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jeudi 30 décembre 2021

Heur, corrompu par Castelcerf ?

Quand démarre la seconde saga de l’assassin royal, Fitz a, selon le point de vue, zéro ou deux fils. Devoir a été conçu par Vérité en empruntant son corps et Heur lui a été donné par Astérie après qu’elle ait trouvé le jeune homme abandonné. Heur mène une vie paisible loin de la grande ville. Il grandit et Fitz se rend compte qu’il faut qu’il offre des perspectives d’avenir à son fils adoptif. Le hasard faisant bien les choses, il est rappelé à Castelcerf par la famille royale. Heur l’y rejoindra plus tard et commencera alors sa chute.

Quand Heur arrive à Castelcerf, son père adoptif a très peu de temps à lui consacrer. Il est tout occupé aux affaires de la famille Loinvoyant, il n’a pas le temps de surveiller son installation ni son début d’apprentissage. C’est une amie des deux (Jinna) qui se chargera de Heur, mais la femme a aussi son activité à gérer, sa vie à mener. Elle garde un œil sur Heur, ce n’est pas suffisant. Fitz finit par revenir à Bourg-de-Castelcerf et tout de suite Jinna lui annonce que les choses sont en train de mal tourner : « je songeai, depuis quelques temps que, plus tôt vous reviendriez et auriez une bonne discussion avec lui, mieux cela vaudrait pour lui. Je ne veux pas jouer les commères de village, mais il a besoin qu’on le reprenne en main ». Fitz est, bien entendu, surpris par cette déclaration. Pour lui, Heur est un bon garçon, un gentil jeune homme, un adolescent. Sans doute que Fitz a en mémoire sa propre adolescence et tout ce dont on l’a privé, et qu’il ne veut pas répéter les mêmes choses avec Heur. Il désire lui laisser son innocence de jeune homme, il veut le laisser explorer ce que la ville peut offrir (« je crois que je vais le laisser vivre sa vie d’adolescent, tomber amoureux d’une fille, rentrer à des heures indues, et se réveiller avec une méchante migraine avant de se faire réprimander par son maître parce qu’il est en retard »). Jinna a beau lui répéter qu’il fait erreur (« oui, parce que vous viviez à la campagne, pas au milieu des tavernes et des jeunes femmes), Fitz n’entend rien. Se mettent alors en place les conditions pour qu’Heur s’éloigne de tout ce que Fitz lui a appris.

A Castelcerf, Heur a décidé de suivre une formation de menuisier. Fitz décide de voir comment cela se passe et se rend compte qu’Heur y met beaucoup de mauvaise volonté, qu’il ne se sent pas à sa place. Il ne regrette pas tellement d’avoir choisi cette formation, il a l’impression qu’il est sous-estimé, il ne comprend pas pourquoi il doit rester avec des gamins bien plus jeunes que lui. Ce que voit Fitz le désole clairement : « Heur affichait une mine sombre, comme s’il prenait pour un affront personnel la corvée inintéressante mais nécessaire qu’on lui avait confiée (…) à la chaumière, il ne rechignait jamais à la tâche, mais aujourd’hui je décelais de la colère dans tous ses gestes et de l’impatience à travailler avec des enfants moins âgés et moins robustes que lui ». Ce que Fitz a refusé de voir va lui revenir en pleine face : Heur est tombé d’amoureux d’une jeune femme appelé Svanja. Dès lors, tout va s’accélérer.

Fitz cherche à limiter la casse, il tente de raisonner Heur : « je te trouve un peu jeune pour courtiser une fille ; mieux vaudrait attendre que tu aies des perspectives d’avenir solides et de quoi subvenir aux besoins d’une épouse ». Mais, que sont des paroles de raison face à l’amour d’un adolescent ? Heur décide de poursuivre sa relation avec Svanja. Ce qui déclenche l’inquiétude de Fitz et la colère du père de Svanja, Rori Cordaguet. Fitz comprend vite la personnalité de Svanja et qu’elle créera des problèmes à Heur. La jeune femme n’a pas seulement conquis le cœur de Heur en l’embrassant ou en couchant avec lui, elle a également montré une certaine forme de liberté, d’autonomie (« son père portait sur Heur un avis moins charitable (…) qu’une jeune femme à l’esprit indépendant affiche une telle hardiesse ne manquait pas de panache, mais j’étais père moi aussi, et la personnalité de celle sur laquelle Heur avait jeté son dévolu m’inspirait quelques réservés »).

Dès lors, Heur et Svanja doivent vivre une relation cachée. Le père de Svanja affiche clairement son hostilité, il accuse Heur d’avoir perverti Svanja. Si Svanja tourne mal, c’est essentiellement la faute de Heur. Lorsqu’il rencontre Fitz, il lui dit franchement ce qu’il pense ; ses mots sont durs et blessants : « je parle de ma fille Svanja et de ce paysan aux yeux de démon qui l’a séduite et arrachée au foyer de ses parents » . Autrement dit, le niveau social de Heur ne serait pas au niveau de celui de Svanja. L’accusation sur le physique est dure à entendre pour Fitz, il sait que Heur s’est longtemps interrogé sur sa réelle identité, sur ses réels parents.

