Sacrifice, voilà un mot qui peut résumer l'histoire de l'assassin royal. Vérité se sacrifie pour sauver son royaume. Fitz sacrifie Molly à ses devoirs de protection. A chaque fois, ce sont des hommes et des femmes qui se sacrifient pour un plus grand bien. Mais, une histoire, ce sont aussi des amitiés, ce sont aussi des personnes qui se trouvent et sont tout de suite liés. La relation entre Fouinot et Fitz en est un bon exemple, eux qui sont arrivés en même temps dans la vie : Fouinot vient de naître alors que Fitz est arraché à son foyer pour être confié aux Loinvoyant. Fitz atterrit dans un monde inconnu, où tout est gigantesque, où tout peut potentiellement l'effrayer. Ses premiers contacts (Burrich, Vérité, Jason) ne lui apportent pas beaucoup de chaleur. Il faudra attendre l'arrivée de Fouinot pour en avoir : « le troisième du groupe, Fouinot, un chiot, encore à mi-croissance, m'accueillit en me léchant les oreilles, en me mordillant le nez et avec force coups de patte joueurs ».
Alors qu'il arrive à Castelcerf, c'est avec Fouinot qu'il découvre la ville et les humains qui y vivent. Le jeune chiot le marque durablement, il lui apprend à faire preuve de prudence. Plus qu'Umbre qui lui a appris à se fondre dans le décor, c'est Fouinot qui instille la circonspection à Fitz. Il lui apprend qu'il faut se méfier des hommes et des femmes qui n'ont pas toujours des réactions logiques et peuvent être gratuitement méchants (« Fouinot capta une partie de ce que je ressentais, il se laissa tomber sur le flanc et exposa son ventre dans une attitude suppliante tout en battant de la queue »). Dans un monde hostile à Fitz simplement parce qu'il est un bâtard, la présence de Fouinot est la bienvenue : il n'est pas qu'un protecteur, il est aussi un ami. Ce lien est bien vu, notamment de Burrich qui « éclata de rire en nous voyant nous ruer sur la table et approuva sans rien dire ma façon de donner sa part à Fouinot avant de me caler les mâchoires ». Très vite, on comprend que le lien est fusionnel, qu'il n'y a quasiment pas de frontières dans leurs perceptions. Ce que l'un ressent, l'autre le ressent aussi. Les deux ne sont que des jeunes qui découvrent le monde. Ils évoluent sans limites, se prêtent à bon nombre de découvertes (« Fouinot partageait toutes mes expérience (…) je me servais de son nez, de ses yeux et de ses ma^mâchoires aussi spontanément que des miens et jamais je n'y vis la moindre étrangeté »). Cela est accepté par les gens que Fitz fréquente. Les enfants de Bourg-de-Castelcerf constatent que « Fouinot nous suivait, comme toujours. Les autres enfants avaient fini par l'accepter comme une extension de moi-même (…) Nous étions le Nouveau et Fouinot ».
Mais, toutes les bonnes choses ont une fin. C'est Burrich, très négatif sur la relation de Vif entre un animal et un homme, qui se charge de les séparer. Plus tard dans les livres, on apprendra que Burrich a une très forte connexion à cette magie et on saisira qu'il a fait preuve d'une magnifique hypocrisie en les séparant. Burrich est convaincu que le Vif peut empêcher Fitz de bien grandir, d'être une bonne personne. Il est le bourreau de ce qui existe entre Fitz et Fouinot : « le chien dégage et toi tu restes ! (…) Je veillerai à ce que son fils devienne un homme et pas un loup ». Pour le lecteur et pour Fitz, ce n'est pas seulement une déchirure, la fin d'une histoire : tout laisse à croire que Burrich a tué Fouinot tant ce qui se passe est brutal. Burrich est comme possédé, il semble avoir perdu tout sens logique. On lit qu' « il y eut un brusque éclair de douleur écarlate et Fouinot disparut. Sentant ses perceptions canines se diluer, je me mis à crier et à pleurer comme n'importe quel enfant ». Fouinot est parti et Fitz ne peut parler de sa perte à personne (« Fouinot me manquait de façon aussi lancinante qu'un membre dont Burrich m'aurait amputé. Mais nous n'en parlions jamais ni l'un ni l'autre »). Fitz tient donc Burrich comme responsable. Et pour ne rien arranger, il doit vivre avec le maître des écuries, il doit vivre avec celui qui lui a causé une énorme souffrance. Pour Fitz, c'est un nouvel épisode de séparation injuste, lui qui a été séparé de sa mère sans savoir pourquoi.
Des années plus tard, on retrouve un Fouinot bien vivant dans les Montagnes. Burrich ne l'a pas froidement assassiné mais l'a envoyé au prince Rurisk. C'est un soulagement, mais Burrich aurait pu éclaircir ce point avec Fitz au lieu de le laisser croire au pire. Fitz retrouve donc Fouinot et est content de voir qu'il a eu une belle vie (« dors, mon vieux. Tu as engendré assez de chiots pour te passer de chasser, bien que tu adores çà »). Immédiatement, Fitz va trouver Burrich pour mettre les choses au clair. Il lui reproche, à demi-mots, de l'avoir laissé dans l'ignorance et d'avoir développé tant de scénarios du pire dans sa tête (« j'avais toujours cru que tu lavais tué, Burrich, cette nuit-là, que tu lui avais fracassé le crâne, que tu l'avais égorgé, étranglé »).
Les événements dans les Montagnes confirment ce qu'on sait de Fouinot. Bien que séparé de Fitz, il a su trouver en son nouveau maître, Rurisk, un ami fidèle et un très bon compagnon. On en a la preuve lorsque Rurisk meurt : « comme en réponse à ma question, un cri qui exprimait le chagrin le plus absolu monta vers la lune. Le maître de Fouinot était mort ». Fouinot n'a même pas le temps de faire le deuil de Rurisk que Royal déploie ses tentacules. Le prince Loinvoyant, aigri et jaloux, planifie un coup d’État en tentant de tuer Vérité et d'épouser Kettricken. Son plan aurait pu fonctionner si Fitz n'avait pas mobilisé des ressources insoupçonnés pour survire et si Fouinot n'existait pas. Fouinot offre sa vie pour sauver Fitz. Il effectue un magnifique geste de bravoure, de sacrifice. Il le fait de façon totalement désintéressée, sans rien espérer en retour : « il avait planté profondément ses crocs usés dans ma main avant de parvenir à me sortir du bassin ». Fouinot utilise donc ses dernières forces pour aider fitz. Il y laisse sa vie (« Fouinot était mort. Je crois qu'il avait donné sa vie librement, en se rappelant notre affection mutuelle lorsque nous étions chiots. Les hommes ne pleurent pas leurs morts avec l'intensité des chiens. Mais nous pleurons de longues années »). Fitz est durablement marqué par cette mort. Et cette idée de sacrifice, de tout donner pour un homme qu'on estime, il la fera sienne afin d'aider Vérité.
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