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dimanche 9 août 2020

L'histoire de Chevalerie

Chevalerie est le grand absent de la première série de livres de l’Assassin Royal. Le prince joue un rôle important dans les événements : car sans lui et sans sa compagne (une Montagnarde), Fitz n’aurait jamais vu le jour. Bien avant d’épouser Patience, Chevalerie a donc eu un fils qui deviendra un bâtard quand il sera reconnu par le pouvoir royal. Fils de Constance et de Désir, Chevalerie restera connu pour être l’Abdicateur.

Sa non-présence aura grandement influencé les choix de Fitz qui recherchera tout le long des romans une présence paternelle (Umbre, Burrich, Vérité) ; il apparaît également que sa renonciation affaiblit le trône qui vit une époque trouble (les Pirates Rouges).

Au début de l’aventure, Chevalerie est donc le Roi-servant, c’est-à-dire qu’il est celui qui héritera du trône de Subtil. Il est marié à Patience et comme bien souvent avec les lignées monarchiques, il faut un descendant à la Couronne. Subtil a eu trois enfants (en plus de sa fille mort-née), Chevalerie et Patience tentent également de faire des bébés. Mais sans succès. Et en plus d’être une grande peine pour Patience, c’est un sujet récurrent dans le Royaume, des couches les plus basses aux plus élevées. Même le grand-père maternel de Fitz, qui selon toutes les évidences vient des Montages, a son avis sur la question. Quand il remet Fitz aux soldats de Vérité, il balance hargneusement que “Le Prince Chevalerie (...) il n’a qu’à s’occuper de lui, bien content d’avoir réussi à faire un même quelque part”. Comme d’autres, Jason, un soldat fait porter la faute sur Patience et l’apparition de Fitz semble lui donner raison. Cela montre que Chevalerie n’est pas stérile (“c’est pas la faute du prince de la Couronne si sa dame Patience porte pas sa semence à terme”).

Chevalerie abdique et se rend à Flétribois vivre ses derniers jours. C’est là qu’il meurt, officiellement dans un accident de cheval. De son côté, Fitz suspecte la main de la Reine Désir. Avec sa mort, les derniers espoirs de Fitz de voir son père s’en vont. Ils étaient déjà très faibles comme le lui avait dit Umbre. On ne peut pas abdiquer et ensuite revenir à Castelcerf, même pour une visite familiale, cela créerait trop de remous. Umbre est clair : “même si le peuple tout entier le voulait, je doute qu’il aille à l’encontre du destin qu’il s’est forgé ou des désirs du roi”.
Son décès rappelle à tous l’existence de Chevalerie et de son bâtard, elle jette sur eux une lumière dont Fitz se serait bien passé, tout comme ceux qui sont réellement attristés par son décès. Burrich, son plus fidèle ami, parvient à passer au-delà des critiques même si “ceux qui pleuraient sincèrement Chevalerie étaient regardés comme faisant preuve de mauvais goût.”
Plus tard, on apprendra que Chevalerie continuait d’échanger via l’Art avec son père et son frère, avec Subtil et Vérité. Subtil a donc pu être témoin de sa fin. Elle est brutale, elle le marque profondément et il n’a même pas le temps de lui faire des adieux : “Chevalerie a disparu comme ça, comme un murmure qui s’éteint. Père a-t-il dit, il me semble. Père”.

Subtil tenait énormément à son fils aîné. C’est peut-être pour ça qu’il n’a pas fait mettre Fitz à mort quand le gamin a été ramené à Vérité. La chose aurait pu se régler discrètement comme le voulait Royal (“C’est toujours Chevalerie qu’il préfère malgré tout. Malgré son mariage ridicule et son excentrique de femme, malgré ce gâchis avec ce gosse”). On notera d’ailleurs que Royal n’aime pas beaucoup son demi-frère, ce mépris est la conséquence de l’éducation de sa mère, elle n’a fait que lui répéter qu’il avait un meilleur sang que les deux autres,  que le trône lui revenait. Ce n’est pas donc étonnant d’entendre des mots piquants et blessants sortir de sa bouche quand il parle de Chevalerie. A ce moment-là du récit, Fitz est le seul Loinvoyant de naissance encore présent au Château et en bonne santé (Subtil est malade, Vérité est lancé dans sa quête des Anciens, Umbre est invisible). Quand Fitz ose se mêler des affaires, la répartie de Royal est cinglante, il lui rappelle qu’il est “le misérable bâtard d’un petit prince qui n’a même pas eu le courage de devenir roi-servant”.
C’est aussi cette jalousie envers Chevalerie et Vérité qui pousse Royal  à comploter et à vouloir tuer tous ceux qui se dressent sur sa route. On en a la confirmation lors de son délire final causé par la fumée dans la Reine Solitaire : “toujours à se croire supérieurs à lui alors qu’il était de plus haute lignée qu’eux et qu’il aurait dû hériter du trône en toute légitimité”.

