Les abominations sont les Autres.
Les serpents deviennent des dragons. Voilà idéalement ce qui passe : les dragons ont des oeufs sur l’Ile des Autres, les serpents vont jusqu’à un lieu de nidification, s’enferment dans un cocon dont prennent soin des Anciens et en ressortent comme des dragons.
Les choses ont changé et les dragons ont disparu. Leur existence est devenu un mythe et ceux qui fouillaient les ruines du Royaume des Anciens ont été incapables de se rendre compte que ce qui devenait ensuite une vivenef était en réalité un dragon. Combien de dragons sont devenus prisonniers, forcés de devenir une vivenef ? Difficile de savoir. Et, ce n’est même pas la pire chose qui peut arriver. En effet, un dragon peut donner naissance à une créature appelée Abomination.
Alors qu’elle est assez naïve sur la question des dragons, Ambre (le Fou) en est presque à envisager une existence pacifique entre les deux espèces, et même une influence de l’une sur l’autre. Cette idée ne fait pas que rire Parangon, la vivenef folle. Elle l’alarme. Parangon met en garde Ambre de ne pas envisager cette idée, ce serait une hérésie : « des dragons mêlés d’humain ? Sais-tu ce que c’est ? Des abominations ? Voilà ce que sont ceux qui naissent et grandissent sur l’île des Autres, ceux qui sont autant des humains que serpents, et qui ne sont donc ni l’un ni l’autre ! Ce ne seront jamais des dragons ».
Il faut bien préciser que cela n’a rien à voir avec un Ancien puisque les Anciens résultent d’un choix volontaire et assumé d’un dragon de changer un humain. Dans le roman Sur les rives de l’Art, Kanaï nous apprend qu’une abomination est une catégorie à part, un être qui n’a rien à voir avec le reste. Les dragons et les Anciens ne leur accordent aucune valeur, ne leur apportent aucune reconnaissance. Quand Kanaï en parle, c’est avec des mots durs et méprisants : « elles apparaissent quand une dragonne qui a vécu trop longremps avec des hommes pond des oeufs, et qu’ils ne donnent pas des serpents mais des créatures qui ne sont ni serpents ni humains ni Anciens, monstrueuses et maléfiques ». Il ajoute que « nous les massacrerons ». Autrement dit, on pourrait presque dire que les abonminations sont le secret honteux des dragons. Si il existe des abominations, c’est à cause des dragons. Pour ne rien arranger, les abominations ont survécu au cataclysme qui ont détruit les dragons. Ces bêtes ont même capturé le serpent qui conserve la mémoire des dragons et s’en sont servis pour influencer les rares humains visiteurs de l’île des Autres en faisant des prophéties.
Si les abominations ont survécu alors que les dragons sont morts, c’est sans doute parce que les dragons les ont écartées et leur ont permis d’éviter les tremblements de terre, éruptions et autres joyeusetés. C’est le Fou qui informe Fitz que les dragons « considèrent leurs rejetons modifiés comme une honte et les exilent. Tu as visité l’île des Autres ».
Le grand ennemi des dragons sont les gens de Clerres et en particulier les Serviteurs. Ces derniers sont engagés dans une lutte à mort et sont prêts à tout pour terrasser les dragons et les Anciens. Ils n’ont rien fait pour empêcher les dragons d’échapper à la grande catastrophe alors qu’ils savaient que cela allait arriver. Ils avaient en fait interprété les rêves des Blancs.
Les ennemis se rapprochent. Il n’est donc pas étonnant de voir que les Serviteurs et les abominations ont créé des liens. Ambre et Parangon livrent un témoignage intéressant : « il dit qu’il y est déjà allé, et qu’Igrot avait des relations avec les Serviteurs ; de quelle sorte il ignore, mais peu après leur visite à Clerres, il a emmené Igrot à l’île des Autres, pour entendre son avenir ». On peut supposer que ce sont les Serviteurs qui ont conseillé à Igrot d’aller là-bas.
L’île des Autres semble être l’endroit de prédilection des grands pirates qui veulent se forger une destinée. Igrot y est allé, Kennit y est allé et Kennit y a emmené Hiémain, celui pour qui il avait des sentiments ambigus, qu’il considérait presque comme un héritier (« Kennit m’a emmené là-bas pour voir ce que les Autres pouvaient prédire sur moi »).
Les Serviteurs craignent une chose : le retour des dragons. Ils savent que le retour de ces créatures signifiera leur fin puisque les dragons voudront se venger et auront le moyen de le faire. Les Serviteurs savent que les serpents peuvent devenir des dragons et ils décident de ne prendre aucun risque. C’est Abeille qui nous apprend la stratégie qu’ils ont mise en place pour limiter les risques. Abeille interpelle Prilkop : « saviez-vous qu’ils ont fait en sorte que des filets soient placés au large de l’île des autres, pour capturer et tuer les serpents afin qu’ils meurent et ne deviennent jamais des dragons ? »
Dans la Secte maudite, Fitz et Devoir traversent un pilier d’Art et se retrouvent sur une plage aux trésors sur l’île des Autres. C’est l’occasion, ou la malchance, pour eux de rencontrer une abomination. Fitz nous offre une description saisissante : « je n’arrivais pas à savoir si elle m’évoquait un reptile ou un mammifère marin ; ses yeux plats de carrelets placés sur le devant de la tête paraissaient bizarrement orientés et son crâne semblait excesivement gros, comme tumescent ».
Pour autant, malgré la présence des abominations, les dragons utilisent toujours l’île des Autres pour pondre des oeufs. Tintaglia s’y rend à la fin des Cités des Anciens, sous bonne garde. Kalo précise que « je voyage avec elle jusqu’aux plages de nidification pour surveiller le creusement des nids et tenir les Autres à distance ». Il faudra donc attendre bien plus tard (les romans Sur les rives de l’Art et le Destin de l’assassin) pour que les dragons détruisent les Autres. En acculant Glasfeu et en lui extirpant des souvenirs, Tintaglia se rendra compte de ce que sont réellement les Abominations et la nécessité de les tuer.
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