La première scène de l’Apprenti assassin s’ouvre sur une séparation. On y voit un grand-père se séparer de son petit-fils, séparer un fils de sa mère. Le bâtard est le fils d’un prince et son prénom n’est pas prononcé. C’est un petit être qui ne comprend pas ce qui lui arrive, il est passif. On le tient par la main, on entend la femme en arrière-plan et c’est tout. Elle n’a pas de visage mais c’est une mère désespérée qui aurait aimé garder son fils près d’elle. C’est assez clair car on lit que « la femme lança une dernière supplication. Les paroles en sont parfaitement claires à mon oreille, le désespoir d’une voix qui aujourd’hui me paraîtrait jeune. « Père, je vous en prie, par pitié ». Tous ces mots, toutes ces attitudes ne déclenchent aucune réaction chez le jeune enfant. Il attend de voir ce qu’on fera de lui.
Très vite, on apprend que c’est le fils du Prince Chevalerie et donc le petit-fils du Roi Subtil. Ce dernier décide de le faire vivre à Castelcerf, il ne le rejette pas. Contrairement à Chevalerie qui fuit la cour et la succession dès qu’il apprend qu’il a un bâtard ; il se moque de savoir les répercussions sur Fitz : on rend l’enfant plus ou moins coupable de l’abdication du prince par exemple. Fitz pénètre alors dans un monde qui lui est inconnu, guidé par un homme (Burrich) qui y évolue à la marge. Le maître d’écuries est sans aucun doute la personne la plus importante des écuries, il n’est rien dans le monde de la noblesse. Fitz est plus ou moins sans surveillance, il va et vient, il découvre la ville. L’éducation d’un membre de la famille royale n’intéresse personne jusqu’au jour où Subtil tombe sur lui. L’œil royal repère un potentiel outil et Subtil s’assure de la loyauté de Fitz (« A présent, tu m’appartiens (…) dorénavant, tu ne seras plus obligé de manger les restes de personne. Je m’occuperai de toi, et je m’en occuperai bien »). L’implacable machine royale se met en place et de petits entraînent de profonds changements pour Fitz. C’en est fini de dormir avec chiens, chevaux et Burrich dans les écuries, il a désormais sa propre chambre. Cela le perturbe grandement, et pas seulement parce que Burrich s’occupe de lui depuis des mois. Il perd aussi la compagnie des animaux qui l’avaient jusque là enveloppé dans un bulle protectrice : « les chevaux et les chiens rêvent (…) leurs rêves étaient pour moi comme les effluves odorants de la cuisson du bon pain (…) isolé dans une pièce aux murailles de pierre, j’avais tout le temps de m’immerger dans ces cauchemars dévorants, douloureux, qui sont le lot des humains ».
Subtil le confie à Umbre, un homme étrange qui baigne dans une atmosphère de secrets et de dissimulation, ce qui d’ailleurs contaminera Fitz et lui créera beaucoup de soucis dans sa vie privée. Umbre a pour mission de le former en tant qu’assassin et d’assurer sa loyauté, son attachement au trône, aux Loinvoyant et aux Sis-Duchés. Comme il est l’une des rares personnes qui lui parle, Fitz s’attache à lui. Il prend également plaisir à réussir ses mises à l’épreuve. Malheureusement, Umbre veut savoir si il peut réellement compter sur Fitz et il confie à Fitz une mission (voler quelque chose à Subtil) que ce dernier refuse. La réaction d’ Umbre est alors impitoyable, il use de mots durs et cinglants qui rabaissent Fitz. Pire, les termes impliquent que Fitz est presque un traître. Fitz est alors rejeté par Umbre (« Et en plus, tu dissimules ta lâcheté sous de beaux discours sur la loyauté ! Tu me fais honte ! Je te croyais davantage de cran, sans quoi jamais je ne t’aurais pris comme élève »). S’ouvre alors une période sombre pour Fitz où rien ne parvient à lui remonter le moral. Il erre comme une âme en peine dans le château et pas même la compagnie des animaux ou de Burrich ne lui remonte le moral. Il faudra l’intervention de Subtil pour tirer Fitz de sa morosité morbide : Umbre et lui se réconcilient. Cette réconciliation dépasse le cadre de cet exercice, elle montre que Fitz avait accumulé beaucoup de peines en lui depuis des mois ; Cet incident a créé un trop-plein : « je crois que je versai toutes les larmes que j’avais retenues depuis le jour où mon grand-père avait obligé ma mère à m’abandonner. « Maman » m’entendis-je crier. »
