Sur
les rives de l'Art est la première partie du dernier tome du cycle
de l'assassin royal mais aussi des Aventuriers de la mer et des Cités des Anciens. En effet, dans ce livre, nombreux sont les personnages
des différents cycles à apparaître : on retrouve bien entendu
le groupe parti à la recherche d'Abeille (Fitz, le Fou/Ambre,
Braise/Cendre, Persévérance, Lant et Bigarrée la corneille) mais
aussi les Vestrit (Althéa, Malta,…), la Reine des Pirates (Etta),
les Dragons et leurs Gardiens, Alise et tant d'autres.
L'intrigue
se déroule à présent loin des Six-Duchés et des différentes îles
du Nord car les héros voguent vers le sud. Ils font des escales dans
des lieux mythiques comme Kelsingra, Partage et Terrilville. Ils
foulent les terres et les rues où vivaient autrefois les Anciens et
rencontrent les Dragons désormais nombreux. Comme dans les
précédents tomes, la narration alterne entre Fitz et Abeille.
Nous
retrouvons donc le groupe de secours à Kelsingra, la capitale des
Anciens et le lieu où les Dragons viennent se panser et ressourcer
en Argent. Fitz, imprudemment, a corrigé des erreurs physiques de
certains enfants présents là-bas. Alors qu'il menaçait de se
perdre dans l'Art extrêmement fort à Kelsingra, Ambre n'a pas eu
d'autre choix que retirer son gant et dévoiler des bouts de doigts
tâchés d'Argent. Cela entraîne la virulente réaction du Gardien
Kanaï (un personnage fort plaisant dans ce tome grâce à ses
manières et son attitude). Pour dissiper le malaise et apaiser la
tension, Fitz et le Fou n'ont pas d'autre choix que d'invoquer des
souvenirs du passé ; par exemple, Ambre explique à tous
l'origine de l'Argent sur ses doigts (« La magie que j'ai sur
les mains est la même que celle dont le roi Vérité me fit don par
accident ») : elle fait référence au moment où dans la
carrière aux dragons de pierre elle a touché par inadvertance un
Vérité couvert d'Argent.
Dans
ce livre, Fitz continue à être un personnage tourmenté par la
disparition de sa fille. Nous mesurons à quel point les pertes
successives de Molly et d'Abeille ont changé sa vie.
Molly
est morte il y a déjà des années et elle continue de le hanter. Il
était amoureux d'elle, plein de désir et d'attention (« Les
hommes du domaine étaient fiers de lui. “Le vieil étalon n'a pas
perdu sa fougue”, ils disaient. Dans son bureau, dans les jardins,
dans les vergers »).
On
se souvient qu'à la fin d'Adieux et retrouvailles le Fou a décidé
de quitter Fitz et de lui offrir des années de bonheur avec celle
qu'il aime depuis l'enfance. Fitz s'y était fait (« Ma vie
était belle, Fou, et j'aurais voulu qu'elle dure toujours ;
j'aurais voulu vieillir et mourir avec elle dans mon lit ») :
ce fut une vie loin des intrigues politiques, des assassinats, des
demandes irraisonnables du Roi.
Quant
à son lien avec le Fou, il est, comme toujours depuis l'épisode
Sire Doré, soumis à interrogation. Fitz découvre une nouvelle
facette, Ambre. Quand il dit « Vraiment. Je n'aime pas le
personnage que tu deviens quand tu joues le rôle d'Ambre ;
c'est quelqu'un que je ne voudrais pas comme amie. Elle est…
sournoise. Fourbe », on est soulagé qu'il ait rencontré le
Fou alors qu'il n'était qu'un bouffon en quête d'amitié comme lui.
Ambre se montre prête à tout pour arriver à ses fins, encore plus
que le Fou. Elle ne se contente plus de manipuler la vie de Fitz mais
celle de tous les autres, quitte à les tromper.
Mais,
le grand moment reste la confrontation entre Fitz et la vivenef
Parangon. C'est une rencontre qu'on attend depuis qu'Ambre, dans les
Aventuriers de la Mer Ambre, a sculpté sur la figure de proue le
visage de son ami. Fitz et les autres sont témoins de l'amour porté
par le Fou (« Douce Eda, Fitz, il a votre visage ! Jusqu'à
votre nez cassé », Lant).
Pour
ceux qui n'ont pas lu les Cités des Anciens, on apprend aussi pas
mal de choses sur les dragons ; Kanaï nous rappelle que
« quand un serpent se transforme en dragon, il se
réveille avec les souvenirs de ses ancêtres ; il sait où
chasser, où nidifier, il se rappelle les noms et les événements de
sa lignée – enfin, en principe. Nos dragons sont restés trop
longtemps sous leur forme de serpent et pas assez dans leurs cocons,
et ils ont éclos avec une mémoire incomplète ». C'est
important car si la trame du livre est la vengeance de Fitz, on va
vite se rendre compte qu'il se fait des alliés dans sa mission.
