La foi a pris le dessus à Port-Réal. Cersei Lannister, la reine, n'est pas à l'abri et elle voit à quel point le culte est devenu fort et influent. Elle en a d'ailleurs la preuve quand elle se fait emprisonner comme n'importe quel individu. Elle n'a droit à aucun traitement de faveur : « son monde s'était rétréci à une cellule de six pieds carrés, un pot de chambre, une paillasse tout en creux et en bosses, et une couverture de laine brune, aussi mince que ses espoirs ». Les intentions sont claires : il s'agit de priver Cersei de tout confort pour la réduire à ce qu'elle est : une simple personne qui a commis des fautes et qui doit les avouer. Quand Cersei se plaint de son sort, la Septa Onella illustre bien cette idée. Pire, on a une première impression de la folie religieuse qui habite ce corps. Dans les propos de la septa transparaissent clairement l'impression qu'elle se sent investie d'une mission sacrée. Elle lui dit que « c'est la propreté de votre âme immatérielle qui devrait vous préoccuper pour l'heure, et non de telles vanités de la chair ».
Tenue à l'écart de tout et de tous, Cersei est donc à la merci de quelques illuminés. Ses mauvais traitements ne sont pas que physiques, elle est également mise au supplice mentalement. Par exemple lorsque Septa Scolera lui apprend que sa rivale Margaery Tyrell resserre ses griffes sur son fils (« La reine est auprès de lui en permanence »). Pour ne rien arranger, Cersei apprend que sa fille , Myrcella, a été gravement blessée ; cette nouvelle ne fait qu'ajouter à son désespoir (« ce n'était qu'une enfant, ma précieuse princesse. Et elle était si jolie »). Cersei comprend que tout lui échappe, qu'en tant que mère elle ne peut plus protéger ses enfants.
Cersei n'a aucune chance d'échapper à la condamnation. Ses accusateurs n'obéissent à aucune logique, ils sont fanatiques et aveuglés par leur foi. Ils sont d’autant plus dangereux qu'ils détestent Cersei pour ce qu'elle est : une femme. Les propos du Grand Moineau sont révélateurs : « on connaît bien la perversité des veuves, et toutes les femmes sont au fond des gourgandines, rompues à employer leurs charmes et leur beauté pour imposer leur volonté aux hommes ». Cersei n'est donc pas accusée, elle est déjà coupable. Kevan Lannister abonde : « j'ai discuté avec Sa Sainteté Suprême. Il ne te libérera pas tant que tu n’auras pas expié tes péchés ». Jugée ou pas, la marche d'expiation a pour but de l'humilier sous le prétexte du pardon. Il faut la dépouiller de tout ce qu'elle est : son statut de reine, son statut de femme. Il n'est donc pas étonnant qu'ils la mettent à nu et qu'ils la tondent : il faut lui enlever tout son charme, toute sa vanité. Il ne s'agit même pas d'un nouveau départ mais la volonté de la réduire à rien. Cersei résume bien les choses. Elle note qu' « ils m'ont retiré ma couronne et les voilà qui me volent également celle-ci (…) Quand l'acte fut accompli, elle fut aussi nue et vulnérable que femme pouvait l'être ».
Dès lors, Cersei effectue sa marche d'expiation. Nue, tondue, elle offre son corps à la foule déchaînée, une foule qui aime le sang et qui aime voir ceux qui les dirigent être maltraités (Ned Stark ou les émeutes de Port-Réal lors du règne de Joffrey Baratheon). Les propos de la Septa Onella sont crus et durs. Cersei est réduite à peu de choses et son comportement exposé à tous : « une pécheresse se présente à vous. Elle se nomme Cersei de la maison Lannister, (…) et elle a commis de graves faussetés et fornications ».
Cersei est alors insultée et reçoit un bon nombre de projectiles, tous plus dégradants les uns que les autres. Elle tente de faire front (« les mots sont du vent. Des mots ne peuvent faire aucun mal »). Mais très vite, elle craque et chute. Son corps la trahit tout comme son cerveau. Elle voit des choses qui ne sont pas réelles. Elle croit voir dans la foule amassée des gens qui ont marqué sa vie et pour qui elle éprouve du ressentiment ou du mépris, voire de la haine, ou des regrets et des remords. (« La reine commença à découvrir des visages familiers (…) lord Tywin (…) Melara Cuillêtre (…) Ned Stark (…) la petite Sansa (…) son frère Tyrion (…) Joffrey »). Elle plonge alors dans une introspection. Elle qui avait toujours compté sur sa beauté se laisse convaincre par cette marche de la honte que ce n'est pas le cas. Les insultes sur son corps la touchent et la minent. Les remarques dégradantes la forcent à jeter un nouveau regard sur elle-même : « Elle ne se sentait pas belle. Elle avait le sentiment d'être vieille, usée, sale, laide. Son ventre présentait des vergetures, conséquences des enfants qu'elle avait portés, et ses seins n'étaient plus aussi fiers que lorsqu'elle était plus jeune ».
La conséquence de tout cela est nette. Cersei fait face à sa pire peur : ne plus être une actrice importante de l'histoire et tout perdre. Perdre tout ce qu'elle a construit au profit d'une autre. Il n'est donc pas étonnant de la revoir ressasser des paroles entendues des années auparavant (« Reine tu seras jusqu'à ce qu'en survienne une autre, plus jeune et plus belle, pour te jeter à bas et s'emparer de tout ce qui te tient le plus chèrement au cœur »). La folie religieuse a donc réveillé en Cersei une de ses pires craintes.
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