Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

dimanche 12 septembre 2021

Ortie contre Fitz ? (partie 2)

La trilogie du Fou et de l’Assassin n’est pas que l’histoire des Dragons qui veulent se venger ou des Quatre qui veulent maintenir le pouvoir sur le monde. C’est avant tout une histoire de famille, un père qui tente de protéger ses enfants sans trop savoir comment faire. Dans les précédents livres, on suit Fitz qui tente de se rapprocher d’Ortie. A la fin de l’histoire, ils parviennent à un équilibre précaire. Puis, Fitz et Molly se marient, Molly tombe enceinte, met au monde Abeille puis meurt des années plus tard. Fitz a alors la charge d’une jeune fille qui semble différente (Abeille) et doit composer avec une Ortie qui ne lui laisse rien passer.

La vie de Fitz semble être une succession de mauvais coups du destin. Il a eu son lot de douleurs et sa relation avec le Fou en a fourni beaucoup. Il s’ouvre un jour à Ortie, lui expliquant combien son ami lui manque, la façon dont cela laisse un grand vide en lui. Ortie est compatissante et sa réponse (« je suis navrée, papa ») est un réel choc positif pour Fitz. Pour la première fois, elle le gratifie du titre de père alors que jusqu’à présent elle le traitait comme un adulte parmi d’autres (« se rendait-elle compte que c’était la première fois qu’elle m’honorait de ce titre ? Je gardai soigneusement le silence pour savourer cet instant »). Mais, il ne faut pas croire que tout va bien entre eux, c’est loin d’être le cas. Ortie a toujours énormément de rancœur en elle, elle n’a jamais pardonné à Fitz de ne pas l’avoir placée au sommet de ses priorités. Il lui a trop souvent préféré son devoir et les Loinvoyant : « La tienne aussi, quand tu as décidé de te faire passer pour mort, et celle de la réputation des Loinvoyant : plus de bâtards gênants pour brouiller la ligne de succession. La sécurité ! Comme si la sécurité était plus importante que tout ! »

Deux grands événements viennent changer la vie de Fitz : la naissance d’Abeille et la mort de Molly. Cette dernière était celle qui s’occupait du matin au soir de sa fille, les deux ne se quittaient pas. Abeille avait du mal à supporter la présence de Fitz, lui qui débordait d’Art. Molly décédée, il faut que quelqu’un s’occupe d’Abeille. Une Abeille que tout le monde juge différente à cause de son physique et du fait qu’elle ne parle pas. Ortie n’a alors pas grande confiance en père, elle doute de ses capacités parentales et elle le lui dit clairement (« tu ne peux pas t’occuper d’elle. Si je ne te connaissais pas, je penserais qu’elle a peur de toi »). Mais, Fitz reste sourd à ses critiques et lui répète qu’il est tout à fait capable de s’occuper d’Abeille. Abeille a beau répété qu’elle veut rester avec son père, Ortie ne change pas d’avis. Elle envoie même son compagnon Crible tâter le terrain, voir comment ça se passe : « Ortie s’inquiète pour sa sœur. Je lui répète que vous êtes beaucoup plus capable qu’elle ne le croit, mais ça ne l’empêche pas de préparer un appartement et un tuteur pour la petite ». L’Art permet à Fitz et à Ortie de communiquer. Cette magie offre surtout à Abeille l’opportunité de donner des conseils avisés à son père, surtout que Fitz a eu une enfance particulière, sans réelle personne ne veillant sur lui au quotidien. Certes, Umbre et Burrich ont participé à son éducation, mais le premier se concentrait sur les leçons d’espionnage et le deuxième l’a fait baigner dans un univers essentiellement masculin et de labeur. Ortie sait ce que ça peut être de se retrouver dans un monde totalement nouveau sans y avoir été préparé, elle sait aussi que des choses peuvent échapper au regard d’un père, aussi attentionné soit-il. Ses propos sont clairs : « ne la laisse pas vagabonder comme un chat errant (…) Abeille est jalouse d’Evite et de la considération qu’elle réclame ; n’en rajoute pas. Tu n’as qu’une enfant à ta charge, Fitz ; fais attention à elle. »

Il est assez heureux qu’elle ait su très tard que Fitz avait brûlé un cadavre devant sa propre petite fille !

Ortie connaît bien Fitz. Elle a connu son père grâce à l’Art. Il était alors Fantôme-de-loup, il s’était créé un univers triste et sombre. Ortie sait donc que Fitz a tendance à se complaire dans le mélodrame. A la mort de Molly, elle se demande donc comment va réagir Fitz. Fitz se répand alors dans l’Art comme s’il avait envie de se suicider. La réponse d’Ortie est cinglante : « je me rendrais à Flétribois, je fermerais le domaine, j’emmènerais Abeille et je te laisserais baver dans un coin (…) la douleur ne cesse pas, alors supporte-la, parce que tu n’es pas le seul à l’éprouver ». Les mots d’Ortie peuvent sembler durs, ils le sont sans aucun doute. Mais, elle sait bien qu’il faut être ferme avec son père.

