Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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dimanche 28 août 2022

Vérité, tout donner pour son peuple et son royaume ?

 

Les temps sont durs et compliqués pour les Six-Duchés. Une lutte interne menace la survie de la famille royale et les Pirates Rouges attaquent les villes côtières. La survie du pays repose sur quelques hommes : des soldats, Umbre, Fitz. Tous ces hommes ont besoin d'être coordonnés, menés, dirigés et on pourrait attendre que ce soit le Roi Subtil qui s'en charge. Mais, l'homme est vieux et dépassé, et le fardeau repose sur les épaules de Vérité. Vérité n'a pas demandé à être chargé de tout ça ; certes, en tant que fils du roi, il connaît ses obligations. Mais, cela en fait beaucoup pour un simple qui, en plus, ne se sent pas soutenu, aidé par son propre père. Vérité a conscience de sa place, il sait que c'est Chevalerie qui aurait dû mener la guerre contre les Pirates Rouges si il n'avait pas abdiqué. Il occupe sa place par défaut : « j'ai toujours été votre second fils, d'abord derrière Chevalerie, le beau, le fort, le sage et à présent derrière Royal, le fin, le charmant, le maniéré. Je sais que vous voyez en lui un meilleur successeur que moi,et je ne suis pas toujours loin de le penser moi-même ». On peut se demander si il est bon que le leader du royaume soit si critique envers lui-même. On sent clairement dans ses propos que Vérité se dénigre, se rabaisse : il n'a pas la valeur de ses frères. Vérité n'est pas né pour être numéro un, il a été éduqué pour être un soutien, un renfort sur qui on peut s'appuyer. C'est ce que l'a façonné et il n'est pas si étonnant de le voir presque baisser les bras parfois. Ses doutes, ses lacunes, il en parle à Fitz. Il lui fait la remarque que « je voudrais que ton père soit encore vivant et que ce soit lui le roi-servant (…) Il m'indiquerait de quelles tâches m'occuper et je lui obéirais (…) Sais-tu comme il est facile de suivre les ordres d'un homme en qui on a confiance, Fitz ? »

Pour ne rien arranger à la situation de Vérité, il doit faire face à la froideur de son père et à l'avènement de Kettricken. Cette dernière n'est pas une femme effacée qui trouve les mots pour le réconforter, voire le flatter. Elle est une femme d'action, une femme qui prend les choses en main, qui impulse les choses. Les conséquences sont visibles et désastreuses : Vérité perd confiance. Il a l'impression de se sacrifier, non pas pour sauver les Six-Duchés, mais pour préparer le terrain à Royal (« mais quelle importance qu'un homme se fasse dévorer, s'il sauve ainsi un royaume ? ) Kettricken vient des Montagnes, son éducation diffère. Les dirigeants sont au service du peuple, ils sont là pour mener par l'exemple. C'est une femme très différente de ce que Vérité a connu : elle n'est pas une de ces nobles qui passe son temps à coudre ou à pratiquer des activités de ce genre. Si le mariage était sans doute nécessaire d'un point de vue militaire et diplomatique, il est beaucoup moins accordé du point de vue de l'homme et de la femme. Fitz est un bon témoin de tout ça, il fréquente Kettricken et est devenu le confident de Vérité. Les deux hommes sont honnêtes l'un avec l'autre et partagent leurs doutes, espoirs. Fitz voit que Vérité est affaiblie : « j'avais devant moi le prince Vérité tel que je ne l'avais jamais vu ; c'était un homme dont la confiance était en pièces. Je compris alors comme Kettricken lui était mal assortie ; ce n'était pas sa faute : elle était forte et elle avait été éduquée pour régner ».

La relation entre Vérité et Kettricken est intéressante. Leur histoire débute par un mariage arrangé qui doit montrer au peuple que les Loinvoyant gardent l'espoir d'un futur meilleur. Pour cela, il faut faire des enfants. Si Kettricken a conscience de ce qu'on attend d'elle, cela semble être moins le cas de Vérité. Ne désire-t-il pas sa femme ? Ou est-il trop pris par ses obligations liées à la défense du royaume ? Cette interrogation hante Kettricken : « voyons, si je suis la seule à pouvoir lui donner un héritier, lui seul peut l'engendrer ; dans ce cas, pourquoi dois-je rester confinée ici tandis qu'il se jette à corps perdu dans la protection de notre peuple ? » Au-delà de la question de l'héritier, Kettricken est celle qui offre à Vérité la possibilité d'en faire plus : elle le lance dans la quête des Anciens. C'est une opportunité pour Vérité d'échapper au château, d'échapper à cet Art qui le détruit petit à petit. Il peut enfin agir physiquement, il peut enfin montrer à ses gens, son peuple, qu'il fait quelque chose. A de nombreuses reprises, Kettricken ou Fitz ont montré que les personnes royales étaient là pour le peuple, qu'elles devaient tout donner pour lui. Vérité les écoutait sans jamais appliquer : là, il a la chance de le faire. Il dit, passionnément, à Kettricken que « dans tant d'autres domaines, j'ai manqué à mon devoir envers les Six-Duchés, et envers vous. Quand vous êtes venue vous faire proclamer reine, je n'ai manifesté nulle patience pour vos propos sur le rôle de l'Oblat ; je n'y voyais que les élucubrations idéalistes d'une enfant (…) J'ai appris de mes parents à faire passer les Six-Duchés avant moi. Je m'y suis efforcé mais je vois à présent que j'ai toujours envoyé d'autres s'exposer à ma place ».

