Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

Article épinglé

Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

dimanche 30 octobre 2022

La forgisation

La guerre entre les Pirates Rouges et les Six-Duchés n'est pas une guerre conventionnelle, ce ne sont pas deux armées qui s'affrontent. S'il y a quelques batailles navales, la principale partie des dégâts se fait sur les terres duchéennes. Dans un premier temps, les Pirates Rouges surprennent en utilisant une technique qui sera appelée plus tard la forgisation. Les dirigeants du Royaume sont donc surpris : ils font face à quelque chose qui les dépasse, qu'ils n'ont jamais vu de leur vivant. D'ailleurs, même la première demande de rançon est énigmatique. Elle laisse Umbre et Fitz dans l'expectative. Quand ils lisent que « ils exigent de l'or, beaucoup d'or, sans quoi ils renverront les otages dans leur village », ils ne savent pas comment réagir. Ils pensent même que le message a été mal retranscrit. Très vite, la réalité les rattrape. Elle est terrible, brutale : la forgisation change les habitants en des êtres égoïstes qui ne pensent qu'à faire de mauvaises choses. C'est un lent poison qui se répand dans les terres : les gens voient leurs proches commettre les pires délits et n'avoir aucun regret, aucun remords. Pire, il n'y a aucune façon de les guérir ou de les faire revenir à leur état normal. On ne peut que les tue. Dans ses écrits, Geairepu résume ce qu'est la forgisation : elle « constitue peut-être l'arme la plus efficace que les Outrîliens employèrent contre nous pendant la guerre des Pirates Rouges. Si la technique nous en reste inconnue à ce jour, les effets n'en sont que trop familiers à beaucoup (…) ils avaient perdu tout sens moral, ne songeaient plus qu'à satisfaire les besoins immédiats et n'hésitaient pas à voler, tuer, et violer pour y parvenir ». Comment des gens, à qui rien ne semble être arrivé en apparence, peuvent se comporter ainsi ? Que se passe-t-il entre le moment où ils sont capturés et celui où ils sont renvoyés chez eux ?

La forgisation se rapproche un peu de ce que les dragons de Vérité ont infligé en purifiant Cerf, les Duchés et en portant la guerre sur les îles d'Outre-Mer. Fitz, en regardant passer les dragons de pierre et d'Art, disaient qu'ils sentaient leurs souvenirs s'effacer de lui. Cela semble être une sorte de forgisation allégée, on comprend que la magie y joue un rôle. Il est écrit que les « Anciens qui nous vengèrent dans les îles d'Outre-Mer survolèrent fréquemment cette terre d'îles, et, si de nombreux Outrîliens finirent dévorés, beaucoup d'autres perdirent leurs souvenirs et leurs sentiments dans les ombres qui passèrent et repassèrent sur eux, et ils devinrent des étrangers froids et insensibles à leur propre race ». D'ailleurs, on pouvait se doter que les dragons de pierre et d'Art changeaient profondément les gens. S'il n'était pas agressif, Vérité devenait de plus en plus froid et distant au fur et à mesure que son dragon progressait. La naissance du dragon de Vérité mène à une réflexion de Fitz : « Vérité s'évapora, Caudron s'évapora. Pour mon Vif et mon Art, ils cessèrent autant d'exister que s'ils avaient été forgisés ». Il est intéressant de noter que les forgisés ne peuvent être perçus par ces deux magies de la vie (le Vif et l'Art). Les forgisés semblent avoir perdu toute essence, toute étincelle. Pourtant, ils sont bien vivants : ils mangent, ils tuent, ils agressent, ils parlent parfois.

L'histoire entre les Sic-Duchés et les Pirates Rouges est ancienne. Il serait injuste de réduire les Pirates Rouges à des barbares, à des gens sans éducation, non civilisés. Ils sont cultivés, capables d'apprendre. On peut alors émettre une hypothèse en pensant qu'ils ont fouillé de vieux manuscrits venus d'un peu partout pour acquérir cette technique (« ce qu'un peuple sait, un autre peut le découvrir. Les Outrîliens avaient des érudits et des sages (…) et ils étudièrent toutes les mentions de dragons qu'ils purent trouver dans les manuscrits anciens »). On note une nouvelle référence aux dragons.

