Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

jeudi 10 avril 2025

[Andrzej Sapkowski] La laideur de l'humanité

La saga du Sorceleur brille par sa diversité de personnages. Si les humains semblent dominer ce monde, les créatures magiques existent et occupent une bonne part du récit. Elles ne sont pas de simples créatures présentes uniquement pour faire briller Geralt, elles ont aussi une réelle identité.  Mais, elles semblent se regrouper autour d’un point commun : le rapport (compliqué) à l’humain.


C’est Yennefer qui dresse un constat froid sur le rapport entre les humains et les créatures magiques. L’humanité n’a pas d’autre choix qu’imposer sa volonté, il y va de sa survie. Peu importe la créature, qu’elle semble inoffensive ou non, les humains doivent montrer leur force. Ils le doivent encore plus avec les dragons qui menacent leur développement et leur expansion. Yennefer précise que « les dragons demeurent le pire ennemi naturel de l’homme. Il n’est pas question ici de la dégénérescence de l’humanité, mais de sa survie. Pour durer, l’espèce humaine doit se débarrasser de ses ennemis, de ceux-là mêmes qui la menacent ». Dès lors, hommes et femmes semblent prendre un malin plaisir à utiliser de leurs ressources, de leurs armes et de leur détermination. Tuer les créatures magiques est une nécessité. Quelques uns s’organisent et créent des groupes ; c’est le cas Forestiers, un groupe « à la réputation sulfureuse » et qui « avait pour mission de chasser les inhumains ». Les partisans de ce groupe se vantent des exactions qu’ils commettent (« Geralt baillait en écoutant les vantardises au sujet d’elfes, sylvains ou mauvaises fées, transpercées de flèches, massacrées ou pendues aux arbres »). Cet extrait illustre bien un aspect des humains : ils n’ont ni regrets ni remords à exterminer les autres.


Pire, ils ne se contentent pas de les tuer mais ils veulent aussi modifier leurs habitats. Il s’agit de les empêcher de vivre, de marquer pour de bon leur domination.

Agloval, un noble, parle de la future conquête des mers par les hommes : « nous retirerons de cet océan tout ce que nous serons en mesure d’en retirer. Si nous n’en sommes pas capables, nos petits-enfants ou les petits-enfants de nos petits-enfants s’en chargeront. Ce n’est qu’une question de temps. Voilà ce que nous entreprendrons, l’océan dût-il se remplir de sang ». On comprend bien que c’est un combat à mort : l’humanité n’est pas là pour chercher un compromis.

Cette volonté de contrôle total est aussi perceptible chez le roi Venzlav. Lui vise un autre habitat naturel : la forêt. Dans ces propos transpire une certaine arrogance. L’humain domine car c’est son droit (« nous ne désirons pas un Brokilone et une forêt qui nous empêchent d’avancer. Une telle entité blesse notre orgueil, nous irrite et nous empêche de fermer l’oeil, car nous sommes, nous humains, les propriétaires du monde »). C’est un peu comme si les créatures magiques, les monstres, pêchaient seulement par le fait d’exister.


Quelques créatures magiques semblent tolérer par les humains. Ce sont des elfes, des nains, des sorceleurs… ils sont utiles aux humains pour asseoir leur domination. Mais même eux récoltent le mépris des hommes. On leur crache au visage sans se cacher. Alors que quelques créatures non-humaines sont avec des humains à la chasse d’un dragon, le chevalier Eyck vomit des propos méprisants : « mais que voyons-nous ici ? Des nains, ces païens qui naissent dans les ténèbres (…) des magiciens blasphématoires, s’arrogeant les droits, les forces et les privilèges divins ! Un sorceleur, odieux mutant, créature artificielle et maudite ». Ce racisme semble répandu dans la société quand on lit les propos d’un fonctionnaire, Herbolth. Il dit des elfes que c’est « une sale race maudite » et que « les elfes sont responsables de tous les malheurs ».


Bien entendu, quelques créatures ne se laissent pas faire et tentent de modifier l’ordre des choses ou dénoncer ce qui se passe.

Trois-Choucas (un dragon qui a l’apparence d’un homme) exprime tout son dégoût ; en parlant de la chasse aux dragons, il dit que c’est « plutôt un acte rappelant l’abattage d’un porc ou le dépouillement d’une charogne ». Il est révolté par cette chasse qui vient à empoisonner les dragons pour les chasser. Selon lui, cela ne fait qu’illustrer la faiblesse et la lâcheté des humain. Sa réaction est plus que claire : « vous me donnez envie de rire ou de vomir ».

En réalité, les prétendus monstres savent ce qui se passent ; ils savent que les humains leur ont déclaré une guerre à mort. Ainsi, le dragon Villentretenmerth dit que « les créatures que vous appelez communément monstres se sentent, depuis un certain temps, de plus en plus menacées par les humains ».

Le doppler Tellico tente de se faire une place coûte que coûte dans le mondes humains. Il se sent rejeté, encore plus que d’autres créatures. Il n’a pas l’excuse de la beauté ou du charme des elfes qui lui permettraient de s’intégrer (« en quoi une elfe est-elle meilleure que moi ? A la vue d’une elfe, vous regardez ces jambes, mais moi, lorsque je parais, vous avez envie de vomir »). D’ailleurs, on sent presque en lui une envie de vengeance ou en tout cas une envie de se faire une place par tous les moyens. La menace est claire quand il dit que « Novigrad me doit une dette, Geralt. La construction de cette ville a détruit l’environnement où nous pouvions vivre dans notre enveloppe naturelle. On nous a exterminés en nous traquant comme des chiens enragés ». Là encore, les hommes ont détruit la nature et l’ont refaçonnée selon leurs besoins.

A Brokilone, une dryade rejoint l’idée que tout le monde ne veut pas du monde des humains et que certains sont prêts à se battre contre eux (« tu as conquis le monde entier, humains, partout tu as laissé ta trace, partout tu colportes ce que tu nommes modernité, ère du changement, ce que tu nommes progrès. Mais nous ne voulons ni de toi ni du progrès »). Il faut dire que ces admirateurs des arbres ne peuvent qu’en vouloir qu’à des hommes qui prennent plaisir à abattre les arbres.


Yennefer résume assez bien la volonté destructrice des hommes et ses conséquences. A force de tout détruire, ils réduiront son charme à pas grand-chose. Elle regrette que « leur monde n’est constitué que de grisaille et de banalité » et que « même les choses belles au début deviennent ennuyeuses et vulgaires ».

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