Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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dimanche 2 mars 2025

[Joe Abercrombie] Le cas Bayaz dans la Sagesse des foules

Bayaz fait et défait les rois. Il n'agit pas par altruisme, pour un plus grand bien. Il est un Mage égoïste qui ne pense qu'à remplir ses poches et conserver le pouvoir. Ceux qu'il choisit doivent obéir à ses ordres et l'écouter (ou ses envoyés) en toute circonstance. 


Le roman La sagesse des foules est un livre de changement. L'Union est en pleine guerre civile et au Nord, Rikke doit assurer son autorité. L'inquiétude de Bayaz est donc légitime : il craint de perdre tout contrôle, tout ce qu'il a investi. Mais son caractère dominateur reste prépondérant ; il n'est pas le genre de personne à marchander, à demander. Sulfur, un de ses hommes de main, résume bien la chose : « il conchie ceux qui le critiquent.... Comme s'ils étaient des insectes ». Or, drapé dans son arrogance, Bayaz ne perçoit pas entièrement la colère et la détermination de ceux et celles qui veulent le mettre à bas.


La révolution en marche en Union a fait chuter le roi Orso. Le peuple a pris le pouvoir. Une assemblée, plus ou moins représentative, prend des décisions. Brisépée, un des hommes importants du mouvement questionne : « les Représentants du peuple doivent-ils passer chaque jour devant les statues géantes comme Harod le Grand ou le mage Bayaz ? » Les pantins de Bayaz ont donc perdu toute autorité : les membres du Conseil Restreint sont morts et Orso emprisonné. Les statues et les hommes, le peuple parvient donc à défaire deux symboles du pouvoir. 

Un autre à abattre est le système bancaire qui gangrène le pays. Savine rencontre aussi Sulfur et voir cette créature lui rappelle toutes ses peurs (« Savine sentit un frisson glacé courir le long de sa colonne vertébrale. Son père l'avait mise en garde contre Bayaz et les mages en général. Sans oublier Valint et Balk »). Là encore, on comprend qu'une autre force importante du changement en cours (Savine gagne l'amour du peuple en lui distribuant à manger alors que la famine se répand) a compris qui était l'ennemi. La référence à son père est intéressante puisque Sand dan Glokta a accès au pouvoir grâce à Bayaz : Bayaz l'a chargé de conseiller, fermement et fortement, le roi Jezal. Voir Sand dan Glokta se retourner contre Bayaz est une bonne illustration de la déchéance et de la perte de légitimité de Bayaz.


Orso, le roi déchu, est un bon témoin des forces à l’œuvre autour du pouvoir. Alors qu'il est emprisonné par les révolutionnaires, il a le temps de réfléchir sur ce qui se passe : ses échecs, la façon dont il a été utilisé et le futur de l'Union. Comme d'autres, il met en avant la surpuissance de Bayaz, le fait que ce vieux mage ne pense qu'à lui et à ses intérêts, et non pas de l'intérêt du peuple. Orso se remet même en question en sous-entendant qu'il laissait faire tant que cela lui permettait d'avoir du pouvoir (« un régime où la marionnette couronnée par Bayaz pouvait haranguer la nation d'une main... et lui faire les poches de l'autre »). Plus tard, Orso osera même dire publiquement ce qu'il pense. Il attaque frontalement Bayaz : « la prochaine dénonciation visera Bayaz en personne (…) c'était lui l'horloger démoniaque qui mettait en place le système de corruption dont chaque Citoyen de l'Union a un jour souffert ».

L'idée que Bayaz soit un mal imbattable est partagé par d'autres. Risinau, un autre instigateur de la révolution, ose tenir tête à Sulfur. Il lui dit que « Bayaz nous a sauvés des Dévoreurs, peut-être... Mais depuis, on se demande qui nous sauvera de Bayaz ». On comprend bien que Bayaz est la force dans l'ombre dont ils veulent se débarrasser. 

Plus tard, on apprend que c'est Sand dan Glokta qui a tout manigancé. C'est lui qui a organisé le grand changement pour détruire Bayaz. C'était, selon lui, la seule chose à faire : une opération insensée qui a causé des milliers de morts, a presque détruit un pays pour se débarrasser d'un mage quasi tyrannique. Sand dan Glokta ne voyait pas d'autres possibilités tant « Bayaz contrôlait tout. Dans son jeu, nous n'étions que des pions. Il possédait les banques, qui elles-mêmes possédaient les marchands, les nobles et même le Trésor public ».


Remis en cause dans l'Union, Bayaz se tourne donc vers le Nord où il espère se construire de nouveaux outils à manipuler. Mais, la nouvelle Reine du Nord n'est pas malléable. Rikke ne se laisse pas faire, elle n'est ni Bethod ni Calder. Elle tient tête à Bayaz qui le prend mal (« te parler est une folle aventure. Parce que tu t'éparpilles dans toutes les directions »). Rikke se rend compte qu'affronter Bayaz n'est pas chose aisée ; c'est la chose la plus compliquée de sa vie alors qu'elle a déjà affronté un bon nombre d'épreuves (« pour soutenir le regard de Bayaz, elle dut mobiliser toute sa volonté. Plus tout ce qu'elle avait appris et le souvenir de tout ce qu'elle avait perdu »).

Rejeté par Rikke, Bayaz n'a pas d'autre choix que chercher un nouvel allié dans le Nord, quelqu'un qui œuvrera pour détrône Rikke (et cela même si ça prend du temps). Il choisit Quatre-Feuilles, un Nordique notoirement connu pour être pragmatique et suivre celui qui lui permettra de survivre. Quand il rencontre Bayaz, le doute n'est pas permis sur son choix : « quelque chose dans regard glaça les sangs du vétéran. De quoi penser qu'il valait mieux ne pas avoir ce gaillard comme ennemi ». Bayaz explique à sa façon qu'il a fait de mauvais investissements, que ses anciens alliés l'ont déçu en privilégiant leurs propres intérêts au lieu de ceux de Bayaz : « Les gens, maître Quatre-Feuilles, sont un très mauvais matériau de construction. Ah, leurs pleurnicheries permanentes ! Leur intransigeance bornée : Leurs minables ambitions ! » Et, pour asseoir sa démonstration, Bayaz présente celui qui pourrait être le fils de Calder, l'ancienne force dominante du Nord (« ce qui m'intéresse, ce n'est pas ce qu'il est mais qui il est susceptible de devenir »). Là encore, Bayaz montre qu'il n'est pas un mage altruiste. Quand il soutient quelqu'un, c'est uniquement pour lui. Et comme il avait choisi Jezal, un soldat quelconque, il choisit un jeune homme qu'il pourra forger et qui se sentira redevable.


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