La
première scène d’adieux qui me marque est celle entre Fouinot et
Fitz. Une scène tronquée car Fouinot est mort. Ce n’est donc pas
la séparation violente et traumatisante vécue par Fitz à cause de
Burrich. Mais celle où Fouinot donne sa vie de son plein gré pour
sauver le petit garçon avec qui il a parcouru les rues de
Casterlcerf. La scène conclut d’ailleurs le premier tome de la
saga et offre la possibilité à Robin Hobb de finir sur de superbes
phrases : « Les hommes ne pleurent pas leurs morts avec
l’intensité des chiens. Mais nous pleurons de longues années. »
Molly
est la première fille que Fitz a aimé (il n’a pas de souvenirs de
sa mère et il est vite séparé d’elle). On peut dire sans aucune
contestation que ses approches envers elle ont été laborieuses,
compliquées. Mais, il est parvenu à ses fins et leur amour aura été
fort, puissant, intense et ô combien compliqué.Car, à part le
soutien de Vérité, tout aura été contre eux : les conseils
de Patience ou Umbre, la situation particulière de Fitz à la cour,
sa condition de servante, etc. Molly a beau envoyé des signaux
explicites à Fitz, celui-ci ne les comprend pas. Et ce qui devait
arriver arriva. Lors d’une dernière discussion douloureuse, la
vérité éclate. Fitz n’est plus la priorité de Molly et les
adieux sont colériques : « Ne me touche pas,
gronda-t-elle. Ne pose plus jamais la main sur moi ! »
Grand-père
de Fitz, Subtil est le roi des Six-Duchés, un roi sans pouvoirs, un
roi sans forces. Car plus notre lecture avance et plus cette
impression se renforce. Son corps ne lui obéit plus, sa volonté
faiblit et Fitz est désemparé quand il se présente face à son
Roi. Mais quand Fitz va pour le soustraire des mains traitresses de
Royal, le vieux Roi se redressera une dernière fois pour délivrer
ses dernières paroles teintées de la force royale (« Mon
jeune assassin, qu’ai je fait de toi ? Comment ai-je pu ainsi
pervertir ma propre chair ? Tu ignores à quel point tu es jeune
encore ; fils de Chevalerie, il n’est pas trop tard pour te
redresser. Relève la tête, vois au-delà de tout cela. »)
Il
n’est pas illusoire de dire que beaucoup de lecteurs des aventures
de Fitz vouent un véritable culte au Fou. Il n’est pas non plus
faux de dire que c’est avec ce personnage que Fitz aura vécu une
de ces relations les fortes, les plus abouties. Pour autant, il ne
faudrait pas oublier l’instant, cet instant où les deux ont cru
qu’ils ne se reverraient jamais à la mort de Subtil. Et le moins
que l’on puisse dire est que les mots du Fou ont été cruels, durs
pour Fitz. Tels des uppercuts en pleine face, le bouffon du Roi
assène au bâtard royal des « Tu l’as tué, tu l’as tué !
Tu as tué mon roi, traître immonde ! »
Burrich
n’est pas qu’un mentor de Fitz, c’est celui qui remet toujours
Fitz debout, celui qui est le plus exigent avec lui. Dur avec lui,
intransigeant. Et ça Fitz le supportera jusqu’à sa résurrection
où tout finira par éclater. Des années de rancœur, un retour à
une vie qu’il ne voulait plus et des mots lâchés en pleine face
qui auraient énervé plus d’un homme. Mais pas Burrich, non lui
encaisse, se redresse et s’enfonce dans la nuit noire. Et le
lendemain, quand il prend conscience que Fitz ne peut grandir, ne
peut vivre sa vie en étant constamment sous l’ombre protectrice de
quelqu’un, il lui dira des paroles pleines de tendresse : « Va
te peigner. Tu as l’air d’un sauvageon. »
Et
puis, il y a Vérité. Vérité et son destin étonnamment proche de
celui du Fitz. Lui aussi se sacrifie pour son pays, lui aussi
sacrifie son amour, lui aussi porte le fardeau de la solitude l’Art.
Vérité aura été plus qu’intime avec Fitz. Quand Vérité le
Dragon s’envole pour nettoyer les Six-Duchés de la traîtrise de
son frère et des malveillances des Pirates, Fitz perd plus qu’un
ami, un mentor ; il perd une partie de lui-même. Et Vérité,
en digne fils de son père, prononcera là encore des paroles
puissantes : « Et prends mieux soin de toi que je l’ai
fait de moi-même. Je t’aimais, tu sais, ajouta-t-il à coup ;
malgré tout ce que je t’ai fait subir, je t’aimais. »
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