Taol, le chevalier, a tout perdu en tuant son mentor, Bevlin. L’homme qui lui a donné un objectif dans la vie et lui a permis de gagner son honneur a été tué de ses propres mains. Taol ne s’en remet pas : il perd toute dignité, tout respect pour lui-même. Quand il arrive à la ville de Brennes, Taol a perdu toute splendeur, il s’apitoie : il a sombré.
Autrefois lancé dans une quête, Taol met ses compétences au service de l’argent et de la foule : il devient un gladiateur, un homme qui se bat dans une arène. On est bien loin de ses voeux en tant que chevalier. Mais, un jeune homme se dresse pour remettre son ami dans le droit chemin : Chipeur.
D’une certaine façon, Chipeur avait embrassé l’idéal de Taol. Chipeur est un voleur, quelqu’un qui glisse adroitement la main dans les poches des inconnus et les détrousse. Rencontrer Taol a changé sa vie : il a trouvé un ami, un compagnon d’aventures, quelqu’un pour qui il est prêt à faire beaucoup de choses (« il considérait comme étant de sa responsabilité de le remettre sur le droit chemin. Il en allait différemment pour lui : lorsqu’on est un bandit, c’est pour la vie »).
Voir Taol dans cet état, brisé moralement et réduit à se battre pour de l’argent, choque Chipeur. Il est sans réaction quand il retrouve son ami à Brennes après que leurs routes se soient séparés quelques temps : « qu’était-il arrivé à son ami Le chevalier qu’il avait connu n’aurait jamais combattu dans l’arène comme un vulgaire mercenaire ».
Chipeur finit par comprendre l’horrible vérité : Taol ne s’est jamais remis du meurtre de Bevlin. Il se sent et se sait coupable, il est souillé, honteux. L’idée que Taol ait commis ce forfait dépasse Chipeur, il ne peut pas l’assimiler. On lit qu’ « au fond de son coeur tendre, Chipeur ne pouvait croire que le chevalier avait agi de sa propre volonté ».Dans tous les cas, « Taol restait son ami, et l’amitié était sacrée ».
Chipeur cherche donc à aider Taol même s’il n’oublie pas ses bonnes vieilles habitudes (« s’il pouvait récolter un peu d’argent au passage, il ne laisserait pas passer l’occasion »). Et il y parvient tout comme il arrive à retrouver Taol. Ce qu’il voit est un spectacle triste et pathétique, d’un homme qui s’enfonce un peu plus dans une fange (« Taol voulait de toute évidence oublier le passé, le guérisseur, la quête du garçon et jusqu’à lui-même »). Chipeur n’a pas d’autre choix qu’accepter le comportement de son ami. Il est là quand Taol combat dans l’arène. Taol finit même par lui accorder une place de choix. Chipeur devient son second, ce qu’il considère comme « le plus grand, le plus beau, le plus magnifique honneur qu’on lui avait jamais fait ». Son seul et meilleur ami lui montre qu’il tient à lui, qu’il est important. D’ailleurs, la réaction de Chipeur ne laisse pas de place au doute (« sa poitrine se gonfla d’orgueil »).
Mais, le passé rattrape Taol quand deux émissaires tentent de lui remettre une lettre du défunt Bevlin. Taol refuse de la prendre. Il reste convaincu d’avoir tué Bevlin et ne peut rien accepter de lui. Il laisse alors la lettre au sol. Ce qu’il ne sait pas est que Chipeur l’espionne en voulant prendre soin de lui. Si Chipeur surveille Taol, c’est dans son intérêt. Chipeur assiste donc à cette scène et récupère la lettre. On assiste alors à sa réflexion ; il « n’allait certainement pas laisser cette lettre trainer dans la rue pour le divertissement de la première nourrice ou du premier garçon d’écurie venu »). Chipeur prend donc à coeur la réputation de Taol. De plus, il se sent investi d’une mission de protection (« il s’agissait d’une chose privée, et si Taol ne voulait prendre , alors c’était à lui de la ramasser »).
Chipeur garde donc la lettre, d’autant plus qu’il pense qu’elle aura un rôle à jouer plus tard (« conserver la lettre (…) était devenu pour lui un devoir solennel »).
De son côté, Taol se rend compte de la place que Chipeur a dans sa vie. Il en est clairement content : Taol « se réjouissait de tout son coeur d’avoir rencontré Chipeur en ce jour fatidique où l’Aiguille-sous-roche était revenue à quai à Rorne (…) il devait beaucoup à Chipeur et serait toujours là pour lui si le gamin en avait besoin ». L’amitié entre les deux est donc sincère et partagée. Taol mesure tout ce que fait Chipeur, tous ses efforts. Il se rend compte que son ami se démultiplie, le materne presque (« Chipeur se considérait comme sa nourrice, soignant ses plaies, coupant sa bière et surveillant ses moindres faits et gestes »). Si la description est un peu rude (« tenace comme une mouche qu’aucun revers de main ne parvenait à écarter »), on voit bien l’affection.
Taol se sent finalement assez fort pour savoir ce qu’est devenu la dépouille de Bevlin. La réponse de Chipeur l’étonne et lui montre, une nouvelle fois, à quel point il est un camarade d’exception (« il s’était occupé de tout ; alors que lui s’était enfui, pris d’une frénésie lâche et coupable. Chipeur était resté en arrière pour prendre soin du corps et du sang »). Taol se sent honteux et confus en entendant tout ça tout en ayant un « profond respect pour Chipeur ».
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