Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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jeudi 22 septembre 2022

[Joe Abercrombie] La Mer éclatée : Brand, Epine et Hunnan

La moitié d'un monde marque l'avènement d'Epine et de Brand. Les deux réussissent des prouesses incroyables, affirment leur caractère et leurs différences, se rapprochent. Mais, ils se construisent également en opposition d'un homme : le maître d'armes Hunnan. Ce dernier est chargé de l'apprentissage et de la formation des soldats. Il enseigne à la dure, convaincu que c'est la seule façon d'apprendre. Il est particulièrement intransigeant avec Epine. Quand il lui impose un défi injuste (trois combattants contre elle), il offre une justification recevable mais douteuse dans ce cadre : « le carré représente le champ de bataille, jeune fille, et le champ de bataille n'est pas juste. Considérez ceci comme votre dernière leçon ». Les propos sont durs et pourraient paraître juste si on ne savait pas qu'Epine était sa souffre-douleur préférée. La jeune fille est traitée différemment des autres, presque comme un sac de frappe pour les autres élèves (« il aimait voir ses disciples au sol, meurtris, recevoir une rude leçon. Les dieux savaient qu'Epine avait reçu son compte de rudes leçons dans le carré »). Mais Epine est une combattante débutante qui se contrôle mal et elle tue un partenaire d'entraînement. Elle est jugée et condamnée à être lapidée. Brand, témoin de la scène, espère qu'Hunnan dira ce qui s'est réellement passé, à savoir qu'il a créé les conditions pour qu'Epine faute. Il n'en est rien. Il est déçu car, malgré son caractère, Hunnan est un mentor, un homme d'une grande importance : « ou bien qu'Hunnan avouerait sa part de culpabilité. C'était un maître d'armes respecté ». Bien entendu, Hunnan se tait, il est trop content de se débarrasser d'Epine.

Brand montre alors sa naïveté, une certaine forme de candeur. Il est trop honnête, trop attaché à la vérité et sans doute déjà un peu amoureux d'Epine. Il confesse à Yarvi la réalité. Il espérait l'espoir, il se voit infliger un dur retour à la réalité. Yarvi lui rappelle qu'Hunnan est bien plus important que Brand, qu'il a bien plus de pouvoir que Brand et qu'il peut lui faire du mal sans que cela ne dérange personne (et si maître Hunnan devinait que tu avais partagé ta vérité avec moi, qu'adviendrait-il de toi ? As-tu songé aux conséquences ? »). Hunnan apprend que Brand a parlé et il en paie le prix. Hunnan se venge, un acte mesquin de sa part, mais qui lui permet d'asseoir son autorité et d'inspirer la crainte. Quand il s'agit de donner l'insigne qui symbolise que Brand a réussi sa formation, il refuse de la lui donner. Brand est peut-être un bon combattant mais il n'a pas ce qu'il faut pour être un bon soldat, il n'est pas fiable (« vous êtes un bon combattant, Brand, mais vous n'êtes pas un homme bon. Un homme bon défend ses voisins. Un homme bon tient les rangs »). En cafardant, Brand a montré qu'il n'était pas fiable, qu'on ne pouvait pas lui faire confiance. Il a parlé, il est déshonoré.

Mais, c'est la guerre et le pays a besoin de tous les hommes de valeur. Hunnan et Brand se retrouvent. Les deux n'ont pas changé. Hunnan est convaincu qu'il faut faire ce qu'il y a à faire, quitte à se salir les mains et avoir des actes déplorables. Brand, lui, cherche la moralité, s'interroge, se demande si c'est bien ou mal. Hunnan obéit aux ordres : « Nous sommes en guerre. Le bien n'a pas sa place ici. Le roi Uthil a dit que l'acier serait la réponse, donc l'acier, ce sera. » Brand refuse de tuer un vieil homme, il est convaincu que ce n'est pas bien, que ce n'est pas ce qu'il faut faire. Son comportement confirme les idées d'Hunnan qui affirme que « vous avez obtenu une seconde chance, mon garçon, mais je commence à me dire que j'avais raison, après tout, et que vous tenez davantage de mère Paix que de mère Guerre ». Hunnan ne peut que mépriser ce garçon qui refuse d'agir, qui est paralysé par le doute. Pire, au moment de prêter serment devant le Roi, Brand affirme publiquement sa différence. Il ne refuse pas seulement de le faire, il remet en cause également les actes d'Hunnan et s'affirme comme ayant une voix différente. Il dit que « Maître Hunnan a tué un vieux fermier l'autre nuit et j'ai été trop lâche pour l'arrêter (…) il a demandé à trois disciples de se battre contre une seule pour son test et j'ai été trop lâche pour la défendre. Défendre les faibles contre les forts, n'est ce pas ce qu'est censé faire un guerrier ? » ; visiblement, Brand en avait sur le cœur et c'était l'occasion de dire ce qui lui pesait. En faisant cela, Brand s'affirme comme un homme à part.

Epine, elle, a eu la vie sauve. Yarvi a décidé de la prendre en main et après un entraînement particulièrement dur et surprenant elle est devenue une guerrière, une combattante de très bon niveau. Elle devient même le Garde Élu de la Reine. Elle détonne avec son physique particulier (frêle, cheveux à demi-rasés) et ses réparties (elle n'est pas la dernière à blaguer). Quand elle est choisie par la reine Laithline lors d'un duel contre l'ennemi Grom-gil-Gorm, Hunnan est dégoûté : « au premier rang, maître Hunnan fronçait tant les sourcils que son front menaçait de se fendre. Brand lisait le dépit et le dégoût sur leurs visages ».

Epine est défaite par Grom. Brand, lui, se met à travailler l'acier et devient l'apprenti de Yarvi. Les deux se sont avoués leur amour. Mais, Epine n'en a pas fini avec Hunnan. Elle sait l'homme cruel et méprisable et elle veut lui enseigner une leçon. Elle n'est plus la gamine qui se faisait marcher dessus, elle est devenue celle qui a affronté Grom et a survécu. Elle est devenue respectable et respectée. Elle interrompt donc une session d'entraînement en voyant que les mêmes choses se répètent : les plus fragiles physiquement se font à nouveau maltraiter par de grosses brutes. Ce pathétique spectacle la révulse. Elle a dorénavant la légitimité pour s'imposer et arrêter cette mascarade (« je pense que le garçon est une brute maladroite. Mais, ce n'est pas sa faute. Son instructeur l'est aussi. Pareil pour elle. La seule personne à qui ce combat fait honte, c'est leur maître d'armes »). Elle défie clairement Hunnan et finit par lui imposer sa volonté. Elle se comporte comme une teigne, ne le quitte pas du regard. Et Hunnan baisse la tête.

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