Chevalerie a beau être absent, la personne qu’il était est bien restée dans les mémoires. Certes, pour certains, il a fauté. Mais, un trait de caractère revient dans toutes les bouches, parfois en bien. Mais aussi de façon négative. C’est par exemple la tisseuse royale qui nous dit que Chevalerie “était si rigoureusement aristocratique qu’en sa présence chacun se sentait mesquin et débraillé”. C’est ce soldat à Oeil-de-Lune qui se rappelle avoir connu le prince et en garde visiblement un mauvais souvenir et beaucoup de rancunes (“connaître le prince, ça ne voulait pas dire l’aimer (...) les règles et les cadres, c’était bon pour nous, pendant qu’il allait faire des bâtards à droite et à gauche”).

On ne peut pas parler de Chevalerie sans évoquer Burrich et Patience. Patience est devenue sa femme. Or il ne sait pas que Patience a aimé Burrich avant. Burrich a pris sur lui et est devenu ami et maître des chevaux et des animaux. Voilà un triangle amoureux presque aussi dérangeant que celui entre Fitz, Molly et Burrich (encore lui…).

Burrich : Je savais qu’elle avait cessé de m’aimer il y a des années, quand elle a donné son coeur à Chevalerie. Ça, je pouvais l’accepter : c’était un homme digne d’elle.

En ce qui concerne le mariage entre Chevalerie et Patience, c’est Umbre qui en parle le mieux. 
Ce qu’on comprend est que Chevalerie a tenu bon face à Subtil et qu’il a insisté pour épouser Patience. Les propos d’Umbre confirment cette hypothèse : “quand il l’a prise pour épouse, il a fermé la porte sur une bonne dizaine d’alliances qu’une autre femme aurait pu lui valoir. Il n’avait pas la moindre raison valable de se marier à ce moment-là.”
Il est suggéré à plusieurs reprises que l’union n’a pas du tout arrangé le trône et qu’elle a longtemps été combattue. Les Loinvoyant sont toujours dans le calcul (en tout cas Subtil et Umbre), ils voient avant tout les choses en fonction de l’influence politique et des intérêts de la Couronne, pas en fonction de vagues concepts comme l’attirance et l’amour. Subtil fera un parallèle intéressant en refusant à Fitz de courtiser Molly. Même drogué et affaibli, il a la force de lui rappeler que “tu parles comme Vérité. Ou comme ton père. Je crois qu’ils ont tété leur obstination avec le lait de leur mère”. 

Patience n’a pas eu une vie d’épouse simple. Rejetée dans le Château, elle a vu son mari aller et revenir de missions. Et il ne pouvait ou il ne voulait pas lui dire ce qu’il faisait, sans doute pour ne pas l’inquiéter et également à cause du secret royal. Elle a été humiliée en voyant le bâtard apparaître et a dû se réfugier à l’intérieur des terres. Une de ses remarques nous la montre pleine de regrets et vivant avec une culpabilité énorme sur les épaules. Au détour d’une confidence, elle dit à Fitz que “je n’aurais jamais dû le laisser abdiquer. Il serait sûrement encore en vie à l’heure qu’il est.”

Burrich a énormément d’admiration pour Chevalerie, il faut préciser qu’il lui a permis d’échapper d’une vie qui semblait misérable et vouée à se terminer rapidement. Quand d’autres pointent du doigt son attitude rigide, lui préfère se dire que c’est ça qui le différenciait des autres et faisait de lui le meilleur homme qu’il ait connu. On peut aussi penser que c’est pour ça qu’il a été enclin à sacrifier des années de sa vie pour élever un fils qui n’était pas le sien. Il en parle donc en terme élogieux : “tu as entendu dire que Chevalerie était froid, guindé et poli à l’excès ; et bien c’est faux. Il se comportait comme il pensait que devait se comporter un homme ; mieux : comme il pensait qu’un homme devait avoir envie de se comporter.” Pour autant, Burrich est capable de reconnaître les erreurs de Chevalerie. Il ne rejette pas la faute de l’abdication de son maître sur Fitz, non il est clair (“Chevalerie s’est attiré tout seul sa disgrâce, même si ça m’arrache le coeur de le reconnaître”).