C’est la première fois que Heur est amoureux. Il est aveuglé par les certitudes de sa jeunesse, il en devient même presque arrogant. Heur est convaincu que c’est Svanja et lui contre les autres. Il dit à un Fitz désespéré que «  s’il la met à la porte, je la prendrai avec moi, et je me débrouillerai pour subvenir à ses besoins. S’il la bat, je le tuerai. Et si ses amis la rejettent, c’est que ce n’étaient pas de vrais amis. Ne t’inquiète pas, Tom, c’est à moi de m’occuper de cette affaire maintenant ». Heur tourne donc le dos à Fitz, pas seulement à ses enseignements, mais aussi physiquement. Il lui fait comprendre qu’il n’a pas besoin de lui pour mener sa vie, que les conseils le dérangent plus qu’autre chose. Fitz ne sait trop comment réagit, il a une montée de violence tout en se rappelant qu’il fut un jeune homme dominé par son amour de Molly : « Jamais, je crois, j’avais été aussi furieux contre Heur, au point d’avoir envie de le rosser pour lui inculquer de force quelques notions de bon sens s’il refusait d’écouter la voix de la raison (…) aurais-je écouté la voix de la raison à son âge ? Non. Je pris conscience que je m’étais bouché quand (…) Patience m'avait expliqué que je ne devais plus voir Molly ».

Fitz s’ouvre de la situation à Jinna. Il se sent coupable, il pense être responsable de la façon dont Heur a tourné. Jinna tente de lui faire comprendre que non, que Heur doit accepter les conséquences de ses choix. Heur et Svanja ne sont plus des enfants, il doit cesser de les voir comme des petites choses à protéger (« quant à Svanja, elle sème le trouble partout depuis l’arrivée de sa famille à Bourg-de-Castelcerf (…) Heur non plus n’est pas un petit innocent qui commet des erreurs par naïveté ; ce n’est pas toi qui baguenaudes avec la fille de Cordaguet : c’est lui. Alors, cesse de te lamenter et de battre ta coulpe pour rien,et oblige Heur à prendre ses responsabilités »). Tout comme Jinna, le père de Svanja lui dit, à sa façon que Heur n’est plus un petit gamin : « Votre fils baise ma fille ! Ma petite fille, ma Svanja ! Et vous croyez qu’il ne fout pas sa vie en l’air !»

C’est une remarque en apparence anodine qui creusera un important fossé entre les deux. Du haut de sa prétention, Heur crache à Fitz que « tu t’imagines que toutes les femmes sont comme Astérie, mais c’est faux. Svanja est celle que j’aime pour toujours et on ne fait pas attendre l’amour ». Fitz s’en va.

Pour Heur, les choses s’aggravent. Svanja fait de lui ce qu’elle veut. Elle parvient à le convaincre que l’autre homme qu’elle voit n’est que le choix de ses parents. Si elle a cessé de le voir pendant un temps, c’est à cause d’eux. Elle réécrit leur histoire d’une façon qui l’arrange, joue le rôle de la jeune femme débordée par ses sentiments et qui ne sait quoi faire, comment réagir. Heur expose toute sa naïveté à un Fitz venu aux nouvelles avant son départ pour les îles d’outre-Mer : « elle a cru d’abord que nous resterions de simples amis et n’a pas vu de raison de m’avertir qu’elle était fiancée ; quand nous avons commencé à éprouver des sentiments l’un pour l’autre, elle a eu peur de m’avouer sa situation de crainte que je ne la juge infidèle à son prétendant ». Fitz réalise à quel point Heur ne contrôle plus rien : Svanja fait de lui ce qu’elle veut. Par exemple, quand Fitz lui donne de l’argent le temps de son absence, Heur propose spontanément de le donner à celle qu’il aime (« oui, je sais où le ranger - du moins, pas moi mais Svanja. Je lui demanderai de me le garder »).

De retour dans les Six-Duchés après avoir participé à la quête du Prince Devoir, Fitz apprend par Umbre que les choses ont mal tourné pour Heur (« il a eu des ennuis en ville et a perdu son apprentissage. Il vit avec les ménestrels depuis »). C’est Heur, en homme qu’il est devenu, qui viendra lui expliquer face à face ce qui lui es arrivé : « Svanja m’a pris mon argent et s’en est servie pour acheter des fanfreluches et attirer l’œil d’un autre homme (…) elle a épousé le drapier, qui a au moins le double de mon âge - et une situation, et de la fortune ». L’expérience est donc amère pour Heur. Malgré tout, le jeune homme n’a pas baissé les bras, il ne s’est pas laissé abattre. Il a réussi à surmonter la difficulté en se trouvant un nouvel avenir : il suit une formation de ménestrel.


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