Fitz est en charge de Flétribois même si officiellement la demeure et les terres appartiennent à Ortie. Il gère donc les choses de façon économe, il manque à ses devoirs en n’entreprenant pas les travaux nécessaires car il ne veut pas piocher dans l’argent d’Ortie. Cependant, Ortie le prend mal. Pour elle, c’est comme si son père la voyait comme une femme ingrate et indifférente qui ne pense qu’à elle, à sa fortune. Ce comportement lui fait mal et la fait vertement réagir. Elle crache à la figure de Fitz que « c’est blessant. Crois-tu franchement que je m’opposerais à tes décisions si elles profitent à Abeille ? Ou à toi ? Tu ne me juges pas égoïste à ce point ». Tout cela mène au réel avis d’Ortie sur Fitz. Un soir, au cours d’une conversation, elle lui dit que « les gens t’aiment beaucoup plus que ce que tu ne mérites, Tom ; mais tu n’arrives pas à croire qu’ils t’aiment un tant soit peu. Et je fais partie de ces gens. » Les paroles d’Ortie font clairement écho à ce qu’ont pu dire Umbre ou Astérie : Fitz n’accorde jamais réellement sa confiance à quelqu’un (sauf à Oeil-de-Nuit) et il doute toujours de l’amour qu’on lui porte.

Maîtresse d’Art du Royaume, Ortie est soumise au regard des gens de Castelcerf. On surveille ses faits et gestes publics, ce qu’elle dit, avec qui elle mange. Et c’est d’autant plus le cas quand Elliania, Devoir et Kettricken décident de révéler sa véritable ascendance : elle est la fille de FitzChevalerie Loinvoyant. C’est un grand bouleversement pour la jeune femme qui, à ce moment-là, peut compter sur le soutien de son père. D’ailleurs, assez tristement, quelques temps avant, elle avait peur de lui annoncer qu’elle était enceinte, craignant que Fitz crie à l’infamie. Or, Fitz est heureux pour sa fille. Il prend donc à revers Ortie.

La femme a toujours cru que Fitz la sous-estimait, professionnellement en tout cas. Quand des Chalcédiens et Dwalia enlèvent Abeille, la famille royale guette tous les indices pour la retrouver. Il se trouve qu’ils ont une opportunité grâce à l’Art et Fitz fonce la tête baissée, sans demander d’avis à personne, et surtout pas aux gens plus qualifiés que lui. Ortie le prend mal : « tu n’as songé à aller me voir, moi la maîtresse d’Art, pour bénéficier de mes conseils et de mes connaissances dans ce domaine ? (…) tu m’aimes comme ta fille, j’en suis sûre ; mais que tu respectes mon savoir et ma compétence, j’en doute ». Pourtant, c’est bel et bien le cas. Fitz a toujours été admiratif des capacités à manipuler les rêves d’Ortie, de ce qu’elle a fait avec Glasfeu et Tintaglia. Dans le roman Sur les rives de l’Art, alors qu’il est à la recherche d’Abeille, Fitz demande l’aide des Anciens et des Dragons. Si Tintaglia répond plus ou moins favorablement à sa demande, elle le fait de bien mauvais gré. Et quand Fitz lui rappelle qu’elle leur doit un service et évoque Ortie, sa réaction fait grand plaisir à Fitz tout en valorisant ce qu’a fait Ortie : « je n’avais jamais vu une créature aussi gigantesque s’étrangler de fureur, et Ortie m’inspira soudain une grande fierté ».

Bien entendu, Ortie a compris que Fitz devait se lancer à la poursuite d’Abeille. Fitz a conscience que sa fille aurait pu mal le prendre (« je regrette Ortie, mais je dois m’en aller ; je dois venger Abeille »). Ce n’est qu’un petit abandon justifié, bien moins grave que ce qu’il a fait avant et bien moins grave que ce qu’il fera ensuite. Contaminé et dévoré par l’Art, Fitz se met en tête de construire son propre dragon (ici un loup de pierre). Il y est fortement incité par Vérité, et comme lui, il fera énormément souffrir ceux et celles qui assisteront à ça. Ortie a beau savoir que tout cela la dépasse, que l’appétit d’Art a pris le dessus sur tout ce qui compte pour Fitz, elle constate que « tu ne seras plus là ». Fitz profite d’un de ces derniers moments de lucidité pour faire des adieux maladroits à ses deux filles. Il leur dit que « mes filles, je vous demande pardon ; j’aurais dû demeurer auprès de vous ». Et, le sentiment d’abandon, voire de trahison, semble être à son point culminant quand Abeille s’en prend au Fou. En effet, Fitz ne parvient pas à compléter son loup de pierre et seul le Fou pourrait l’aider. Or, il hésite, tergiverse, se réfugie derrière de faux prétextes (s’occuper d’Abeille). La jeune fille n’a pas d’autre choix que de hurler : « il t’aimait plus qu’il n’a jamais aimé aucun d’entre nous. » Est-ce la vérité ? Difficile de savoir puisqu’Oeil-de-Nuit et Molly ont occupé une place centrale dans sa vie et qu’il a traversé la moitié du monde pour sauver Abeille. Pour Ortie, en tout cas, c’est la confirmation qu’elle occupait une place en retrait au vu de sa réaction : « Ortie avait porté les mains à son visage, horrifiée par la vérité que je venais de hurler. »


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