Devon est un matelot qui a côtoyé la famille Vestrit et en particulier Althéa. Pour le lecteur, il laisse une sensation désagréable car tout laisse à croire qu’il a abusé sexuellement d’Althéa, qu’il a profité de sa naïveté. C’est d’autant plus marquant, et presque dérangeant, parce qu’Althéa, pendant un long moment, ne voit pas les choses de cette façon. Pour la jeune femme, elle a fait les choses de son plein gré et Devon n’a pas profité d’elle. Alors, est-ce réellement le cas ?
Plus que son apparence physique, Althéa est attirée par le caractère de Devon, ce qui se dégage de lui. Dans un mode assez dur, celui de la navigation, il lui offre un rayon de soleil et des sourires. D’une certaine façon, il est un miroir à l’adolescence d’Althéa (« il avait toujours le sourire ou la plaisanterie aux lèvres, même quand tout allait mal. Il n’avait peur de rien, il était prêt à courir n’importe quel risque »). Comme beaucoup de jeunes hommes qui cherchent à prouver leur valeur, Devon se montre donc intrépide. Althéa voit cela de façon positive, elle ressent un frisson d’excitation en le regardant évoluer sur le bateau.
Or, tout le monde n’a pas cette vision des choses ; ainsi, c’est le cas d’Ephron Vestrit qui dit que « ce serait le meilleur élément du navire s’il avait un peu de bon sens (…) et il ferait un bon second s’il savait seulement quand il faut avoir peur ». On peut voir là un compliment caché : même si Devon prend parfois des risques inutiles, il reste un élément compétent. Ce n’est pas n’importe qui pense ça : ce n’est pas uniquement le capitaine, c’est aussi et surtout le père d’Althéa, un homme en qui elle a confiance.
De plus, l’allure de Devon ne gâche rien : « j’avais quatorze ans, et Devon était beau comme un dieu, avec ses yeux gris ».
Ce qui doit arriver arrive. Les deux se rapprochent et flirtent. Althéa se montre intéressée et Devon voit là une opportunité. Il ne se prive pas, il ne perd pas de temps pour agir. Il se comporte de façon que l’on pourrait penser brusque. Althéa se rappelle qu’« il m’a fait me pencher en avant, il a relevé mes jupes, baissé ma culotte… et il m’a prise là, comme ça. Penchée sur un panneau de cale ». Le lecteur pourrait trouver ça limite… ce n’est toujours pas le cas d’Althéa des années après. A Brashen à qui elle se confie, elle raconte que « ce n’était pas un viol. Il ne m’a pas forcée. Je n’y connaissais rien, mais j’étais sûre d’être amoureuse ». Les choses sont claires : Althéa a aimé son expérience, il n’y a pas eu d’abus, Devon n’a pas profité d’elle.
Devon, lui, a une réaction qui peut s’interpréter différemment. Quand il dit que « j’espère que tu te souviendras de ce soir toute ta vie, Althéa. Moi, je ne l’oublierai pas, je te le promets », on peut penser sa fierté à avoir donner du plaisir à Althéa. On peut aussi supposer un contentement à avoir dépuceler la fille de son capitaine. On peut aussi se dire qu’il pense qu’Althéa se rappellera toute sa vie de sa première fois, et donc de Devon.
En tout cas, tout laisse à croire que Devon craint la réaction d’Ephron si jamais la chose se sait car il disparaît immédiatement après. Althéa se souvient qu’« il est descendu aux quartiers de l’équipa, il en est ressorti avec son sac (…) il a quitté le navire. Je ne l’ai jamais revu ».
Méfait accompli ?
Brashen pense que c’est le cas. Il avance l’idée qu’il « s’était vengé de votre père en vous possédant ». D’une certaine façon, un Devon excédé par les remarques d'Ephron sur son comportement aurait décidé de coucher avec la fille du capitaine. Il aurait ainsi eu ce qui est le plus important pour Ephron. Notons que Brashen, amoureux d’althéa, peut aussi être jaloux de Devon.
Avec le temps, le souvenir d’Althéa se modifie : « je n’en gardais qu’un souvenir de… d’écartèlement, d’un peu de douleur, et d’humidité, rien d’autre ». Mais, ce qui va faire tout basculer est le viol commis par l’infâme Kennit. On se rend compte que le plaisir a été inexistant, que Devon s’est servi d’elle et préoccupé uniquement de son propre désir. Les mots sont clairs : « Devon l’avait prise de la même manière, en pesant si fort sur elle qu’elle était incapable de respirer ! » Tout laisse donc à croire que l’acte sexuel a été finalement une agression.
La chose devient irréfutable quand un autre acteur entre en jeu : une vivenef. Navire anciennement dragon, la vivenef Vivacia est capable de lire en Althéa. Elle peut percevoir les choses qu’elles se cachent. Son jugement est net : « Devon t’a causé un grand préjudice, Althéa. Et ce n’était pas ta faute. Jamais ce n’a été ta faute ».
Le verdict est clair. Althéa a bien été abusée par Devon. Il lui aura fallu de longues années pour le comprendre et l’admettre. Il lui aura fallu subir le viol de Kennit pour que se réveillent en elle des cauchemars paralysants.
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