Josh) et les trois fournissent un état des lieux des Six-Duchés à Fitz. Les choses vont mal, très mal ; et Fitz prend les choses à coeur. Il est désolé de voir comment vont les choses et le désintérêt de Royal à protéger le peuple. Perdu dans sa réflexion, Fitz ne perçoit pas qu’il a un effet positif sur l’une d’entre elle, Miel. Cette dernière tente de le séduire et il faut un petit moment pour que Fitz comprenne ce qui se passe. Il réalise que « ses propos mordants et dépréciateurs étaient une façon de faire la coquette avec moi ». Pourtant, les intentions de Miel sont claires et devinées par tous les autres. Josh rigole même de la situation, sous-entendant que Fitz a le choix entre une Miel franche et directe, et une Fifre plus discrète (« vous aurez aussi remarqué que mes compagnes sont d’avenantes jeunes femmes, même si, vu la façon dont Miel n’a cessé de vous harceler, vous avez dû sourire davantage à Fifre qu’à elle »).

Dire que Miel ne fait pas preuve de subtilité est un euphémisme. Josh, un homme malvoyant, avait senti que sa fille était intéressé par Fitz. Oeil-de-Nuit pense exactement la même chose : « je crois qu’elle veut s’accoupler avec toi. Ils t’accepteront si facilement dans leur meute ». Cette réflexion du loup est intéressante car elle permet de cerner une des motivations de Miel. La femme ne cherche pas uniquement un plaisir passager mais aussi du réconfort et de la protection. On comprend que Miel et les autres ont peur : les routes ne sont pas sûres, les forgisés continuent de se répandre. Miel voit donc en Fitz quelqu’un qui pourrait la défendre. Elle le lui dit de but en blanc : « on se sent bien seule quand on se réveille la nuit, la peur au coeur ; on cherche un moyen de se rassurer, de se sentir protéger ».

Mais, malheureusement pour Miel, Fitz repousse ses avances. Fitz tente de fournir des excuses, disant que Miel n’y est pour rien. Mil est vexée par l’attitude de Fitz. Elle ne parvient pas à comprendre pourquoi Fitz est tant tourné vers son passé, pourquoi il chérit encore une femme qui ne l’aime plus. Elle est d’ailleurs perplexe lorsqu’il donne ses raisons : ses questions montrent une forme de mépris au sujet du comportement de Fitz (« c’est ça, l’amour que vous avez perdu ? Que devez-vous à une femme qui vous a quitté ? A moins que vous ne lui ayez donné des motifs de s’en aller ? »). Miel va encore plus loin dans sa critique suite à une rencontre avec des forgisés. Elle est scandalisée quand elle voit Fitz prendre la fuite ; elle ne peut pas savoir qu’il va aider Oeil-de-Nuit. Elle trouve que Fitz manque de courage, de conviction. Elle le trouve faible, peu convaincant. Cela la pousse à remettre en question sa virilité. Ainsi, ses propos sont acerbes, presque méchants (« j’ai compris pourquoi votre femme vous a quitté (…) Pas le coeur, dites-vous ? A mon avis, le problème se situe plus bas chez vous »).


Fitz quitte Miel et les autres. Il échoue à tuer Royal et obéit à l’ordre de Vérité : il se rend vers les Montagnes. Pour y arriver, il doit traverser les Six-Duchés : il intègre une caravane en tant que berger et sous la fausse identité de Tom. Il tente de rester à l’écart des conversations tout en prêtant une oreille attentive à ce qui se dit (il se sait pourchassé par les hommes de Royal).

