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Maître des écuries de Castelcerf, Burrich est reconnu pour son talent avec les animaux. Il est capable de les soigner, d'en prendre soin, de créer des lignées de chevaux, de dominer des mâles récalcitrants. Il est aussi un homme avec certaines valeurs, un homme sur qui on peut s'appuyer ; il a fidèlement servi Chevalerie. C'est d'ailleurs sa dévotion envers Chevalerie qui le poussera dans les intrigues royales et le forcera à se positionner quant à l'usage du Vif. Burrich menait paisiblement sa vie jusqu'à ce que Fitz, le bâtard, fasse irruption. C'est à Burrich qu'il revient d'éduquer Fitz, de faire de lui un homme.
Éduquer Fitz n'est pas chose aisée. Burrich n'a pas le temps, il doit s’occuper d'un tas d’animaux. C'est pour cela qu'il est soulagé quand il voit que Fitz et un chiot, Fouinot, s'entendent bien. Il se dit que l'animal lui fera une compagnie et le protégera de quelques dangers extérieurs. Mais, Burrich finit par se rendre compte que Fitz a une tare : le Vif. Le Vif n'est pas une magie noble, une magie qui élève. Burrich en parle avec des mots durs : le Vif réduit les gens à pas grand-chose. Il affirme que « c'est le pouvoir du sang animal, comme l'Art provient de la lignée des rois (…) ça t'attrape et ça t'attire vers le bas, ça te transforme en bête, et finalement il ne reste plus une parcelle d'humanité en toi ». Burrich n'est donc pas un partisan du Vif. Pour lui, c'est une ignominie, une honte, une saleté et une insulte au sang des Loinvoyant.
D'ailleurs, il ne peut tolérer l'idée que cela vienne des Loinvoyant car cela reviendrait à ternir l'image de Chevalerie, l'homme qu'il aimait le plus. Il faut un coupable et il le cherche du côté maternel de Fitz (« il a ça dans le sang, l'entendis-je murmurer. C'est sa maudite mère ; pas de quoi s'étonner. Mais il faut chasser ce grain »). Notons que Burrich a tort et que des Loinvoyant ont déjà eu le Vif (comme le Prince Pie, Chargeur Loinvoyant).
Quand il parle du Vif, Burrich évoque toujours le pire. Pour lui, cette magie ne peut mener qu'à la chute. Il dit à Fitz que « ça n'amène jamais rien de bon ». A-t-il tort ? De son point de vue, il est difficile de penser le contraire. Burrich a consacré son temps et son énergie à élever Fitz, à tenter de faire de lui un homme dont Chevalerie serait fier. Et que voit-il ? Un Fitz qui échoue à manier l'Art. Or, l'Art aurait consacré Fitz comme un réel Loinvoyant et non comme un bâtard. Il n'est donc pas étonnant de le voir en colère et dégoûté quand Fitz lui explique qu'il a utilisé le Vif. Les mots sont durs et blessants : « si tu ne t'étais pas frotté au Vif, Fitz, tu aurais pu apprendre l'Art (…) Bâtard ou pas, tu aurais pu être le digne fils de Chevalerie ; mais tu as tout gâché, et pour quoi ? Pour un chien ! » Burrich est donc en colère et cette colère est révélatrice de sa haine du Vif, d'autant plus que grâce à cette magie, Fitz vient de lui sauver la vie.
C'est Oeil-de-Nuit qu confirmera les soupçons. Burrich a le Vif mais il répugne à l'utiliser. Les animaux lui parlent, il ne répond pas (« ils n'ont pas aimé le quitter, ils savaient qu'il les entendais, même s'il refusait de répondre »). Le nom de Vif de Burrich est Cœur de la Meute, c'est un nom de chef qui illustre bien sa puissance et sa place particulière.
Pourquoi refuse-t-il donc d'employer le Vif ? La réponse est donnée au début du roman le Poison de la vengeance. Burrich a vécu une tragédie dans son enfance qui l'a durablement marqué et qui l'a poussé à rejeter le Vif : son animal de Vif est mort violemment et sa grand-mère n'a rien fait pour apaiser son deuil,
Il a honte du garçon qu'il était et il se sent redevable envers Chevalerie de l'avoir mené sur un droit chemin. Avant sa rencontre avec le prince, il n'était qu'un animal, un individu vivant au jour le jour pour répondre à ses besoins les plus primaires.
