Le Puits d’Argent conclut la saga de la Cité des Anciens. Les gardiens devenus Anciens ont trouvé Kelsingra et commencent à prendre soin des dragons. Mais, c’est avant tout un tome de vengeance : Tintaglia et Glasfeu, lâchement attaqués par les gens de Chalcède, viennent chercher de l’aide. Après un plaidoyer de Glasfeu, ils l’obtiennent ; dragons et gardiens s’envolent et détruisent la capitale de Chalcède. Mais, dans cette grande histoire, il y en a d’autres plus petites et toutes aussi importantes : l’une d’elle est l’achèvement de la transformation de Sédric. Meilleur ami d’Alise, il a trompé sa confiance en couchant avec son mari, Hest. Sa participation à la mission des dragons était intéressée : il était chargé de surveiller Alise, et pourquoi pas trouver de quoi faire fortune. Cependant, le voyage change Sédric, il gagne en maturité et parvient à s’affirmer : il tient tête à Hest, présente ses excuses à Alise et vit au grand jour sa relation amoureuse avec Carson.
Dans ce roman, Hest devient un personnage important. Lancé à la recherche de Sédric et de sa femme Alise, il replonge dans son passé et apprend énormément de choses au lecteur sur la personnalité de Sédric. On se rend compte que les mœurs de Terrilville et sa situation familiale ont beaucoup pesé sur Sédric, l’ont presque étouffé. Sédric a faim d’autre chose, il « rêvait de gagner une fortune et de s’en aller loin de Terrilville pour vivre avec Hest dans le luxe là où ils n’auraient pas à cacher leur relation à l’épouse de Hest ni à la bonne société de la cité ». En pataugeant dans l’univers hostile du fleuve du désert des Pluies, Sédric est loin du luxe et montre ses capacités d’adaptation. Ce n’était pas gagné en plongeant dans les souvenirs de Hest qui nous présentent un Sédric faible, tout le temps dépassé par ce qui l’entoure (« Brut et naïf, il ouvrait de grands yeux émerveillés devant tout ce qui faisait le monde de Hest ; ce dernier lui avait enseigné la façon de vivre d’un jeune fils de Marchand »).
Avec Alise, Hest est celui qui a sans doute le plus connu et vu Sédric. Il l’a vu grandir au fur et à mesure des ans. Il est donc un observateur fiable pour juger de l’évolution physique de Sédric : « Sédric avait toujours été gracile et svelte, avec une stature de jeune adolescent, alors que ce gaillard était manifestement un homme fait, avec des épaules carrées et une large poitrine (…) un Sédric transformé en une créature exotique et superbe ». Il faut préciser que Hest est attiré par les deux apparences physiques de Sédric : c’est l’adolescent qui est devenu son amant, son partenaire sexuel et c’est l’homme devenu adulte qui l’attire, l’intrigue grandement. Ce n’est pas étonnant d’avoir un Sédric ayant bien changé physiquement tant son trajet jusqu’à Kelsingra fut éprouvant. Sédric n’a pas uniquement changé physiquement, il ose vivre sa relation homosexuelle au grand jour, il ne se cache plus. Il semble également avoir trouvé quelque chose que Hest ne lui offrait pas : de la tendresse et de l’amour sincère. Car, à la lecture, on se rendait bien compte que Hest manipulait Sédric, jouait avec lui. Là, les choses sont bien différentes (« avec une tendresse qui ne se cachait pas, l’homme garda Sédric serré contre lui tandis qu’ils allaient rejoindre les autres. On ne pouvait se tromper sur les liens qui les unissait. Une sensation d’engourdissement naquit dans le ventre des Hest »). La relation est alors inversée : Sédric a pris l’ascendant sur Hest ; la jalousie de Hest est révélatrice, il n’a plus la main sur les événements. Pire pour Hest, Sédric a suffisamment confiance en lui-même et en Carson pour montre son amour à tous : « Leur baiser dura longtemps, et Sédric leva les mains pour y nicher le visage barbu de Carson. Plusieurs gardes poussèrent des acclamations appréciatives. »
Perdu dans sa haine et sa jalousie, Hest tente de mettre Sédric mal à l’aise. Quand il finit par le retrouver à Kelsingra, il est clair oralement sur ses intentions : il est là pour retrouver sa femme. C’est ce qu’il dit publiquement et le lecteur sait qu’il y a un peu plus (il veut Sédric). Il joue avec les mots, tente de montrer sa bonne foi en disant qu’il n’est qu’un époux tentant de retrouver son épouse. Mais, il n’a pas compris que Sédric n’a pas que changé physiquement, il a également gagné en courage. Sédric se dresse face à Hest et ose dire à haute voix la vérité et de devant un bon grand nombre de personnes : « tu as passé ta nuit de noces avec moi (…) j’étais ton amant, Hest ; je participais à ton entreprise de duplicité et je ne m’interposais pas quand tu te moquais d’elle (…) tu étais un mari infidèle et moi un ami félon ». Sédric ne s’oppose pas seulement à Hest, il tente de racheter face à sa meilleure amie, Alise. Il espère qu’elle le pardonnera, il veut se racheter pour e mal commis. Alise a beau lui répéter qu’elle lui a déjà pardonné, il n’y croit pas (« je t’ai pardonné Sédric ; je te l’ai dit il y a longtemps »). En refusant de croire ce qu’Alise dit, on comprend à quel point Sédric a des remords et des regrets, il a fini par comprendre que ce qu’il a fait est mal et cruel.
Malheureusement pour Hest, il ne parvient toujours pas assimiler le changement de Sédric. Il tente de le séduire : « un serpent qui chasse une souris. Mais voilà, il n’était plus une souris. Comme Hest tendait la main vers lui, le poing de Sédric jaillit, appuyé de ton son poids ». Cette scène montre à quel point la relation a changé. Bien des années avant, c’est Hest qui faisait du mal physiquement à Sédric et Sédric qui revenait sans cesse. Mais, Sédric n’est plus un jeune adolescent en quête d’affection qui revient sans cesse vers celui qui le tourmente. Il est dorénavant un homme et il sait se défendre. La suite est encore plus pathétique pour Hest, il se morfond dans son illusion, il est persuadé que Sédric va revenir vers lui malgré le coup de poing (« Sédric devait l’attendre au bas des marches, déjà repentant, déjà effrayé de sa propre audace, pleurant peut-être et n’aspirant qu’au pardon et au réconfort »).
Il n’est donc pas étonnant de voir Sédric et le dragon Relpda participer à l’entreprise de vengeance de Glasfeu. L’immense dragon noir veut détruire la ville de Chalcède : les dragons ont décidé de participer et les gardiens n’ont pas autre choix que les suivre. Si au final, ce sont essentiellement les dragons qui vont semer la mort et la destruction, il faut bien accomplir le voyage jusque-là. C’est un voyage à nouveau compliqué pour les gardiens (moins que celui entre Cassaric et Kelsingra, certes). Sédric montre qu’il est plus qu’un bel homme, il est capable : il « surprit ses compagnons en lui montrant comment récolter des pousses de pissenlit et, dans un point d’eau, du cresson. La ville chalcédienne détruite ne ravit pas plus que ça Sédric, il le vit mal, très mal (« Sédric était malade d’horreur d’en être partie responsable »). Apte à se défendre, Sédric n’a pas pour autant acquis un penchant pour la violence.
A noter que dans le roman Sur les rives de l’Art, on apprend que Sédric et Carson ont adopté la fille de la gardienne Jerd.
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