Le sacrifice, c'est ce qui attend Vérité loin dans les Montagnes. Lancé dans sa quête presque perdue d'avance des Anciens, il se retrouve acculé. Ses soutiens sont tués ou dispersés, il ne peut compter que sur lui. Loin de tout et de tous, il garde pourtant en tête son objectif : sauver les Six-Duchés de la catastrophe. Lorsque le petit groupe constitué de Fitz, de Kettricken, d'Astérie, de Caudron, d'Oeil-de-Nuit et du Fou parvient à le rejoindre, ils sont perplexes, ils ne comprennent pas ce qu'il fait. Ils le trouvent en train de sculpter un dragon de pierre et bon nombre (Fitz, Kettricken) croient qu'il a perdu la raison. Vérité leur montre que ce n'est pas le cas. S'il fait tout ça, c'est parce qu'il a un but en tête : « tout à faire... et je crains de terminer trop tard. Si ce n'est pas déjà le cas (…) Mais... trop tard pour sauver le peuple des Six-Duchés. Sinon, que ferais-je ici ? Pourquoi aurais-je abandonné mon pays et ma reine pour venir ici ? » Vérité forge donc son propre dragon de pierre et d'Art en sachant que cela signifiera sa mort. Il est prêt à donner sa vie, son énergie, ses passions, ses émotions pour son peuple. Quand son dragon sera terminé et prêt à aller se battre, Vérité sera mort (« c'est la nature des dragons. Il faut les nourrir, et c'est la vie qui les alimente ; elle doit être donnée volontairement pour en créer un »). Pour les autres présents, c'est terrible. Vérité n'est plus réellement un homme : il est froid, il est distant, il a du mal à formuler ses idées. Il ne pense qu'à son dragon, délaisse les autres et les blesse parfois. La situation est particulièrement pénible à vivre pour Kettricken. D'une certaine manière, c'est sans doute préférable qu'elle ne soit pas douée de l'Art et qu'elle se rende compte de la chute de vérité. Fitz, lui, le sent : « roi ou homme, oncle ou ami, je ne savais plus qui il était ; quand je l'artisais, je me heurtais à ses murailles ; quand je tendais mon Vif vers lui, je constatais que sa vie oscillait entre la créature de pierre et lui. »

Vérité est prêt à tout pour atteindre son but. Il donne sa personne, il donne son amour pour Kettricken et il a même renoncé à ses prétentions pour le trône. S'il fait du mal à ceux qui sont avec lui, c'est parce qu'il est concentré sur son objectif. Il aime sa femme mais renoncer à cet amour est nécessaire à l'éveil du dragon (« une grande partie d'elle était ce qu'il y avait de plus fort, alors je l'ai mis dans le dragon. Je crois que c'est ce qui me manque le plus dans tout ce que j'y ai mis »). La situation devient périlleuse et tragique quand Vérité se rend compte que ce n'est pas suffisant. Tout ce qu'il a vécu n'est pas suffisant pour éveiller le dragon. C'est un terrible désaveu. Il y a pourtant une solution : demander de l'aide à Fitz. Il ne peut pas, il ne veut pas ; sans doute considère-t-il que Fitz a une vie qui ressemble à la sienne et qu'il ne veut pas lui infliger ça. Caudron nous éclaire en disant que « il dit que vous aimez trop votre vie et qu'il exclut de vous la prendre, que vous avez déjà dû renoncer à trop de bonheurs pour un roi qui ne vous a donné que des peines et des épreuves en guise de remerciement ».

Pour y arriver, Vérité est prêt à tout, même à laisser derrière lui son honneur et sa dignité. Il propose à Fitz d'échanger leurs corps afin qu'il ait un dernier moment d'intimité à Kettricken (« j'ai honte de te demander cela, plus que le jour où j'ai puisé dans ton énergie alors que tu n'étais qu'un adolescent innocent (…) même cette honte, cette douleur de t'infliger ce sort... »). Cela doit lui permettre de remplir son dragon, de lui donner un vie et de laisser Kettricken enceinte. Vérité est déterminée : il est prêt à tout.

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