Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

jeudi 20 février 2025

La prison corporelle de Caudron

Caudron est une vieille femme. Elle le parait tellement que Fitz s’attend à ce qu’elle décède lorsque le groupe s’enfonce dans les Montagnes afin de chercher Vérité. Contre toute attente, Caudron tient le rythme, avec difficulté parfois. Mais, on ne peut pas limiter Caudron à son apparence physique : elle semble érudite, passionnée par les questions liées aux prophéties. Surtout, elle semble cacher quelque chose. On comprend au fur à mesure de la lecture que c’est quelque chose qui la hante et la retient. Caudron n’est pas qu’usée physiquement, elle est aussi tourmentée à l’intérieur.


Fitz est énervé par le silence de Caudron. La femme sait des choses et ne dit rien. La femme fait des remontrances à Fitz et il le prend mal. Elle ne cesse de mettre en avant des prophéties et Fitz ne le tolère plus. Durant un long moment, il le supporte. Mais, il finit par éclater et la colère le prend. Fitz est rarement en colère, il dit rarement des choses gratuitement méchantes ; mais des colères presque enfantines le prennent parfois. C’est ainsi qu’il éructe : « vous avez peut-être ici appelée avec un rôle à jouer, par exemple, combler notre ignorance de façon que nous puissions accomplir votre satanée prophétie (…) je crois que vous vous taisez pour des raisons personnelles ! Parce que vous avez honte ! » Ce coup de colère résume parfaitement les hantises de Caudron.


Quand Caudron se livre, on comprend qu’elle a fait un acte ignoble qui l’a brisée. En réalité, Caudron a l’Art et a tué une membre de son clan d’Art (« je l’ai tuée sur un coup de colère (…) alors on a brûlé mon don et on m’a rejetée ; on m’a exilée pour toujours (…) j’ai provoqué en duel d’Art un membre de mon propre clan et je l’ai tué. Et c’était impardonnable »). On peut comprendre la détresse de Caudron tant l’Art semble créer des liens forts. On l’a bien vu à la façon dont Fitz a ressenti la mort de Subtil par exemple, mais aussi entre les membres du clan de Royal qui ressentent fortement la disparition des uns des autres bien que ce soit un groupe assez dysfonctionnel. A chaque fois, les artiseurs sont durement éprouvés. 


Si Caudron a tué quelqu’un, c’est par dépit amoureux, par jalousie. Elle était amoureuse d’Etance (le leader du clan) et elle l’a trouvé avec une autre. Cette autre personne n’est pas n’importe qui : c’est sa soeur. Caudron a donc trahi son clan, brisé un lien familial important. Deux artiseuses soeurs ont forcément des liens encore plus forts. Lorsqu’il l’apprend, Fitz est scandalisé. Sa réaction laisse peu de place au doute (« Sa soeur ! Pas seulement un collègue de clan, mais sa propre soeur ! Et elle l’avait tuée par fureur en la trouvant en compagnie d’Etance »). Caudron a donc été dépassée par sa passion et sa haine. Elle a perdu ses moyens.

Sa punition a été à la hauteur de son crime. Caudron confesse que « je me suis retrouvée telle que vous me voyez, murée en moi-même, incapable de franchir les remparts de mon propre corps, incapable de revoir le toucher de ceux qui m’étaient chers ». Pour un artiseur, il n’y a pas pire punition que d’être coupé du monde. Caudron l’a été. Elle a dû vivre de longues années avec son crime en tête et avec l’impossibilité d’en être guérie. Sa punition a été décidée par la reine Diligence qui a clairement exprimé ses motifs : « elle a dit qu’elle n’imaginait pas pire sanction, qu’un jour, dans mon isolement, j’appellerais la mort de mes voeux ». Autrement dit, Caudron a été condamnée à un long et lent suicide. Il s’agissait de lui infliger une agonie sur plusieurs années, de lui faire revivre encore et encore le fait qu’elle ait tué sa soeur.


C’est Fitz qui libèrera Caudron de sa peine. D’ailleurs, à cette occasion, il ne fait pas que libérer Caudron mais aide aussi, au final, Vérité à bâtir son dragon d’Art et de pierre. Il est très compliqué de bâtir un dragon seul, il faut au moins un clan d’artiseurs. Or, Vérité s’est lancé dans cela seul et sa tentative était vouée à l’échec.

Sans Caudron, Vérité n’aurait donc pas pu sauver les Six-Duchés. Et sans Fitz, Caudron n’aurait pas pu se réunir avec sa soeur : « je dois la mettre dans le dragon ! Elle vivra éternellement dans le dragon, comme nous l’avions prévu ! Toutes les deux, enfin réunies ! ».

Forger un dragon est se condamner à la mort. Cela n’effraie pas Caudron car elle attend ça depuis de nombreuses années (« il faut emplir le dragon ; Vérité et moi devons y mettre tout ce que nous sommes (…) C’est facile pour moi : Eda sait que j’ai vécu plus que ma part d’années »). On note un changement dans l’état d’esprit de Caudron : elle ne veut plus mourir pour mettre fin à sa peine mais la mort sera pour elle une chance de vivre pour toujours avec sa soeur. Sans compter qu’elle participera aussi à l’accomplissement de prophéties…


Plus Caudron se donne au dragon, moins elle a d’énergie, plus elle fait son âge. Il faut dire que Caudron a plus de deux cent ans ! Si elle a vécu aussi longtemps, c’est grâce à l’Art. Sans l’intervention de Fitz, elle aurait sans doute continué à lutter avec ses démons internes pendant de longues années.

Caudron offre un spectacle pathétique. On peut lire qu’ « elle prenait lourdement appui sur un bâton et la peau de son visage semblait pendre de ses os ». Le dragon lui prend beaucoup, il lui prend aussi ses sentiments. Elle n’est plus qu’un visage froid, une femme sans émotions incapable de compatir à la détresse des autres  Pour certains, elle peut paraitre froide. Fitz, lui, comprend ce qui se passe ; elle « exprimait intellectuellement ce qu’elle aurait ressenti naguère. Elle avait de la peine pour moi, mais il ne restait plus de peine en elle à quoi la comparer ». 

Au final, l’éveil du dragon est une libération pour Caudron. C’est la fin d’un long voyage (« elle nous avait dit adieu d’un air distrait, et elle faisait à présent les cent pas devant la créature, essoufflée »). Caudron est donc arrivée au bout de sa vie et elle n’attend que ça.

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