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dimanche 2 avril 2023

Althéa Vestrit, difficile d'être une femme ?

A Terrilville, être une femme n'est pas toujours aisée. Elles peuvent être Marchandes, commerçantes, agricultrices ou exercer tout un tas de métiers. Mais, le métier de marin semble leur être interdit, pour le plus grand malheur d'Althéa Vestrit. Celle qui rêvait de mener la vivenef Vivacia se voit dépouiller de ce droit par ses parents. Puis, quand elle tente de faire ses preuves en tant que marin, on lui rappelle sans cesse son sexe. Elle est une femme donc elle n'est pas assez forte, donc elle est à la merci des autres hommes à bord.

Althéa est fière de ses capacités. Quand elle exerçait à bord du navire de son père, Ephron Vestrit, elle avait l'impression d'être à la hauteur et de participer à la bonne marche du navire. Elle se savait utile et s'était convaincue que son père lui léguerait le bateau. Tout semblait croire qu'il la formait, peu importe son sexe. Althéa pensait que son père avait vu ses qualités et ses compétences. Elle se trompait. En tout cas selon Kyle Havre. Son beau-frère lui jette en pleine face que « votre père vous a embarqué uniquement parce qu'il n'avait pas de fils ; c'est lui-même qui me l'a dit ». Autrement dit, toute la vie d'Althéa repose sur un choix par défaut. Ce sont des propos durs à entendre pour la jeune femme, d'autant plus qu'ils sont confirmés par sa mère (« je vais te parler franchement : il t'a toujours traitée comme les fils que nous avons perdus. Si tes frères avaient survécu à la peste... »). Tout peut donc laisser croire à Althéa que, si son père l'a laissée naviguer sur le bateau, c'est uniquement parce qu'il voyait en elle le garçon qu'il n'a jamais eu.

Althéa se laisse-t-elle abattre ou toucher par ce genre de propos ? Non. Elle garde une autre image de son père, du capitaine Ephron Vestrit. Il ne la voyait pas comme une fille ou comme un garçon ; il ne s'intéressait qu'à ses actions : « avec lui, c'était ce dont j'étais capable qui comptait, avec eux c'est mon apparence ou ce qu'on pense de moi ». On note également la pointe de regret d'Althéa. Elle n'a pas perdu que son père, elle a également perdu la seule personne qui la regardait en faisant fi des préjugés liés à son genre.

Dépossédée de son héritage, privée de la vivenef, rejetée par sa famille, Althéa tente de faire ses preuves. Très vite, elle comprend qu'être une femme est un inconvénient si on veut devenir mousse (« Althéa devait prouver qu'elle était aussi solide, voire plus, que les hommes aux côtés desquels elle devrait travailler, mais on ne lui laisserait même pas l'occasion, vêtue comme elle l'était »). En effet, à cette époque, à Terrilville, les femmes doivent porter des tenues élégantes, des robes peu pratiques et peu compatibles avec la vie sur un bateau. Elle n'a pas de chance : si elle était née un peu plus au nord, dans les Six-Duchés, elle aurait pu naviguer sans souci comme le lui fait remarquer Brashen. Il affirme que là-bas « on se fiche que vous soyez un homme ou une femme, du moment que vous mettez du cœur à l'ouvrage ».

Terrilville a beau être une ville riche, civilisée et où le Marchands règlent leurs problèmes de façon collégiale, il y reste quand même une certaine sauvagerie, notamment à bord d'un bateau. Une femme met sa vie en jeu en embarquant : elle peut être violée sans que cela ne dérange le capitaine ou quiconque. Il n'y a que sur les bateaux familiaux qu'elle peut espérer être en sécurité (« la plupart de celles que vous voyez sur les quais travaillent sur leurs navires familiaux, avec leur père et des frères pour les protéger »). Dès lors, Althéa pas le choix ; Brashen lui souffle la solution : « trouver un moyen de renaître sous la forme d'un garçon, de préférence qui ne porte pas le nom de Vestrit ».

Plus tard, on retrouve Althéa, sous l'identité d'Athel, alors qu'elle effectue les sales tâches à bord d'un navire chasseur. Elle y retrouve Brashen qui ne la reconnaît pas tout de suite puisqu'elle est déguisée. Il est convaincu que Athel est un homme et il fait le lien avec Althéa parce qu'Althel siffle une chanson coutumière des Vestrit. Il observe attentivement Althéa et remarque qu'elle « faisait un joli adolescent, et la timidité qu'elle affichait la rendait sans doute plus attirante que bien des hommes faits ».

