Capturé par les hommes, Loupiot devenu Oeil-de-Nuit voit sa vie considérablement marquée par ses rencontres avec les hommes. S'il a fallu beaucoup de temps pour effacer sa défiance des hommes, il a trouvé en Fitz une personne qui devient son meilleur compagnon. Avec Fitz, il plonge dans une société humaine, avec ses étrangetés.
La relation entre Fitz et Oeil-de-Nuit n'a pas toujours été bonne. Le loup est marqué par ce qu'il a vécu, il a ses préjugés. Il est craintif et c'est légitime. Sa peur le rend méfiant, en colère. La première fois qu'il s'adresse à Fitz, ce sont des menaces et des paroles violentes, des propos durs et arrogants qui tentent de cacher ce qu'il a vécu et qui montrent aussi ce qu'a été sa vie jusqu'à maintenant : la captivité. Il gronde : « Je te tuerai. Tu es comme l'autre, un homme. Tu veux me garder dans cette cage, c'est ça ? » Les premières semaines sont donc compliquées. Mais, le loup n'a que Fitz, il ne peut s'attacher qu'à lui. Sans le vouloir, sans s'en rendre compte, les deux créent un lien. C'est leur solitude qui les fait se rejoindre. Malheureusement, Fitz aussi a son passé : le jeune homme a été éduqué par Burrich, il a déjà perdu deux compagnons de Vif (Martel et Fouinot). Lorsque le loup désire aller plus loin dans leur communion, Fitz le rejette brutalement (« Tu n'es pas un homme. Tu es un loup. Nous ne sommes pas de la même meute »). Pour le loup, c'est la confirmation que les humains sont des créatures égoïstes, dont il faut se méfier : « un grand frisson monta en lui. Il ne chercha pas à répondre, mais je perçus ses émotions et j'en fus glacé. Solitude et trahison. Abandon. »
En réalité, le principal écueil est que Fitz a beaucoup de mal, à ce moment de sa vie, à considérer qu'un animal puisse être son égal. Il ne se sent pas nécessairement supérieur mais il fait tout pour compartimenter sa vie. Pour lui, la place d'un loup n'est pas avec les hommes, et encore moins à la cour d'un roi. Il ne laisse donc aucun choix à Oeil-de-Nuit. C'est le reproche que lui fait le loup ; lui veut pouvoir choisir (« les hommes ! Ce sont les hommes qui croient pouvoir gouverner la vie des autres sans avoir de liens avec eux. Tu t'imagines que tu peux décider seul si tu dois ou non te lier. Mon cœur est à moi »).
Lié avec Fitz, Oeil-de-Nuit fréquente de plus en plus les humains. Il remarque qu'il a des manies étranges et qu'il a tendance à se compliquer les choses. Surtout, Fitz tente de séparer sa vie avec le loup du reste. Oeil-de-Nuit le lui reproche : « Tu es tout le temps en train de désigner des limites qui n'existent pas. La viande, la chasse, la défense du territoire et les femelles. Tout ça, ça fait partie de la meute. » Le loup mène un long et dur combat pour attirer Fitz, il cherche à le convaincre qu'il n'y a pas de mal à se lier. Le loup ne veut pas être seul, il fait ce qu'il peut pour montrer à Fitz qu'il n'est pas condamné à une vie de peines, qu'il peut avoir un lien qui réchauffe son cœur et son âme : « qu'ont à faire ceux de notre race des hommes et leurs mesquines manigances ? Il n'y a pas une bouchée de viande à tirer de leurs chamailleries, pas de joie claire dans leurs projets, et jamais de plaisir simple à prendre sans réfléchir. Pourquoi choisir leur monde ? » La perplexité du loup est donc manifeste : alors qu'il offre à Fitz une vie de chasse, de gibier apeuré, ce dernier revient sans cesse vers les intrigues humaines. A vrai dire, le loup n'a pas une bonne image des hommes. Son passé emprisonné est confirmé par ce qu'il voit à Castelcerf. Même pour des choses sérieuses comme la chasse, il s'étonne de leurs pratiques car « il n'y a que les hommes qui soient assez bêtes pour chasser en plein jour ».