Il
est beaucoup question de vivenef dans le roman. Ils s'en servent pour
remonter le fleuve et ses eaux particulières (à part Fitz et
Oeil-de-Nuit, personne ne l'a jamais fait à pieds). Ils passent
devant la ville de Cassaric (« c'est
là que vivent des traîtres, des gens qui ont trahi la tradition
Marchande sans jamais en subir les conséquences ; des gens qui
ont donné abri à ceux qui voulaient massacrer des dragons pour
récupérer leur sang, leurs os et leurs écailles »)
où c'est l'occasion de faire un point sur les péripéties des
Gardiens. Dans les Cités des Anciens, les Marchands avaient embauché
les rebuts de la société pour transférer les pathétiques dragons.
Mais, leur route avait été semée d'embûches et de dangers. Aux
eaux acides s'ajoutaient les attaques de ceux qui voulaient du sang
des dragons pour allonger leur durée de vie. Les
vivenefs avaient donc joué un rôle important en permettant de
voyager et distancer les poursuivants.
Les
gens de Cerf s'interrogent sur la nature de ces bateaux : Cendre
remarque les petites particularités qui le font
si bien naviguer, Fitz communique même avec. Le Fou précise que
« ce n'est pas une
création des hommes ni des constructeurs navals. Chaque vivenef
était à l'origine destinée à devenir un dragon, et certaines s'en
souviennent mieux que d'autres. Ces bateaux sont vivants, Fitz ».
Puisque
les vivenefs sont de potentiels dragons coincés dans une enveloppe
de bois, il n'est pas étonnant de les voir enclins à vouloir se
venger. Il faut préciser qu'une lutte a opposé les Dragons et les
Anciens aux gens de Clerres. C'est pour ça que les Dragons ont
disparu, qu'un Glasfeu à
bout de souffle a décidé de se cacher dans un glacier d'Aslevjal.
Parangon
dit clairement à Fitz que «
ta vengeance est aussi une vengeance de dragon ». La
Reine Tintaglia, toujours aussi majestueuse et imposante, se lance
aussi dans ses propres quêtes. Au début du roman, un Fitz téméraire
lui demande des explications. Il veut savoir si elle ou les autres
dragons ont entendu parler de Clerres et des Serviteurs.
Malheureusement, sa mémoire est incomplète et elle doit aller
chercher des renseignements auprès de Glasfeu. Tintaglia retrouvera
donc Fitz et ses amis à Partage (la capitale des Îles Pirates). Là,
elle l'informe sommairement que Clerres sera détruit par les Dragons
et que si Fitz veut trouver sa fille, il ferait mieux de se dépêcher.
Kanaï
nous dévoile
une partie du passé car les
Dragons, surtout Tintaglia, ont tendance à consacrer peu de temps
aux humains, à manger et dormir avant tout.
Il dit à l'assemblée
réunie (Fitz, le Fou, Etta, Althéa, etc.) que « FitzChevalerie
n'est pas le seul à qui les Serviteurs ont fait du mal ; leur
préjudice envers nous est bien pire ! De connivence avec les
Abominations, ils ont pillé la plage de nidification, volé des œufs
de dragon et tué ou emprisonné les serpents nouveau- nés ! ».
A ce stade du récit, il
revient en mémoire le début des Aventuriers de la Mer (le périple
de Kennit).
On
apprend aussi que les Serviteurs avaient connaissance d'un
tremblement de terre qui allait frapper les Rivages Maudits et n'en
ont pas informé les Anciens. C'est un passage important du récit
car il justifie la haine
entre les Dragons et ceux de Clerres ;
dans le tome Adieux et retrouvailles (le dernier de la Tawny Man
trilogy), Prilkop et le Fou décident de retourner dans leur ville
natale afin de rendre compte de tout ce qu'ils ont vu et de tout ce
qu'ils ont contribué à changer.
C'était
la tradition avant, Les
Serviteurs servaient alors
que maintenant ils ne servent que leurs intérêts. Les Quatre (qui
dominent Clerres) ne pensent qu'à s'enrichir, engranger du pouvoir
et tourner le cours des choses pour leur propre bien. On
a vu dans les précédents tomes qu'ils ont torturé et manipulé le
Fou, on sait qu'ils ont tout fait pour qu'il ne trouve pas son
Catalyseur, on apprend que la Femme Pâle a été envoyée pour
détruire le dernier Dragon mais aussi éradiquer le reste de magie
des Anciens (l'Art des Loinvoyant).