A l’admiration de Burrich peut être comparée la fidélité de Galen. Il est le Maître d’Art de la Couronne, le demi-frère caché de Royal. Il vénère Chevalerie mais ce n’est pas un respect gagné par le temps ou par des actions. Non. C’est un sentiment artificiel imposé par un jeune Chevalerie et il sera incapable d’effacer ça. Cela aura des conséquences bien plus tard quand Galen formera le fils de Chevalerie et le détestera de toutes ses forces. Il le poussera même à tenter de se suicider. Galen parle crument à Fitz. On sent dans ses propos du dépit, il ne comprend pas “qu’un homme comme ton père ait pu déchoir au point de coucher avec une créature et te donner naissance”.
Ces propos trouveront leur écho avec ceux de Virilia quelques années plus tard. Cette dernière est une jeune femme ambitieuse qui tient des propos séditieux en Béarns. Subtil envoie donc Fitz pour qu’il s’occupe d’elle. Virilia est plus réputée pour ses talents de combattante que verbaux, elle arrive quand même à employer des mots qui trahissent l’étendue de son dédain (“certains verraient un signe de la dégénérescence de la lignée des Loinvoyant  dans le fait que votre père s’est glissé impur dans le lit nuptial”).

Chevalerie a des qualités. Dans les livres, elles  sont surtout exploitées pour aborder les failles de Vérité. 
Subtil dit par exemple à Vérité qu’il n’a pas “le charme de Royal ni la prestance qui permettait à Chevalerie de convaincre tout le monde qu’il était capable”. 
Umbre en est presque à regretter que ce ne soit pas Chevalerie qui ait épousé Kettricken (“ah, si ton père était toujours en vie, mon garçon, et s’ils étaient mariés, nous aurions des souverains capables de tenir le monde dans le creux de leurs mains”). En effet, Chevalerie a prouvé à maintes reprises ses talents de diplomates (il a notamment oeuvré au rapprochement avec les Montagnes) tandis que Kettricken se révèle une reine de grande qualité.
Même Ronce, un simple artiseur, se permet d’avoir un avis. Peut-être ne répète-t-il que des mots entendus dans la bouche de Royal… Toujours est-il qu’il ose dire à Fitz que “tu as le même point faible que ton père et le Prétendant ; tu es persuadé que l’existence d’un seul de ces paysans vaut la tienne”.
Tout cela ne semble pas déranger Vérité plus que ça. Il faut dire que les deux ont un lien très fort, une relation développée lors de leurs jeunes années à parcourir les terres des Six-Duchés (“les deux princes oeuvraient main dans la main à fixer les frontières, les traités et les accords commerciaux”). Vérité aurait rêvé être le second de Chevalerie, il était destiné à ça, il l’aurait appuyé dans son règne. Il avait foi en son frère : “ sais -tu comme il est facile de suivre les ordres d’un homme en qui on a confiance, Fitz ?” 
Chevalerie apparaît alors comme un homme fiable, qui tenait fortement à ses gens. D’ailleurs, Vérité aurait bien aimé qu’il soit encore vivant lors de la quête des Anciens. Le Loinvoyant s’est lancé dans une quête chimérique qui le pousse à la limite de ses forces, il est proche d’abandonner plusieurs fois. Fitz l’aidera. Et il aurait aimé plus, il aurait aimé Chevalerie (“j’ai cru que Chevalerie était revenu pour me débarrasser de ce fardeau”).

Enfin, il faut évoquer Fitz. Il n’a pas connu son père, il ne l’a jamais vu. Quand Caudron, après un échange d’Art, lui parle de sa mère, elle ne lui parle pas de son père. Fitz dit même à Burrich qu’il est son père.
Dans la Reine Solitaire, Fitz, le Fou et les autres participants de la quête de Vérité tombent sur des dragons de pierre. L’un d’entre est la Fille-au-Dragon, une sculpture magique inachevée. Fitz voit en elle un bon réceptacle de ses peines, il s’y vide donc : “prends ma douleur de n’avoir jamais connu mon père, prends les heures écoulées à regarder son portrait quand la grand-salle était vide.” Que de la déception.


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