Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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jeudi 3 février 2022

Hest le manipulateur

Dans les romans des Cités des Anciens, le lecteur a la possibilité de plonger dans le vécu des familles de Marchands. Il apprend des choses sur leurs traditions, leurs coutumes. Et grâce à Hest et Alise, on se rend compte qu’un mariage n’est pas d’amour mais une longue tractation entre deux jeunes gens. Chacun doit y trouver son compte, répondre aux attentes des familles et protéger ses intérêts. Alise doit trouver un homme car sa famille s’inquiète de son caractère, Hest doit trouver une femme si il ne veut pas perdre la fortune familiale au profit de son frère. Conseillé par Sédric, un ami d’Alise, Hest décide donc de séduire Alise et les deux se marient.

Très vite, Alise se rend compte qu’elle a signé un contrat qui l’enferme dans une prison dorée, tant Hest est absent et méprisant. Et au lieu de blâmer son mari, elle décide d’endosser toutes les fautes, tous les torts. Elle rigole de sa propre naïveté, de ses propres mauvaises interprétations : «  Hest avait clairement établi les termes du marché, depuis le début ; c’était elle qui avait inventé un conte de fées ridicule et en avait habillé l’armature froide de leur contrat. Si elle devait en vouloir à quelqu’un c’était à elle, non à lui ».

Très vite, Alise se rend compte que Hest s’éloigne d’elle. Il est bien peu présent, vaque à ses affaires sans l’impliquer. Il n’est présent que pour accomplir son devoir conjugal. En effet, Hest a la nécessité d’avoir un héritier, il l’a clairement dit à Alise. Mais, après l’épisode calamiteux de leur nuit de noces, Alise est plus que réticente à partager son lit avec son époux. Ce dernier n’a pas d’autre choix que lui rappeler ses obligations, et même à la forcer (« si vous ne vous débattez pas, je ne vous ferai pas mal »). Bien entendu, Alise est marquée par ce qui lui arrive. Elle a mal, elle se sent usée et salie (« la douleur et l’humiliation avait donné à la jeune femme l’impression qu’il lui fallait une éternité pour en finir. Elle n’avait pas pleuré, quand il s’était enfin écarté d’elle pour s’asseoir au bord du lit, elle avait les yeux secs et la bouche close »).

Ce qu’Alise ne sait pas est que Hest a une relation intime avec Sédric. Hest aime les hommes, Hest aime sa façon de vivre. Il sait que tout ne tient qu’à un fil et qu’un rien peut tout gâcher. C’est pour ça qu’il est véhément quand Alise l’accuse d’avoir une liaison avec une autre femme. Il implique même Sédric sachant que sa femme croira ce qui sort de la bouche de son ami : «  Regarde Alise dans les yeux et dis-lui franchement : ai-je une autre femme dans ma vie ? » La réponse ne peut être que négative. C’est une tromperie de Hest, une utilisation déformée de la réalité. Il en profite pour jouer le déçu et le choqué, il se dit déçu du comportement et des suspicions de sa femme. Il enferme également Sédric dans une spirale de mensonge : le jeune homme ne peut être que dégoûté en silence de ce qu’il fait à sa meilleure amie. Sédric est clairement et indubitablement dominé par Hest. Hest fait ce qu’il veut du jeune homme : quand il l’envoie avec Alise étudier les dragons, il n’a pas son mot à dire. Là, malgré tout ce que lui a fait Hest, Sédric se sent obligé de surveiller Alise et de rabaisser ce qu’elle fait. Il pointe du doigt un comportement inconvenant, il lui rappelle sans cesse de se méfier de Leftrin (le capitaine de la vivenef sur laquelle ils naviguent et qui a des vues sur Alise). Loin de Hest, Sédric est tiraillé entre une forme de loyauté et une quête de début de sa propre indépendance. Il se rend compte que tout n’est pas sombre, qu’il aurait peut-être quelque chose à gagner de tout ça (« depuis trop longtemps, il dépendait entièrement de son ami sur le plan financier, et cette inégalité pesait de plus en plus cruellement sur leur relation. Hest n’était plus seulement autoritaire : il devenait durement dominateur ; si Sédric disposait d’une fortune personnelle, il lui manifesterait peut-être plus de respect »). Quand Sédric se penche sur son passé, sur ses liens avec Hest, il arrive à la conclusion qu’il a été abusée. Il a supporté et toléré beaucoup de choses et il s’en veut (« Hest avait pris plaisir à le dominer. C’était toujours lui qui envoyait chercher Sédric, et celui-ci accourait ; il n’était jamais tendre, jamais doux ni bienveillant, il riait des bleus qu’il laissait à son amant et ce dernier courbait la tête avec un sourire triste et acceptait ces traitements comme allant de soi. Hest n’était jamais vraiment allé trop loin, naturellement »).