Oeil-de-Nuit n'a pas de chance. Il se lie avec un homme plongé dans des intrigues et des complots. Lié avec Fitz, le loup se retrouve pris malgré lui dans cet engrenage. Il est là quand Fitz chasse les forgisés, il est là quand Fitz se fait menacer par Royal, il est là quand Fitz se fait battre à mort et torturer par Royal. Et il est là quand il faut offrir un corps temporairement à Fitz. Il offre un énorme sacrifice et n'en est pas récompensé. Fitz et Oeil-de-Nuit fusionnent dans le corps du loup, uniquement le temps que Burrich remette en état le corps du Fitz. Oeil-de-Nuit le prend mal, il a l'impression d'avoir été dupé. Sa réaction est sans équivoque : « il s'arrête au sommet d'une colline pour pointer le museau vers le ciel et pousser un hurlement. C'est l'injustice qui le fait hurler ».
A part une période où il partira à la recherche de semblables, le loup vit constamment à proximité des hommes. Il partage la vie de Fitz, notamment ses obsessions. Après son retour à la vie, Fitz n'a qu'une idée en tête : se venger de Royal. Le loup ne partage pas son enthousiasme : il n'a rien contre tuer mais ça doit servir, il doit pouvoir en tirer quelque chose (de la nourriture). Il remarque que « Royal, c'est la viande que nous ne pouvons pas manger. Je ne comprends pas la chasse des hommes ». Le loup finit par comprendre la nécessité de tuer Royal. Fitz et lui sont des prédateurs, des chasseurs, pas des proies. Ils ne peuvent passer leur temps à surveiller leurs arrières. D'ailleurs, on peut faire un parallèle avec ce qui se faisait avec les forgisés : les tuer n'était pas de la chasse mais c'était une activité nécessaire.
Le loup peut faire preuve d'une certaine forme de philosophie, en tout cas de réflexion. Il a sa propre façon de voir le monde, de concevoir les choses et elle ne ressemble pas à celle du Fou, de Fitz ou de n'importe quel autre personnage des romans. Il pointe du doigt certaines bizarreries humaine. il s'interroge sur la façon dont Fitz découpe sa vie (« le temps, pas le temps. Les hommes ont inventé le temps pour mieux se casser la tête (…) Pourquoi découper ton existence en petits bouts et donner des noms aux petits bouts ? ») Encore une fois, il montre que Fitz se complique la vie, qu'il se laisse déborder par des contraintes. En se comportant ainsi, il peut presque être comparé à des animaux domestiques ou de traits qui se soumettent aux humains. On en a un bon exemple lorsque Fitz et les autres recherchent Vérité dans les Montagnes et se mettent à marcher sur une route d'Art. C'est une création bien trop humaine pour le loup, il perçoit tout de suite son danger et n'y va que parce que son meilleur ami (Fitz) est en grande difficulté sans lui. C'est son choix, pas la volonté d'un autre qu'on lui impose. C'est tout le contraire des jeppas, ces animaux tenus en laisse en plus : « c'est comme les chevaux ou le bétail devant une rivière (…) l'homme arrive à les convaincre de traverser chaque fois qu'il désire atteindre l'autre rive ; pour moi ce n'est pas signe de grande intelligence ».
Au final, le loup n'a pas une très bonne image des humains dans leur globalité. Il ne peut leur pardonner les premiers mois de sa vie où il a été battu, il ne comprend pas certaines de leurs pratiques. Mais, il a eu de très bonnes relations avec certains : Fitz bien entendu, mais aussi Kettricken. A sa façon, il respecte Burrich et plus tard il aura l'esprit tourné vers la protection des enfants de Fitz (Heur, Devoir, Ortie et Abeille).
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