A Guetis, Jamère atteint enfin son but : il est officiellement intégré dans l'armée. Certes, il n'est en charge que du cimetière mais pour lui, c'est un poste important et qui lui permet enfin d'acquérir un statut. Guetis est la dernière ville civilisée avant les terres des Ocellions. Ceux qui sont en train de construire la route doivent faire face à une magie qui les déprime, les rend apathique. Et pour ne rien arranger, l'ordre est mal tenu dans la ville et les femmes sont en danger. Jamère vit éloigné dans son cimetière : quand il se rend en ville, il est aussi touché par l'ambiance. Mais, Jamère a une porte de sortie : la forêt. Et c'est là qu'il rencontre Olikéa.
La magie habite Jamère et l'homme a du mal à vivre avec ça. Il ne parvient pas à accepter qu'autre chose puisse dicter ses mouvements et ses décisions. Jamère est un jeune homme complexé par son physique et longtemps par ses désirs. La peste l'a fait prendre du poids et l'a poussé à être encore plus attiré par les femmes et ses besoins sexuels. Ce sont deux faits qu'il a du mal à tolérer chez lui et chez les autres. Sa pudeur s'étend presque aux autres, or ce n'est pas le cas avec Olikéa. Quand il la voit, il n'est pas dérangé par son mode de vie (« elle abordait sa nudité de façon si naturelle que je n'éprouvai nulle gêne ; elle était nue comme le sont les lapins et les oiseaux »). En réalité, Olikéa bouscule la réalité de Jamère et inverse totalement sa façon de voir les choses. Elle ne fait pas que mettre en avant la défense de la forêt contre la progression de la civilisation, elle prend les choses en main dans leur relation, notamment intime. C'est elle qui dicte le rythme de leurs relations sexuelles : « elle refusait de hâter son plaisir et elle disait clairement ce qu'elle voulait de moi, en termes sans équivoque et avec une franchise qui dépassait de loin la crudité des hommes lorsqu'ils parlaient de sexualité ».
Les motivations d'Olikéa sont claires. Elle considère et espère que Jamère pourrait être un Opulent de premier plan, et donc une arme dans la lutte de sa tribu contre les envahisseurs. Elle pense qu'il est de son devoir de le satisfaire (« elle m'avait réduit à mes besoins les plus élémentaires, me nourrir et m'accoupler »). Autrement dit, elle veut engraisser Jamère et lui faire un héritier. Ses actes ne laissent aucune place au doute : « elle me déshabilla, me fournit encore à manger, puis s'offrit à moi. Le moelleux des fruits savoureux, à la peau fine, s'allia au jeu de sa langue chaude et mouillée quand elle mêla ses baisers aux bouchées de nourriture ». il serait injuste de réduire Olikéa à une femme servante. Si elle agit comme ça, c'est pour son bien et celui de son peuple. Certes, la tradition la conditionne à servir les Opulents mais elle a ses intérêts en tête.
Jamère, lui, est influencé par son éducation. Fils de noble, si il couche régulièrement avec une femme, c'est pour l'épouser. Il y voit une question d'honneur et de respectabilité. Pire, il cloisonne sa vie et fait tout pour tenir Olikéa à l'écart. Il est convaincu que « notre relation ne déboucherait que sur des larmes ; jamais elle ne pourrait devenir mon épouse dans mon monde ». Là encore, Jamère fait fausse route et Olikéa le remet à sa place. Elle n'a aucune envie de prendre part à ce monde de pierres qui abat les arbres. Elle ne veut pas des possessions de Jamère, de ses richesses. Elle s'en moque et le lui dit clairement : « je n'aime pas ta maison, là-bas, dans les terres nues ; tu peux la garder. Quant à la fortune, j'ai déjà la mienne, donc je n'ai pas besoin de la tienne ; tu peux la garder ». Olikéa exprime son indépendance. Elle n'appartient à personne et est libre de ses choix. Quand Jamère tente de la convaincre qu'il ne peut lui donner plus, elle parvient à retourner l'argument contre lui : « manger, faire l'amour... si une femme donne à à un homme, il a de la chance et ne doit pas lui en demander davantage, parce qu'il n'arrivera à rien sinon à lui déplaire par son insistance ». C'est un avertissement. Si elle le sert et subvient à ses besoins, elle n'est pas pour autant sa chose. Elle lui rappelle que « les hommes n'ont pas d'enfants ; ce sont les femmes qui en ont ». Elle va même plus loin : « voilà une idée stupide ; seule une femme peut se posséder toute entière. Tu devrais te réjouir de ce qu'elle t'offre au lieu de désirer tout ce qu'elle est ». Olikéa a sans doute repéré que Jamère avait une forte propension à douter de lui, à se remettre en question et s'apitoyer sur son sort ; Jamère n'accepte pas qui il est, un homme marqué par des magies.
Olikéa une farouche partisane de son peuple. Elle le place avant tout. Elle encourage la lutte contre ceux qui veulent abattre la forêt, les arbres. Elle est dans une position délicate car, l'Opulent qu'elle a choisi, vient du rang des ennemis. Elle doit donc exprimer ouvertement ses idées : « il n'y en a qu'un seul, le Peuple. C'est le nôtre. Tous les autres sont des étrangers ; tous les autres menacent notre culture ». Olikéa en devient même extrémiste. On peut la comprendre quand on pense au mal qui est fait : en détruisant les arbres, on ne fait pas que les abattre mais on détruit aussi la mémoire de la tribu. Ce n'est donc pas uniquement la forêt qui disparaît mais aussi la mémoire collective. Il n'est donc pas étonnant de la voir vindicative : « ils doivent partir tous, retourner dans leur propre territoire, et tout redeviendra normal – sauf, que, naturellement, avec ses outils, ton peuple aura percé un trou dans le ciel des feuilles et nous aura privé des plus vieux de nos anciens ».
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