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mardi 2 avril 2024

[Le soldat chamane] La situation des femmes à Guetis

Lorsque Jamère finit par arriver à Guetis, au bout du monde, il trouve une ville au bout du rouleau. L'ambiance est pesante, les habitants ont un moral très bas. Pire, la route royale ne progresse pas. Jamère parvient à se faire embaucher dans la garnison militaire en place et devient responsable du cimetière.

Jamère n'est pas le seul à se retrouver dans cette ville éloignée de tout. Spic, un camarade d’École, et sa femme, Epinie, y sont également. Soldat, Spic s'y connaît en maintien de l'ordre est capable de repérer les signes précurseurs d'une situation qui va dégénérer. Quand il discute avec Jamère, on comprend qu'aucune femme n'est à l'abri, peu importe son statut social. Il raconte qu'il «  y a eu un viol hier soir (…) c'est la sœur du lieutenant Garvert, venue s'occuper des enfants de son frère, parce que son épouse avait succombé à la peste. Quelques enrôlés l'ont surprise dans la rue et... bref, ils l'ont laissée pour morte ensuite ». Ce sont donc des soldats qui ont abusé, violé la femme. Ils se sont sans doute crus intouchable grâce à leur statut. Guetis est donc une ville hostile pour les femmes et pour tous les habitants. Il faut veiller à sa propre sécurité tout en luttant contre l'abattement et des épidémies de peste.

La hiérarchie militaire est au courant que quelque chose ne va pas parmi les soldats. Le sergent Hostier affirme que « c'est triste à dire, mais une femme ne doit pas se promener seule dans les rues de Guetis ; certains des hommes de troupe n'ont pas plus de manière que des sauvages ». Le constat est fait mais il ne semble pas faire beaucoup de choses pour lutter contre. Il y a presque une fatalité qui s'abat sur les femmes qui mériteraient tout ce qui leur arrive. A sa façon, un barbier de la ville résume les choses : «  sa femme l'avait quitté pour un militaire, et, quand celui-ci l'avait plaquée, elle était devenue prostituée. Je pouvais sans doute me l'offrir (…) si j'avais un penchant pour les traînées sans cœur ».

Amzil, une femme que Jamère apprécie énormément, ne dit pas autre chose sur l'état de la ville : « on m'a répondu qu'il y avait non seulement des prostituées mais aussi des femmes honnêtes qui se faisaient attaquer et violer ».

Tous n'ont pas baissé les bras. Certains tentent de lutter contre ce qui se passe. Epinie est l'une d'entre elles. Elle avait été habituée à une belle vie, vivant à la capitale. Arriver à Guetis a été un choc pour elle et après un moment plus que compliqué, elle est parvenue à prendre les choses en main.Son mari, Spic, explique qu' « elle donne une espèce de réception chez nous, où elle a invité des femmes de tout Guetis pour discuter de l'amélioration de leur situation ». C'est un fait intéressant qui montre que les femmes ne comptent pas et ne peuvent pas compter sur le pouvoir militaire en place. Si elles veulent que la situation change, elles doivent agir.

Epinie propose aux femmes d'être solidaires les unes avec les autres. Elle met en place une action simple : un coup de sifflet équivaut à une femme en danger. Et dès, comme le dit Amzil, « quand on a un sifflet, on doit promettre de tout laisser tomber si on en entend un et de courir aider celle qui est en danger ».

Jamère détonne son apparence. Son obésité attire rires et moqueries. Le fait qu'il habite seul dans le cimetière intrigue. Quand il se rend en ville, on suppose que c'est pour courir les prostituées et ses manières effraient. Clara Gorlin le prend à partie : « c'est à cause d’animaux comme vous que les femmes de cette ville doivent porter des sifflets et sortir à deux en plein jour pour assurer leur sécurité ». La chose semble efficace car quand Carsina, une femme à qui Jamère veut parler, est dérangée par sa présence, les secours arrivent rapidement (« une petite femme en tablier blanc abattit un balai sur mon dos »).

Les livres mettent l'accent sur la situation globale des femmes à Guetis ; ils mettent en avant quelques situations périlleuses.

