Les dragons ont changé la donne. Tintaglia, dès son arrivée, a fait comprendre aux humains que leurs petites affaires ne comptaient pas beaucoup, qu'ils devaient cesser leurs mesquineries pour la servir. Bien avant, le dragon d'Art et de pierre de Vérité avait déjà été un avertissement : il avait réinventé la façon de faire la guerre en permettant à un protagoniste de dominer les airs et répandre la mort. Vérité le dragon ou Tintaglia ont marqué les esprits et leurs époques. Certains sont même fascinés ou en extase devant ces superbes créatures ; c'est le cas de Selden Vestrit qui en parle souvent avec des termes flatteurs. Lorsqu'il se rend à Castelcerf pour demander l'aide de la reine Kettricken contre Chalcède, il croise Fitz. Cette rencontre est intéressante car, comme d'autres avant lui, Selden sent que Fitz est un être à part. Là où d'autres voyaient en Fitz un catalyseur, Selden s'interroge sur son lien avec les dragons : « avez-vous déjà rêvé de dragons ? De voler comme un dragon ou de... d'être un dragon ? » Ce ne sont pas des interrogations anodines : elles font écho avec ce que disait le Fou.
Le Fou a toujours eu du mal à expliquer à Fitz clairement ce qu'il était. Fitz était bien trop terre à terre pour assimiler des choses qui dépassaient l'entendement. Il n'est donc pas étonnant de le voir perplexe lorsque le Fou lui dit qu'il est en partie dragon/Ancien : « peut-être qu'il y a du dragon en toi, du sang d'Ancien qui remonte à très longtemps ». Il faut noter que le Fou associe dragon à Ancien ; la chose est logique tant les deux semblent liés (les Anciens servent les dragons).
Ce sont les romans de la trilogie du Fou et de l'assassin qui répondront à la question du lien entre Fitz et les dragons.
Fitz a l'Art qui peut être vu comme un dérivé de ce qui unissait les Anciens et les dragons. Il a également manipulé de l'Argent, ce liquide si précieux dont se servent les dragons pour se restaurer et se soigner.
De plus, Fitz était là quand Vérité s'est transformé en dragon. Il a grandement participé à l'éveil de la créature en prêtant son corps à ce roi qui ne monta jamais sur le trône (« il s'était servi de l'Art pour s'emparer de mon corps »). Mieux, quand Vérité est revenue se reposer dans la carrière après avoir ravagé les îles d'Outre-Mer, c'est Fitz qui a nettoyé le dragon de pierre. Il a même pleuré l'homme qu'il aimait grandement et qui ne lui répondait pas. Le lien entre Fitz et Vérité était fort, et il y a fort à parier que Vérité a marqué Fitz comme étant son Ancien. En tout cas, du point de vue de Fitz, on sent bien la fascination, le respect et l'admiration : « je m'étais avancé en direction de Vérité-le-dragon à pas lents, mon cœur cognant dans la poitrine ; là, dans une enveloppe taillée dans l'Art et la pierre, dormait l'homme qui avait été mon roi ».
Pour les humains, le lien ne sent pas. Même ceux qui ont l'Art ne peuvent se douter que Fitz se sent si lié à Vérité. Ce n'est pas le cas des dragons que Fitz rencontre dans le roman Sur les rives de l'Art. Ils perçoivent tous tout de suite la particularité de Fitz. Ils lui demandent des comptes.
Tintaglia le questionne deux fois : « tes liens avec ce monde sont puissants, petit humain ; il y a quelque chose chez toi.... et pourtant tu ne portes pas les marques d'un dragon que je connais. Comment est-ce possible ? » et « je ne reconnais pas dragon qui t'a marqué ; plus tard, peut-être il devra me rendre des comptes pour ta forte tête ». Ne pas savoir qui est ce dragon ne peut qu'étonner Tintaglia puisqu'elle connaît tous les dragons vivants à ce moment là, les dragons de Kelsingra ou Glasfeu.
Gringalette partage ce doute. Kanaï rapporte ses propos à Fitz : « Gringalette dit que vous sentiez comme si vous aviez un dragon comme compagnon, mais un dragon qu'elle ne connaît pas ». La vivenef Mataf (on apprend dans cette trilogie que les vivenefs sont des dragons emprisonnés) ressent la même chose (Leftrin : « ma vivenef est... Je dois vous poser une question : appartenez-vous à un dragon ? »)
C'est justement Mataf qui permet à Fitz de comprendre de quel dragon il s'agit. Quand elle dit (« tu l'as touché avec tes mains, n'est-ce-pas ? Tu l'as toiletté »), Fitz fait immédiatement le lien avec Vérité. Cette déclaration pousse Fitz à réfléchir. Il se demande si le dragon d'Art et de pierre est un réel dragon, un dragon comme Tintaglia et les autres. C'est difficile pour lui d'assimiler cela car en rendant visite à Vérité le dragon, il n'a trouvé qu'une statue de pierre insensible à son Vif et à son Art. En tout cas, il sait dorénavant qui est son dragon : « Vérité ! (…) les dragons de chair et d'os considéraient-ils vraiment Vérité comme un des leurs, capables de me faire sien ? J'avais balayé les feuilles mortes de son échine ; était-ce ce toilettage que la vivenef avait perçu ? »
Être marqué par un dragon lui donne une légitimité et du respect auprès des dragons. Mataf proclame que « je te transporterai jusqu'à Trehaug ; mais c'est ta volonté de t'y rendre : je ne mêle pas des affaires d'un humain touché par un dragon ».
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