C’est la compassion qui plongera Fitz dans les problèmes. La caravane compte bon nombre de personnes, dont Tassin, une jeune femme insatisfaite de son sort, insatisfaite de son apprentissage. Elle y met de la mauvaise volonté, se sent mal traitée par son maître. Cela pousse Tassin à mal faire son travail et à être punie pour ça. Son maître n’est pas un enseignant qui corrige par la parole mais en mettant des petites corrections. Quand elle est battue par son maître, les réactions de Tassin sont entendues dans tout le camp. Fitz ne le supporte pas : « les claquements du cuir et les glapissements de la jeune fille s’entendaient à l’autre bout du campement : au second, je fronçai les sourcils, et j’étais debout au troisième ». Bon samaritain, Fitz cherche des plantes pour atténuer les plaies sur le visage de Tassin. Il lui procure de premiers soins, et c’est son premier échange physique avec une femme depuis bien longtemps. Cet acte bien simple réveille un tas de choses en Fitz (« la jeune fille ne dit rien à mon contact, et j’éprouvai un choc soudain en me rendant compte que je n’avais pas touché le visage d’une femme depuis le départ de Molly »).

Tassin montre tout son intérêt pour Fitz. Sa philosophie de la vie semble assez claire :il faut profiter des bons moments quand ils se présentent. Tassin semble avoir vécu une importante peine de coeur qui l’a énormément marquée. A première vue, Tassin cherche donc du réconfort, quelqu’un qui peut l’aider à traverser des moments compliqués (« ça ne sert à rien de rêver à ce qu’on n’a pas ; on n’arrive qu’à se rendre malheureux. Mieux vaut se satisfaire ce qu’on a sous la main »). Et ce qu’elle a sous la main est Fitz qui est réceptif à ses avances. Il a un accès de passion, une pulsion : « j’eus soudait envie d’elle, avec une violence qui me fit tourner la tête, envie non pas de Tassin, mais d’une femme, de douceur, d’intimité ». Tassin le sent. Elle a eu bon nombre de moments partagés avec d’autres hommes, elle sait comment cela fonctionne. Tassin se croit séduisante (« d’un geste caressant, elle se passa les mains sur la poitrine pour m’inciter à m’imaginer les miennes faire de même ») et elle répète avec Fitz ce qu’elle a fait avec d’autres. Ce geste anodin en soi refroidit Fitz, le fait sortir de sa bulle. Fitz n’a plus de désir, il ne ressent plus le besoin de coucher avec Tassin. Il tente d’expliquer à Tassin que c’est lui qui est en tort et qu’elle n’y est pour rien. Une nouvelle fois, il ne rencontre que le dédain et des propos moqueurs et rabaissants. Tassin est d’accord : c’est Fitz qui porte l’entière responsabilité de son impuissance à conclure. On sent dans ses propos hargneux que Tassin est vexée (« je le sais bien, pauvre crétin ! cracha-t-elle avec mépris. Je voulais seulement être gentille avec toi, qu’est-ce-que tu croyais ? »). Une nouvelle fois, on peut se demander si Fitz ne dégage pas une aura de pitié qui pourrait attendrir certaines femmes.

En colère, Tassin balance des répliques crues et qui poussent même à se demander pourquoi elle a voulu faire l’amour avec Fitz. Elle assène que « tu es maigre comme un clou, et à voir ta tête, on a l’impression que tu n’as gagné un seur combat de toute ta vie ! ».

La situation va prendre un tournant tragique quand des soldats de Royal aborderont la caravane. Tassin croit voilà l’opportunité de se faire de l’argent facilement en dénonçant Tom comme le bâtard au Vif. Elle le fait chanter : « à Lac-Bleu, ton maître te donnera ta paie ; veille à bien me l’apporter ou je lancerai toute la ville à tes trousses ». Mais, face à la dénégation de Fitz, Tassin décide de presser le mouvement : elle dit au soldat Pêne que le berger Tom est le bâtard recherché. Tassin montre alors toute sa naïveté. Elle est convaincue que les soldats vont suivre la règle du jeu en lui versant la prime ; elle fait une grave erreur. Pêne la traite comme une petite chose négligeable. Tassin tente de faire valoir ses droits (« c’est moi qui l’ai découvert ! Sans moi, vous auriez continué votre route alors qu’il était sous votre nez ! Cet argent me revient ! »). Bien entendu, elle ne récolte rien : Pêne l’ignore et son maître n’en revient pas de sa stupidité.

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