Guetis a failli détruire une femme comme Epinie. Ce qu'on sait d'Epinie est qu'elle une femme curieuse, pleine d'entrain et de vie, très courageuse.Or, Epinie subit la magie du découragement et de l'abattement qui semble venir de la forêt. Spic abonde : « elle est forte, mon Epinie. Pas physiquement, certes , sa santé a pâti de notre installation à Guetis, et comme tout le monde, elle subit l'accablement qui souffle de la forêt ». La situation semble d'autant plus problématique qu' « Epinie a tenté de se suicider quelques semaines après notre arrivée ». Autrement dit, Guetis a presque étouffé la joie de vivre de la jeune femme, et l'a laissée honteuse et déçue d'elle-même.

Le cas de Fala, une jeune prostituée, est également intéressant. Vivant dans un bordel, elle subit jour après la la crasse et la saleté des hommes qui la convoitent. Contre toute attente, quand Jamère cherche une femme avec qui coucher, elle se propose. Jamère la traite délicatement et lui offre un intermède paisible dont elle profite (« Reste un peu. Je ne veux pas que mama Mogga m'oblige à ramener un autre homme ici ; pas tout de suite »).

Mais, peu après sa rencontre avec Jamère, plus personne n'a de nouvelles de Fala. La responsable du bordel accuse Jamère : « tu te pointes dans mon établissement, tu passes toute la nuit avec une de mes filles, elle disparaît de la nature, et toi tu ne reviens jamais la voir ». il s'avère que Fala a été tuée assez violemment (« on avait découvert son corps sans vie ; on l'avait étranglée avec une lanière de cuir et jetée dans un tas de vieille paille derrière l'écurie »). Fala donc été traitée sans ménagement, comme une vulgaire carcasse. Toute sa vie n'a été que violences. Son existence a suscité bien peu de compassion et de considération.

Carsina était la femme qui était promise à Jamère du temps qu'il était un jeune homme à la belle allure. Quand elle l'a vu revenir gros, elle l'a rejeté et leurs chemins se sont séparés. Mais, le destin les a fait se retrouver à Guetis. La première rencontre effraie Carsina : elle « se tenait dos à moi, tremblant comme de terreur, les doigts crispés sur le mouchoir qu'elle plaquait sur ses lèvres ». Il est difficile de savoir ce qui la rebute le plus : Jamère ou la ville.

Carsina meurt lorsqu'une vague de peste s'abat sur Guetis. Elle est infligée par les Ocellions qui voient là une occasion de lutter contre la route royale qui doit détruire la forêt.

Une nuit, le corps de Carsina émerge de sa tombe et retrouve Jamère. Pour ce dernier, cela ne peut être que la conséquence de la magie. Pour d'autres, c'est la perversité de Jamère qui est à l’œuvre, d'autant plus qu'il avait été vu importuner Carsina plusieurs fois. On suppose donc qu'il a voulu violer son cadavre : « on a trouvé le corps de Carsina dans ton lit. Elle avait la chemise de nuit, retroussée jusqu'à la taille ». C'est un acte affreux pour lequel Jamère est condamné à mort. Le procès est également l'occasion pour les femmes de la ville de laisser exprimer toute leur colère et frustration. Il est décidé de faire de Jamère un exemple : « nous demandons qu'avant son exécution il reçoive mille coups de fouet, afin que ceux qui voudraient perpétrer des actes aussi ignobles sur des femmes sans défense voient de leurs yeux le châtiment qui les attendrait ».

Condamné à mort, Jamère n'est pas le seul à subir les foudres d'une foule en colère. Quelques uns sont convaincus qu'Amzil est sa femme et pensent qu'elle doit payer aussi. Elle est menacée d'un viol collectif (« on déchira sa robe et l'on exposa sa poitrine à la nuit et aux attouchements brutaux des soudards égrillards »).

Les femmes de Guetis sont donc harcelées, en proie à une violence quotidienne et répétée. Elles ne peuvent même pas chercher une protection auprès des forces militaires qui participent aux exactions. Il faudra une Epinie pour leur permettre commencer à redresser la tête.

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