Des dragons donc. A la fin de l'assassin royal (la première partie), les seuls dragons que nous connaissons sont les créatures de pierre et d'Art. Ce n'est pas une pierre quelconque, c'est une pierre façonnée par l'Art. C'est une pierre remarquable que l'on rencontre sur la Route d'Art, dans la carrière et dans le parc. C'est donc une pierre spécifique. Quand les dragons vengent les Six-Duchés, on se rend compte que les Pirates Rouges en avaient : « une seule Nef blanche s'échoua sous les assauts des Anciens lorsqu'ils nettoyèrent Cerf (…) on ne découvrit dans les cales que de vastes blocs de pierre noire et luisante, dans lesquels étaient enfermés, à mon avis, la vie et les sentiments des habitants forgisés des Six-Duchés ». On peut raisonnablement penser que les captifs étaient traînés à bord de la nef, forgisés puis débarqués. L'expérience du bateau blanc n'est jamais réellement décrite mais, avec Fitz, on a un bel exemple de ce que cela peut faire. Fitz est doué de l'Art mais il est mal formé, il se contrôle mal et se protège encore plus mal. Alors qu'il navigue à bord d'un bateau, il croise le bateau blanc et un étrange homme et il y vit une expérience traumatisante : « le monde entier s'était tu et immobilisé. Plus de mouettes, plus de poissons dans l'océan, plus de vie nulle part à portée de mes sens internes (…) J'étais seul. C'était une solitude immense pour être trop supportable ».

Après la libération de Glasfeu par Devoir et la destruction des lieux de la Femme Pâle, les gens des Dix-Duchés font le point sur la situation. Ils essaient de comprendre le mécanisme de la forgisation ; en effet, des soldats ont été forgisés puis ont retrouvé leurs esprits quand le dragon de pierre Kebal Paincru a été vaincu (« le jeune garde était incapable d'expliquer de façon rationnelle comment on l'avait forgisé ; le dragon y jouait un rôle, mais chaque fois qu'il essayait d'aborder ce sujet, il se mettait à trembler si violemment »). On peut penser que la forgisation servait à nourrir le dragon pour qu'il prenne vie. Les forgisés n'étaient donc pas uniquement voués à répandre le malheur chez eux mais aussi à permettre d'accomplir quelque chose de plus grand.

De façon plus terre à terre, la Femme Pâle utilise la forgisation comme un moyen de pression et comme un outil pour faire du mal, détruire. Fitz est témoin du mécanisme de forgisation en voyant son plus cher ami, le Fou, être forgisé. On lit qu' « on l’enchaîna au dragon par les chevilles et les poignets ; en se tenant à demi accroupi, coudes et genoux écartés, il parvenait à éviter le contact avec la pierre assoiffée (…) tôt ou tard, il s'écroulerait contre la créature qui boirait une part de son essence. Le Fou affrontait une lente morte par forgisation ». Il semblerait presque que la pierre a sa propre volonté, en tout cas un fort pouvoir d'attraction.

Si elle n'est pas issue du peuple des Outrîliens, la Femme Pâle leur a permis d'utiliser la forgisation. Elle l'a fait, pas pour permettre à un peuple d'en envahir un autre, mais pour atteindre ses propres buts : mener à la fin de la lingée des Loinvoyant et tuer le Fou. Elle dit à Fitz qu' « on a imprimé dans l'esprit de nombreux forgisés la mission de vous trouver, Vérité et vous, de vous tuer ». La forgisation est une pratique inhumaine, utilisée dans le cadre d'un conflit qui semble dépasser l'affrontement classique entre deux pays.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire