L’univers de la Première loi regorge de personnages courageux, impressionnants au combat, prêt à faire face à bon nombre d’adversité. D’autres le sont moins, sont même lâches et sont malgré tout récompensés par le destin (Jezal). Forley le Gringalet est un homme banal quand on le compare à ceux de sa bande. Il faisait partie d’un groupe légendaire avec Logen, Dow le Sombre, Renifleur, Rudd Sequoia… Tous des hommes ayant marqué l’histoire du Nord, des noms dont on chante la gloire bien après leur disparition.
Forley, lui, n’est pas choisi par un Mage pour avoir un beau destin. Il évolue dans une société impitoyable où il faut être fort pour gagner le respect. Lui ne l’est pas. Son prénom devient même un synonyme de faiblesse, d’allégeance. Ainsi, Logen finit par se retrouver en Union : il observe des soldats à l’entraînement et remarque à quel point ils ont l’air ridicules. Cela le fait réfléchir, il affirme à Bayaz que « jadis, un clan a envoyé son guerrier le plus pauvre, un dénommé Forley le Gringalet pour m’affronter en duel. Par ce geste, ses membres indiquaient qu’ils se soumettaient ». Pour autant, Logen ne méprise pas Forley, sinon il ne l’aurait pas accepté dans sa bande. Seulement Forley semble avoir conscience de ses limites, de ses capacités, de ce qu’il peut faire ou non.
Dans le premier tome de la Première Loi, le Nord est en plein changement. Logen a disparu, et Bethod se proclame Roi. Tous ne ploient pas le genou devant lui, mais tous aiment le Nord. C’est pour cela que la bande de Sequoia se sent obligé d’avertir Bethod qu’une nouvelle menace arrive (les Shankas). Forley se propose d’y aller alors que c’est dangereux et périlleux, qu’il pourrait ne pas revenir. S’il se propose, au-delà d’avertir du danger, c’est aussi qu’il sait que personne ne le craint réellement, que tout le monde sait qu’il n’est pas un combattant de qualité (« Je suis pas fort ! cria Forley. J’suis le Gringalet, tout l’monde le sait. Bethod n’a aucune raison de m’craindre, ni de me haïr. J’irai »). Forley fait la preuve d’un remarquable courage qui marque les gens du groupe. Ils savent, ils se doutent que l’issue sera fatale. Et elle l’est lorsque un homme de Bethod (le Hargneux) leur apporte le résultat de la venue de Forley : « un sac en toile de jute (…) atterrit juste aux pieds de Sequoia ; son contenu s’échappa en roulant sur le sol. Devant l’expression affichée par son vieux compagnon, Renifleur comprit qu’il avait deviné juste. Il s’agissait bien de la tête de Forley ». Forley est donc mort. Son décès aura de lourdes conséquences à long terme mais aussi à très court terme. Elle émeut les membres de sa bande. Lors de son enterrement, ils lui rendent hommage, on sent clairement leur émotion et leur respect pour Forley (« Renifleur crut voir une larme couler sur sur son nez… non, ce n’était que de la pluie. Dow le Sombre n’était pas du genre à pleurer »).
Dans le troisième tome, Dow retrouve Logen et lui explique ce qui est arrivé à Forley. Il lui dit qu’ « il est parti pour Carleon pour prévenir Bethod que les Shankas arrivaient par les montagnes. Ce salaud de Calder l’a fait tuer juste pour le plaisir ». Calder est le fils de Bethod ; ce qu’il a fait à Forley hantera longtemps Dow le Sombre et Renifleur, et sera une des raisons qui motiveront la haine envers lui. Logen, lui, est plus fataliste ; il se rend compte que ses proches disparaissent petit à petit : « Forley, Sequoia et Tul. Tous de bons camarades et tous morts ».
Dans le roman les Héros, Calder et Dow se font face. Calder cherche la paix, il veut sauver sa vie, ainsi que celle de sa femme enceinte. Il en a assez de se battre. Dow, lui, est le Roi du Nord et mène ses troupes face à l’Union. Lors d’un combat dans le Cercle, Calder défait Dow et devient le Roi du Nord. Calder cherche alors l’allégeance de Renifleur. Ce dernier refuse, il lui explique qu’il ne pourra jamais lui pardonner ce qu’il a fait à Forley (« tu as tué Forley le Gringalet. Il n’avait jamais fait de mal à personne, ce gamin. Il était venu pour te prévenir, et tu l’as tué »). Le lecteur saisit que Calder se sent toujours coupable de ce geste (c’est ce qu’il d’ailleurs à Renifleur). Pire, le souvenir de Forley le poursuit et l’empêche d’avoir des nuits paisibles (« tout en sachant pertinemment qu’il s’agissait d’un rêve, Calder ressentait chaque fois le même effroi glacé. Il voulait crier, mais sa bouche était figée. Il voulait bouger, mais il était aussi ligoté que Forley. Ligoté par ses remords comme par ses regrets »). C’est un fardeau dont il ne pourra jamais être débarrassé. La mort de Forley a donc eu un grand impact sur les hommes et également influencé indirectement le sort du Nord.
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