Subtil permet également à Fitz d’être formé à l’Art. Galen est chargé de cet enseignement et il accueille un bon nombre d’élèves. Ses méthodes sont brutales et visent à exclure les futurs artiseurs du reste de la population. Galen fait tout pour que le reste des gens paraisse sans intérêt car non pourvu du talent d’artiser. Il sépare donc Fitz de tous ces gens du commun. Mais, l’enseignement se passe mal pour Fitz. Galen a une profonde haine pour lui, il le méprise, le trouve déshonorant pour la lignée de Chevalerie. Dans un accès de colère, il bat Fitz et le laisse agonisant. Via l’art, il embrume son esprit, lui instille des idées sombres. Fitz est totalement abattu, à la limite de vouloir basculer et en finir. On lit ainsi qu’il a « l’esprit ancré sur une seule idée ». Les lignes qui suivent évoquent clairement l’envie de se suicider : « je me mis en route vers le mur bas ; j’avais l’intention de me hisser sur un banc et, de là, sur le sommet du mur. Ensuite, la chute. Et rideau. Martel (le chien offert par Patience, la femme de Chevalerie et revenue au château royal) le sortira de sa torpeur. Après une convalescence, Fitz repend sa place au sein du groupe. C’est ce qu’il espère en tout cas car ses condisciples le rejettent (« Tant de haine ! Oh comme ils me haïssaient »). Dès lors, Fitz évolue au marge du groupe, Galen le considère à peine. Quand vient le temps de l’examen, il l’envoie dans un lieu désolé : Fitz doit attendre des instructions claires pour revenir. Mais, elles ne viennent pas. Pire, il est témoin de l’agression de Burrich et de la mort de Martel son chien. Il est impuissant. A son retour, Burrich le rejette (« bâtard ou pas, tu aurais pu être le digne fils de Chevalerie, mais tu as tout gâché, et pour quoi ? Pour un chien ! ») Dès lors, Burrich fait en sorte de ne plus avoir aucun rapport avec Fitz. Et pire, il refuse d’admettre le rôle de Martel dans sa survie, ce qui laisse penser à Fitz que son chien est mort dans l’indifférence totale.
Des mois plus tôt, quand Fitz a été confié à la famille royale, c’est Burrich qui s’en est chargé. Ne sachant réellement quoi faire de ce gamin, il a fait ce qui lui semblait juste en le confiance à Renarde, sa chienne. Fitz a tout de suite trouvé sa place dans ce petit groupe (« je m’avançai d’un pas hésitant parmi eux et finis par m’étendre à côté d’une vieille chienne au museau blanchi qui arborait une oreille déchirée ») qui lui a permis de rencontrer Fouinot, son premier compagnon de Vif. Les deux ont alors un lien fort et passent un bon nombre de moments ensemble à Castelcerf. Cela déclenche la suspicion de Burrich. Hostile au Vif qu’il considère comme une perversion, il décide de briser le rapport entre Fitz et Fouinot : « je gémis, puis hurlai en griffant la porte en et m’évertuant à le percevoir à nouveau. Il y eut un brusque éclair de douleur écarlate et Fouinot disparut. » On comprend que Fitz est convaincu que Fouinot est mort et que c’est Burrich l’instigateur. Burrich persiste à surveiller Fitz, il ne veut pas que le fils de son vieil ami Chevalerie succombe au Vif. Fitz, lui, n’a pas d’autre chose que vivre auprès de Burrich.
Bien plus tard, dans les Montagnes, une délégation a été envoyée pour sceller le mariage entre Vérité et la princesse Kettricken. A sa grande surprise, Fitz retrouve Fouinot ; Burrich ne l’a pas tué mais envoyé là-bas. C’est le prince Rurisk qui l’a accueilli. Fitz et Fouinot se retrouvent (« il ne faisait aucun doute que c’était désormais le chien de Rurisk ; l’intensité du lien qui nous unissait avait disparu ; mais il m’offrit une grande tendresse et des souvenirs chaleureux »). La joie de ces retrouvailles est bien utile à Fitz car il se trouve pris dans un complot qui le dépasse. Royal, son oncle, a décidé de tuer Vérité et d’épouser Kettricken. Mais, pour cela, il doit se débarrasser de Fitz (et Burrich). Fils de Subtil, Royal use de son autorité pour les convoquer : il fait assommer Burrich et pousse Fitz à la noyade. C’est sans compter l’intervention de Fouinot qui donne sa vie et son énergie pour sortir Fitz de l’eau. Fouinot est mort. La disparition du chien ne crée pas qu’une douleur immédiate à Fitz, elle lui procure également une peine diffuse et permanente (« les hommes ne pleurent pas leurs morts avec l’intensité des chiens. Mais nous pleurons de longues années »).
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