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Kennit, maître de son destin ?

Kennit est un des personnages majeurs des Aventuriers de la Mer. Comme un bon nombre d’autres, on le voit se transformer au fur et à mesure ...

mardi 6 avril 2021

Kennit, maître de son destin ?

Kennit est un des personnages majeurs des Aventuriers de la Mer. Comme un bon nombre d’autres, on le voit se transformer au fur et à mesure que les pages défilent. Il est un simple pirate qui veut se forger son destin. Il réalise des exploits de légende en devenant le Roi des Pirates et en capturant une vivenef. Mais, Kennit n’est pas un homme isolé, ses actons ont des conséquences. Capturer la Vivacia met en marche des événements qui feront revenir sur le devant de la scène la vivenef Parangon. Or, Parangon a une résonance particulière pour Kennit et celui qui fut avant son capitaine : Igrot. Toutefois, il ne faut pas oublier que Kennit est un pirate et qu’il commet donc des actes répréhensibles. On pouvait ressentir de l’attachement pour Kennit, il était charismatique, il libérait (grâce à Sorcor) les esclaves. Mais surgit le moment où il décida d’abuser et de violer Althéa Vestrit.
Kennit apparaît comme un personnage complexe. On ne peut essayer de le comprendre sans se pencher sur son passé, notamment Igrot et la tragédie du Parangon.

Dans ce monde, Igrot est le pirate de référence. Il est le pirate de tous les fantasmes, le plus connu et le plus craint. Même mort, on continue de parler de lui avec respect ou crainte. Ce sont par exemple les mots du Capitaine Finney : « la légende dit qu’Igrot le Téméraire a pris une vivenef et a navigué dessus pendant des années (…) il a réussi à s’emparer du vaisseau-trésor du Gouverneur (…) Igrot a vécu comme un seigneur (…) des femmes, du vin, des serviteurs, de beaux habits (…) on dit que quand il s’est vu mourant, Igrot a caché son trésor et sabordé sa vivenef ». C’est un exploit remarquable car les vivenefs, des bateaux magiques, sont réputés imprenables. On apprendra au cours du récit que Parangon est la vivenef capturée et il confirme ce témoignage (« La plus grosse pêche d’Igrot, c’était quand il a pris un chargement du trésor destiné au Gouverneur de Jamaillia »). Parangon nous apprend également qu’ Igrot a vogué jusqu’à Clerres et qu’il était « obsédé par les croyants et les présages ». Un marin nous apprend qu’Igrot, en comparaison de Kennit, était une « bête beaucoup plus brutale. Lui prenait la cargaison, violait et massacrait l’équipage, et laissait le bateau à l’abandon »).

Kennit semble suivre une trajectoire identique à celle de Igrot et inévitablement cela pousse à des comparaisons. Sorcor, son second, lui en rapporte une : « j’en ai entendu un dire à son copain que, comme pirate, vous étiez encore meilleur qu’Igrot le terrible »).
Kennit veut réellement effacer Igrot des souvenirs et de la mémoire collective. Il parle des actes d’Igrot avec mépris, en tout cas pas avec l’enthousiasme dont tout le monde semble faire preuve. Il affirme que « c’est à la portée du premier imbécile  venu de brûler une ville (…) on dit qu’Igrot le Téméraire en a incendié une vingtaine. Moi, j’en fonderai une centaine. Mon souvenir ne sera pas lié à des cendres ».
Il insiste. On peut lire que « ses exploits effaceraient à jamais tout souvenir d’Igrot dans le monde. Un jour, Kennit l’avait décidé, il rétablirait ce qu’Igrot avait brisé et détruit ».

On sait qu’Igrot fut un pirate d’exception. La question qui se pose est de savoir pourquoi il obsède autant Kennit et pourquoi il prend autant les choses personnellement.

Kennit et Parangon ont navigué avec Igrot et il font tout pour le cacher, le nier et parfois à eux-mêmes. Parangon hurle de colère quand on ne fait qu’émettre l’hypothèse (« je n’ai jamais été le navire d’Igrot ! Jamais ! Jamais ! Jamais ! »). Kennit persiste à dire qu’on en fait trop autour de lui (« sa réputation est exagérée ») et qu’il n « y'a pas de survivants de l’équipage d’Igrot ».
Ce qui est intéressant dans cette déclaration est comportement. Il  écrit ceci : «  le souffle court, il regarda autour de lui, cligna des yeux, comme s’il s’éveillait d’un rêve » ; on peut penser qu’il a revécu des souvenirs particulièrement troublants et que la nature de ces souvenirs explique son mépris pour Igrot.