Vindeliar,
un des hommes qui a participé à la destruction de Flétribois et à
l'enlèvement d'Abeille, l'affirme clairement : « Clerres
est le cœur du monde, et les battements du cœur du monde doivent
toujours rester réguliers ».
Toutefois,
les choses ont changé : le Fou a trouvé son catalyseur et a
fait revenir les Dragons. Et en passant, il a contribué à la chute
de la Femme Pâle. Il s'est alors créé là une ennemie :
Dwalia (« Elle était
jadis respectée en tant que servante à la disposition d'une Blanche
hautement considérée ; elle avait vu sa maîtresse envoyée
accomplir de grandes choses dans le monde. Mais, lorsque la femme
avait échoué et chu, la fortune de Dwalia avait péri avec elle »).
Il n'est donc pas étonnant de la voir tout mettre en œuvre pour
détruire et anéantir la vie de Fitz et du Fou.
Abeille
traverse une période extrêmement difficile. Elle est prisonnière
d'un groupe où elle est maltraitée, attachée et frappée. Leur
voyage se complique car ses ravisseurs ont peu de moyens et semblent
mal préparés après que certains de leurs compagnons aient été
tués par Fitz et les autres. Ils voyagent par piliers d'Art (où ils
sont parfois coincés sans aucune intimité), bateaux (où Dwalia
doit monnayer son corps) et à pieds. Abeille parvient parfois à
s'échapper mais elle est toujours rattrapée, il lui arrive de
mendier pour manger. Elle doit cacher ses rêves récurrents,
protéger son esprit et éviter les intrusions de Vindeliar.
Heureusement, elle peut compter sur la présence de père Loup
(Oeil-de-Nuit) pour lui donner de précieux conseils (« chaque
fois qu'un choix s'offre à toi, tu dois suivre la voie qui te garde
en vie et indemne. Les regrets ne servent à rien »).
Quand
le petit groupe cherche à fuir Chalcède, ils parviennent à monter
sur un bateau à destination de Clerres. Là, on est témoin d'une
émotion particulière que Vindeliar éprouve pour Abeille, il la
considère comme son « frère ». Il lui apprendra,
volontairement ou non, beaucoup de choses sur Clerres. Et il la
protégera comme il le peut de l'appétit sexuel des matelots. Grâce
à ses capacités en Art, il jettera un voile obscur sur Abeille, la
présentant comme pas désirable : « pour qu'ils te
laissent tranquille ; sur le bateau d'avant, il y en avait qui
te regardaient et qui avaient envie de… qui avaient envie de ce
qu'il fait à la pauvre Dwalia. »
Enfin,
une autre menace semble peser sur Clerres. Nombreux sont les
personnages, les situations où il est fait mention d'un Destructeur
venant d'ailleurs. Comment cela va-t-il s'intégrer avec la vengeance
de Fitz et des Dragons ?
Sur
les Rives de l'Art nous plonge aussi dans quelques événements
passés. Il jette un regard nouveau sur ceux-ci. C'est par exemple la
difficulté de Fitz à concentrer son talent d'artiseur à Kelsingra
qui entraîne une discussion avec le Fou où ils font référence à
Auguste Loinvoyant (le cousin de Fitz) dont l'Art a noyé l'esprit.
Ou de Vérité qui n'a pas su résisté à l'appel de l'Art et s'est
perdu dans la construction d'un dragon.
Dragons
et vivenefs sentent que Fitz a été marqué par un dragon inconnu
(le dragon de pierre Vérité), il y a de nombreuses allusions à ce
propos.
Il
est aussi fait mention du vieux Roi Subtil. On apprend que c'est
grâce au Fou que Subtil n'a pas sacrifié Fitz à Royal. On en
découvre aussi un peu plus sur l'arrivée du Fou à Castelcerf, la
façon dont Subtil et lui ont tissé des liens, l'appréhension du
Fou au début (« Il me protégeait, Fitz. Il lui a fallu des
mois pour gagner ma confiance, mais, à la fin, quand la reine Désir
voyageait et que je dormais près de la cheminée, je me sentais en
sécurité »).
Ortie
est également évoquée. Tintaglia revient à Kelsingra et s'étonne
de trouver ceux qu'elle a marqués changés. Elle demande donc des
comptes et Fitz lui répond. Il en profite pour lui demander un
service et la Dragonne le prend de haut. Il lui rappelle qu'elle est
redevable (le sauvetage de Glasfeu) et la conversation dévie sur
Ortie. Tintaglia s'en rappelle très bien. Elle grogne que « ce
n'est pas un moucheron, celle-là ; c'est un taon, un taon qui
pique, qui bourdonne et qui suce le sang… » Une description
bien flatteuse de la part d'un Dragon.
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