A la recherche de Kelsingra avec les gardiens, Alise et Sédric créent de nouveaux liens. Les dégâts causés par Hest sur leurs personnalités les rapprochent. Mais, arriver à surmonter des années de rabaissement n’est pas aisé. Alise subit aussi la tradition de Terrilville qui implique qu’une femme doit soutenir son mari (on en avait déjà eu un bel aperçu avec la relation entre Kyle et Keffria). Alise remarque qu’elle « avait failli lui révéler qu’elle parlait quasiment jamais avec Hest et ne le voyait guère davantage, mais elle se tut par loyauté, ou peut-être par honte, et elle mesura soudait avec déplaisir à quel point Hest l’avait réduite au silence : même absent, il bridait sa parole ». Alise finit par se confier, en partie, à Sédric. Son ami insiste pour savoir si Hest a abusé sexuellement d’elle ou l’a frappée. Alise répond que non. Cela n’empêche pas qu’elle ait vécu des choses difficiles : « Non, il ne m’a jamais frappée ; mais il y a de nombreuses manières de se montrer violent avec une femme sans la frapper (…) il ne me frappe pas : ce n’est pas nécessaire. Il est cinglant et cruel quand on le contrarie, il peut m’humilier d’un seul regard, il peut me lapider à coup de mots sans cesser de sourire ». Hest a clairement l’emprise d’Hest, il a fait d’elle sa victime, sa chose. Il ne lui a laissé aucune échappatoire et il n’est donc pas étonnant qu’Alise se soit lancé dans l’étude des dragons avec passion : elle n’avait que ça.

Sédric et Alise partagent une même idée à propos de Hest : il est doué avec sa langué. Alise dit qu’« il a un talent absolu pour tordre les mots, pour me faire des compliments à la fin desquels tout le monde me regarde avec attendrissement tandis que je sens les piques qu’il m’a envoyées ». Sédric a donc le même avis (« quand il le souhaite, il peut t’accorder toute son attention et te faire croire qu’il n’y a personne de plus important que toi au monde (…) je n’arrivais pas à me convaincre qu’il m’avait choisi (…) il me donnait tout cela pour que j’aie l’apparence qu’il désirait, pour que je ne lui fasse pas honte avec mes habits usés ni mon goût déplorable en manière de chevaux ») : Hest a donc bien choisi ses victimes, Alise la jeune femme qui ne pouvait refuser une si bonne offre de mariage et Sédric le jeune homme ébloui qu’un homme si sophistiqué s’intéresse à lui. Et il les a façonnés pour qu’ils répondent à ses attentes, à ses besoins : lui faire un enfant, l’amuser, le distraire.

L’horreur d’ Alise montre d’un cran quand elle se rend compte que un bon nombre de gens étaient au courant de la duplicité de son mari. Elle interroge Sédric : « Riiez-vous de ma candeur, de mon absence de soupçon ? Les autres amis de Hest étaient-ils au courant ? Y avait-il des gens de ma connaissance, que je prenais pour mes amis, qui savaient combien j’étais stupide ? Jusqu’où allait cette tromperie dont j’étais la victime ? » Sédric n’a pas d’autre choix que d’être honnête. Oui, des amis d’Alise savaient et ne lui ont rien dit. Cela réduit encore un peu plus l’estime qu’a Alise d’elle-même. Alise et Sédric se réconcilient malgré tout le mal que Sédric a causé à Alise : le jeune homme s’en veut d’avoir été l’amant de Hest, il s’en veut d’avoir trompé son amie. Il questionne Alise tout en prenant bien soin de s’inclure dans l’aveuglement : « comment as-tu pu tomber amoureuse d’un homme pareil ? Tu as gaspillé ton amour pour rien ; vois comme nos vies en sont anéanties ! Avec Hest, nous ne pouvons espérer ni l’un ni l’autre connaître le bonheur – ce qui ne lui ferait ni chaud ni froid, je pense. » Les deux ont plus ou moins tourné la page Hest, il leur reste à se reconstruire et, pourquoi pas, trouver l’amour.


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