Kennit fut donc un membre de l’équipage d’Igrot. Il y a subi de terribles traitements (insultes, coups et viols).
Quand Fitz se rend à Clerres, il voyage sur le Parangon et la vivenef se confie à lui. Les vivenefs sont particulières, elle conserve le souvenir des gens morts sur le pont. Dans le cas de Kennit, elle a pris ses peines, ses douleurs («  des heures de Kennit qui se traîne à terre, déchiré et en sang, à la recherche d’un endroit où Igrot ne pourra pas l’attraper »). La situation était devenue invivable que la vivenef et Igrot négocièrent un marché.
Il faut préciser que Kennit est un ancien fils de Marchands, c’est un Ludchance enlevé.  Et Parangon ne veut pas qu’il lui soit fait du mal. Igrot a deux objectifs en tête : garder la fidélité du navire en ne tuant pas le jeune Kennit et protéger son trésor. Il  leur propose alors que « Kennit me rendrait aveugle, et en échange, Igrot ne le violerait plus ».
C’est donc Kennit qui a rendu Parangon aveugle, les deux pris dans une sorte de pacte de protection : « Kennit avait manié la hachette, debout sur les grandes mains pour atteindre la figure de son navire ». Et bien entendu, Igrot a joué sa plus belle partition de manipulateur puisqu’il ne se sentait pas engagé par sa promesse. Il avait continué à violer et à battre Kennit (« Igrot, la brutalité incarnée, passait brusquement après des jours de dureté et de cruauté, à une distinction affectée. »)

Kennit viole Althéa dans les derniers moments des romans des Aventuriers de la Mer. C’est l’amulette en bois-sorcier qu’il porte qui nous apporte un éclairage important sur cet acte. Quand Kennit voit Althéa, elle lui fait terriblement penser à Hiémain Vestrit (un adolescent capturé sur la Vivacia). Pour l’amulette, il viole Althéa pour exorciser sa peine. C’est ce qu’on penser quand elle dit que « tu désires le gamin seulement parce qu’il te rappelle trop celui que tu étais beaucoup plus jeune, quand Igrot t’a traîné dans son lit. »
L’amulette n’est pas tendre avec Kennit. Selon elle, Kennit et Igrot sont les mêmes, ils partagent tout en commun (« tu es devenu Igrot (…) Pour vaincre le monstre, tu es devenu le monstre »). Et d’une certaine façon, elle a raison car tout comme Igrot il a pris une vivenef (la Vivacia dans son cas), il est devenu légendaire et a commis des actes cruels gratuitement.
L’amulette lui promet le pire : «  ça tour en rond, idiot. Une fois que tu as mis en route la meule, tu crois pouvoir échapper à ton destin ? (…) Tu mourras de la mort d’Igrot »

Comment est mort Igrot ?
Encore une fois, c’est Parangon qui nous apprend comment cela s’est passé et cela montre une nouvelle fois à quel point le destin du navire et de Kennit sont liés. On apprend (et Ambre également) que « Kennit avait conservé un bout extrait de mon visage (…) Il l’a fait bouillir avec la soupe. Presque tout l’équipage est mort de ça » , quant à Igrot, « Kennit l’a battu à mort. Dans la cale. Tu as vu les marques en bas. Les empreintes d’un homme rampant (…) C’était juste Ambre ! Ce n’était que justice. »

Transpercé par des coups d’épées, Kennit meurt sur dans les mains de Parangon, dans les bras de quelqu’un qui l’aime. Avec Etta, qui deviendra la Reine des Pirates, il a eu un fils appelé Parangon Akennit Ludchance.

Enfin, il faut noter une conversation entre Fitz et Parangon alors qu’ils se rendent à Clerres. Fitz sait que Kennit a violé Althéa et il sait que Kennit a subi des viols quand il était jeune, il se demande pourquoi il a pu faire ça malgré tout. La réponse de la vivenef est cinglante : « intéressant qu’un autre humain ne comprenne pas plus ça que moi… c’était peut-être la seule façon pour lui de s’en décharger, de ne plus être la victime en devenant… le bourreau ? »
Dans un cycle de romans où tous les personnages semblent pris dans des luttes qui les dépassent, Kennit n’échappe pas à la règle.

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