Quand il entend ce témoignage, Fitz compatit avec le sort de Burrich. Il a pitié de lui ; ses pensées sont claires : « Burrich m'avait enlevé Fouinot alors que je n'avais même pas cet âge. J'avais cru qu'il l'avait tué mais Burrich avait lui-même connu la mort violente et soudaine d'un compagnon de lien ; c'était pratiquement comme mourir soi-même ». Autrement dit, on comprend pourquoi Burrich a été incapable ou même n'a jamais envisagé de tuer Fouinot quand il a séparé le chien de Fitz. Burrich a une forte expérience du Vif : de l'ivresse que procure un lien fort à la douleur de la séparation.
En tant que maître d'écuries, on peut penser qu'il a discrètement employé le Vif par moments. En tout cas, il est clair qu'il a continué à apprendre des choses sur la magie sinon il aurait été impossible qu'il sauve Fitz des griffes de Royal. Sans lui, Fitz serait mort dans les cachots. C'est Burrich qui suggère à Fitz d'utiliser le Vif pour s'en sortir (« change-toi en bête et sauve toi la queue entre les jambes. Si tu peux... je l'ai entendu dire... on raconte que tu peux te transformer en loup »). Dès lors, pour sauver la vie de Fitz, Burrich se plonge dans le Vif. Il communique avec Oeil-de-Nuit et emploie touts ses talents pour que l'esprit de Fitz retourne dans son corps. C'est une expérience inédite et jamais vue, c'est une prouesse qui montre à quel point Burrich est fort tout en montrant tout l'amour qu'il a pour Fitz. Il n'aurait jamais sacrifié ses convictions pour quelqu’un d'autre : « il n'y a que Cœur de la Meute et ce qu'il tient. Ça sent le vieux sang. Il secoue la chose comme pour détacher un bout de viande, puis il la frotte en bougeant ses mais comme une chienne passe les dents dans le pelage d'un chiot pour le débarrasser de ses puces ».
En réalité, Burrich est peut-être l'utilisateur du Vif le plus puissant de son temps. Les livres nous en présentent quelques uns (Fitz, Rolf, Trame, des Pie) mais aucun ne semble avoir le talent et les capacités de Burrich. Il réalise des choses incroyables même pour les utilisateurs du Vif. Lorsqu'il finit par arriver à Aslevjal, il soigne Fitz sous les yeux ébahis de Trame (« je n'en reviens pas ; je croyais perdue cette technique de la magie du Lignage (…) Qui vous a formé ? Pourquoi ne vous connaît-on pas »). Les questions de Trame sont légitimes car les gens doués de cette magie s'organisent en communauté pour échapper à la haine dont elles sont victimes. Or, Burrich qui a passé des décennies à se cacher, est totalement inconnu. Bien entendu, Burrich s'enferme dans ses préjugés et continue à insulter cette magie. Trame lui répond qu'il ne peut pas cacher qui il est ni l'étendue de ses dons. Burrich est un être à part (« donnez à cet art tous les noms injurieux que vous voulez, il n'empêche que vous le maîtrisez comme plus personne dans le Lignage »).
Il n'a pas suffi à Burrich de nier l'usage du Vif à son fils adoptif, il a aussi fallu qu'il en prive son fils Leste. Quand Leste a manifesté des signes, Burrich a tout fait pour éteindre cela. Or, Leste se rend compte que Burrich a menti. Sa réaction ne peut être que colérique et cruelle. Il se sent trahi et sa colère d'adolescent se manifeste : « pourquoi m'avoir plongé dans la boue, humilié, alors que je tenais ma magie de toi, alors que tu l'avais toi aussi ? Je ne te le pardonnerai jamais ! Jamais ! »
Il faut dire que, des mois plus tôt, Leste avait fui le domicile familial et atteint Castelcerf pour se placer sous la protection du pouvoir royal ; Kettricken ayant promis que les gens du Vif ne pouvaient être inquiétés à Castelcerf. Toutefois, Burrich n'accepte pas le choix de Leste et se rend au château pour demander des comptes à Umbre et Kettricken. A cette occasion, il réitère sa position et la motive. Si il est aussi dur avec Leste, ce n'est pas sans raison. Il sait que la lutte contre le Vif est éreintante, qu'elle demande beaucoup d'énergie et qu'elle peut être vaine. Burrich n'est pas stupide, il a bien vu la façon dont la magie vit toujours en lui (« je m'efforce depuis de longues années de l'extirper de moi-même mais il demeure toujours. Cependant, si on ne peut pas s'en débarrasser, on peut apprendre à le refuser, tout comme apprendre à refuser d'autres vices »). Et, il n'agit pas comme ça sans raison mais pour honorer la mémoire de Fitz. Burrich est convaincu que Fitz est mort parce qu'il n'a pas réussi à surmonter son attrait pour le Vif (« Ma Reine, sans le Vif, Fitz aurait appris l'Art convenablement (...)le Vif l'a condamné à mourir, et même pas comme un homme : comme un animal »).
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