Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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mardi 8 août 2023

[Le Soldat Chamane] Amzil, une mauvaise réputation ?

Alors que se déroule un combat entre la nature et le progrès humain (les routes, la ville, le commerce), certaines personnes ne sont pas du tout concernées par ça. Elles pensent à leur survie, à rester en vie dans un monde à la limite de l’hostilité. Il faut se nourrir, il faut avoir un toit au-dessus de la tête. Amzil, une femme que Jamère rencontre alors qu’il se rend à Guetis, en est un bon exemple.


Lorsque Jamère arrive dans un petit village à la dérive, il finit par trouver un refuge chez Amzil. Cela prend du temps, il faut gagner sa confiance, mériter d’avoir un toit fourni. C’est du donnant-donnant : Jamère chasse et récolte ce qu’il fait pousser contre une place dans la maison. Amzil a une réaction à cet arrangement qui montre sa méfiance ; elle craint que Jamère attende d’elle des faveurs sexuelles ; on comprend ainsi que cet arrangement a déjà eu lieu. Elle lui précise donc que « vous nous aidez, et, en échange, je reprise vos vêtements et je vous laisse partager notre toit, notre feu et le peu de nourriture que nous avons (…) je ne veux pas que vous imaginiez, sous prétexte de nous avoir rendu service, que nous avons une dette envers vous ».


La position d’Amzil n’est pas anodine. La femme sait ce qu’on dit elle, elle sait les rumeurs qui circulent à son propos.

Buel Faille résume la chose : « tout le monde sait qu’elle se vend - oh, pas pour de l’argent, ça ne lui sert à rien, mais contre de quoi manger, et seulement quand elle est d’humeur ». On peut alors supposer que la prostitution est pour Amzil une nécessité, la seule façon d’obtenir ce dont ses enfants et elle ont besoin. Les motivations peuvent paraître nobles mais tout le monde n’a pas sa façon de voir la chose. Pour les gens de Guetis, Amzil est une prostituée, rien de plus. Spic dit froidement qu’Amzil est « la putain de Ville-Morte ». Bien entendu, le jugement est négatif et Amzil obtient peu de respect.

Jamère, lui, a une vision un peu plus nuancée (« la situation m’inspirait du dégoût et de la répulsion ; pourtant quand Amzil regardait ses enfants, je reconnus son expression : ma mère avait la même devant nous »). Il ne la considère donc pas comme une moins que rien. Du point de  vue de Jamère, c’est un fait remarquable tant le jeune homme est coincé, esclave des conventions sociales et des bonnes manières. Il a pourtant déjà fréquenté des prostituées mais sans doute est il dérangé de voir qu’une femme vend son corps alors qu’elle a des enfants.


Amzil se prostitue donc pour avoir de quoi manger. En poste à Guetis, Jamère tente de l’aider. Il lui a construit un potager, il a mis en place des pièges pour attirer des lapins et autres. Malheureusement, c’est un cadeau empoisonné car cela attire la jalousie des voisins. Amzil devient la personne la mieux lotie du village : on vient lui mendier de quoi manger, elle ne peut que refuser, elle se fait agresser. Elle informe Jamère qu’ « ils se sont mis à me voler. J’ai bien essayé de me défendre, mais j’étais seule (…) Je fermais à peine l’oeil de la nuit ; j’avais l’impression de vivre au milieu d’une meute de loups ».


Rien en va s’arranger lorsque Jamère est accusé de viol et de nécrophilie. Amzil pourrait se défiler, se cacher ; elle ne le fait pas. Elle sait que son témoignage ne sera pas considéré vu son statut comme le fait remarquer Spic (« évidemment, en tant qu’ancienne prostituée, elle a moins de poids qu’une autre, mais elle fait quand même valoir sa parole »). Et, les risques se manifestent et prennent forme quand Jamère est condamné. La foule vengeresse est possédée. Jamère doit se faire pendre ; Amzil devient une cible facile puisqu’on la considère comme la compagne de Jamère. Elle doit payer pour ça.

Amzil est alors malmenée : « on déchira sa robe et l’on exposa sa poitrine à la nuit et aux attouchements brutaux des soudards égrillards » et « Jamère, avant de crever, tu veux voir ta femme se faire enfourner ? »


Dans un moment assez épique, Jamère use de la magie pour éloigner la bande violente. Il en profite également pour modifier les souvenirs des événements d’un Spic dépassé (il n’a pas su gérer ses soldats) et d’une Amzil traumatisée (à la limite de subir un viol collectif).

Malheureusement, Amzil sent que quelque chose ne va pas. Des rêves la hantent et l’atmosphère pesante qui règne sur la ville n’arrange rien. Dans un premier temps, comme tant d’autres, elle succombe à la tentation de la drogue : « Spic a jugé devoir avaler du reconstituant de Guetis, ce mélange de rhum et de laudanum (…) Amzil en a bu aussi et en a donné à ses enfants pour oublier ; elle dormait encore quand je suis partie ». L’apathie la gagne et ne la tiendra pas bien longtemps.

En effet, ses rêves deviennent de plus en plus violents, traumatisants. Epinie rapporte à Jamère qu’ « Amzil voudrait penser qu’elle a repoussé ses assaillants, mais, dans ses cauchemars, la terreur lui ôte toute force, elle ne peut même pas appeler à l’aide, et les hommes la souillent avant que tu puisses intervenir ». Certains passeraient sans doute leur temps à se morfondre ou se drogueraient pour effacer toute émotion, ce n’est pas le cas d’Amzil. Elle se redresse, elle défie ceux qui lui ont fait du mal. Elle les provoque : « lorsqu’elle en voit un dans la rue ou dans une boutique, au lieu de détourner les yeux ou de l’éviter, elle le suit comme un fauve, cherche son regard, se plante devant lui et l’affronte, les yeux dans les yeux ».


Plus tard, alors que la situation d’Amzil comme celle des autres femmes de Guetis reste précaire, elle commet un meurtre en tuant un homme violent et voleur. Amzil était de toute façon dans le collimateur des autorités de Guetis. Epinie rapporte que le capitaine Thayer « la suit d’un oeil noir et exorbité ; on dirait un dément ! (…) Il clame haut et fort qu’Amzil est pire qu’une prostituée et il le prouvera ». 

Amzil ne nie pas les faits, elle admet avoir tué l’individu : « j’ai tué cet homme parce qu’il voulait nous tuer, mes enfants et moi, pour prendre nos vivres ». Elle est condamnée (« le capitaine Thayer l’a condamnée à mourir pendue »).


A nouveau, Jamère vient libérer Amzil et c’est peut-être la seule chose qu’il réussit. Son passage chez les Opulents n’a fait que créer de la peine et de la destruction dans les deux camps (la mise à sac de Guetis d’un côté et la sur-utilisation de la danse de l’autre). Amzil et Jamère quittent Guetis et s’avouent leur attirance l’un pour l’autre. Amzil montre qu’elle n’a pas honte de ce qu’elle a fait ou de ce qu’elle a été : elle a fait tout ça pour ses enfants, c’est pour eux qu’elle a pris tant de risques. Elle veut leur offrir la possibilité d’emprunter leur propre voie où ils n’auront pas à faire des sacrifices : « je veux que Kara se voie comme une femme qui mérite… qui mérite d’épouser l’homme avec qui elle couche ; qui mérite son respect. Et tant pis si ça vous paraît ridicule ».

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