Si Althéa a embarqué à bord du Moissonneur, c'est pour faire ses preuves en tant que marin et avoir une étiquette qui prouve ses compétences. Mais, pour l'avoir, elle doit dévoiler sa réelle identité et donc montrer qu'elle est une femme qui se fait passer pour un homme. La réaction du capitaine est très claire : « tu crois que j'ai envie de devenir la risée de tous les navires-abattoirs ? Qu'on sache que j'ai embarqué une femme pendant toute une saison sans même m'en rendre compte ? Tout le monde se ficherait de moi ! » Il ne fait donc pas bon être une femme. Pire, Althéa n'obtient pas sa recommandation.

Pour rentrer à Terrilville, elle embarque sur une vivenef : l'Ophélie tenue par la famille Tenira. Là encore, on ne la reconnaît pas, preuve que son déguisement est efficace (« Tenira ne l'avait pas reconnue, et il était peu probable que cela n'arrive jamais : en tant que mousse, elle avait peu de chances de croiser fréquemment le capitaine »). Naviguer à bord d'une vivenef, un navire vivant et conscient de tout ce qui se passe à bord, ne la protège pas nécessairement. Elle doit faire attention, rester sur ses gardes. On lit que « Althéa se savait à l'abri du viol à bord, même si la cour rustique d'un mari cherchant à se montrer galant pouvait s'avérer tout aussi furieuse et source de confusion ».

Bien entendu, Althéa se fait démasquée. Ophélie informe son capitaine qu'Althéa est un homme et la réaction de ce dernier est à la fois attendue et surprenante. Dans un premier temps, il pointe du doigt la tromperie et la supercherie d'Althéa (« tu peux aussi me remercier en gardant secret le fait que tu as navigué sur l'Ophélie sous l'identité d'un garçon sans que je n'en sache rien »). Encore une fois, on retrouve le fait qu'un capitaine ait du mal à supporter qu'une femme ait été à bord sans qu'il le sache. Il ne faudrait pas que cela se sache car cela risquerait de ruiner sa réputation. Puis, le capitaine Tenira se rappelle qui est Althéa, qu'elle est une Vestrit et que l’Ophélie semble l'apprécier. Il lui permet de rester à bord et de travailler en tant que marin et en tant que femme. Althéa n'a donc plus à se cacher pour faire ses preuves (« elle ignorait ce que le capitaine Tenira ou Grag avaient dit à l’équipage mais personne ne trahit la moindre surprise quand elle surgit sur le pont sans ses frusques de garçon »).

Althéa a dû quitter sa propre famille. Son comportement n'était pas accepté. Ils lui en voulaient de ne pas respecter le choix d'Ephron et de Ronica (léguer la vivenef à Keffria). Ils ne comprenaient pas son mode de vie et son attrait pour les bateaux. C'est par exemple le cas de Malta qui « n'avait pas l'intention de devenir (…) hommasse comme ce cheval échappé de Tante Althéa ».

Quand Althéa décide de rentrer chez elle, elle le fait sous le déguisement d'un homme. Encore une fois, il est efficace et trompe le monde. Une servante de la famille Vestrit, en la voyant apporter un message, dit qu'il n'y a « pas de raison qu'un homme comme toi rentre le ventre vide ».

Du côté de ses proches, on est choqué par son apparence et on partage les mêmes avis que les capitaines. Il est mal vu qu’une femme se déguise en homme, même si c'est pour un motif évident de protection. Ronica implore sa fille : « pour l'honneur de ton père, tâche que personne ne te reconnaisse, je t'en prie ». Keffria, sa propre sœur, est dans le même registre d'émotions. Elle n'a dans la bouche que des reproches (« Althéa, comment peux-tu nous faire ça ? Comment peux-tu te faire ça à toi-même ? N'as tu donc aucune fierté, aucun égard pour notre nom ? ») Althéa trouve donc bien peu de soutiens de la part de ses proches. Ils comprennent qu'elle a traversé des périodes difficiles mais ils pensent que c'est son choix et que de se déguiser en femme n'a rien arrangé. Elle aurait mieux fait de rester à Terrilville, comme une sage jeune femme et épouser un homme qui aurait permis à la famille de s’enrichir et travailler une période difficile.



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