Ce qui marque chez Umbre, au-delà de sa vie nocturne et son métier d’assassin, est la facilité avec laquelle il change de costume. Il peut passer de maître assassin reculs au personnage de Dame Thym ou de conseiller royal officieux. Lorsque Royal prend le pouvoir, Umbre perd toutes ses ressources au château de Castelcerf et endosse une nouvelle fois un nouveau rôle. Il parcourt les Six-Duchés pour rencontrer des gens influents (comme Patience) ou se rend dans les Montagnes pour aider Kettricken. Il tente également de mobiliser, en coulisses, des individus avec des moyens contre les Pirates Rouges et le le règne de Royal. Pour cela il doit déployer son charme, une qualité qu’on ne pensait pas qu’il aurait.
L’histoire est vue à travers les yeux de Fitz. Ce dernier a toujours eu une vision biaisée d’Umbre, le voyant avant tout comme un mentor qui faisait passer les intérêts du royaume avant tout. Sa vision d’Umbre n’est pas nécessairement négative, il ne voit pas en tout cas en lui un homme de la cour qui cherche à courtiser et prendre du bon temps.
Mais, Umbre se révèle un homme aimable et sourieur alors que les Six-Duchés s’effondrent. A sa façon, il tente d’apporter un soutien moral à des femmes qui tiennent le pays à bout de bras ou qui peuvent le sortir de sa chute. Ainsi, il encourage Patience, lui offre quelques moments de réconfort en lui rendant visite. On en a un exemple avec Fitz qui voit une de leurs rencontres grâce à l’Art : « je vis Umbre qui prenait le thé avec Patience et Brodette, vêtue d’une robe de soie rouge piquetée d’étoiles, à la coupe très démodée, il adressait des sourires gracieux aux deux femmes et faisaient naître le rire même dans les mêmes yeux de Patience ». Il a la même attitude et les mêmes résultats avec Kettricken (« il parvient même à faire sourire Kettricken. On a peine à croire qu’il a vécu tant d’années isolé : il attire les gens comme une fleur les abeilles, il a une façon des plus charmantes de faire sentir à une femme qu’il l’admire »). Ce témoignage d’Astérie n’est pas anodin. Offrir quelques instants de répit à Kettricken est un réel exploit, elle qui vient de perdre un enfant et qui est sans nouvelles de son mari. Astérie nous apprend également qu’Umbre plait aux femmes, qu’il aune sorte d’aura bienvenue.
D’ailleurs, on en a la preuve lorsque, une nouvelle fois, Fitz joue bien involontairement les voyeurs. Il aperçoit une rencontre et une voleuse de chevaux qui se joint à la cause, non par patriotisme ou par appât du gain, mais grace à Umbre (« peut-être m’as tu gagnée à ta cause »).
Umbre n’a pas toujours été l’homme qu’il est au début de l’assassin royal. Si les choses avaient tournée différemment, il aurait pu mener une vie publique. Un accident a changé sa vie : « j’étais beau autrefois, beau et vain. Presque autant que Royal. Quand je me suis défiguré, j’ai eu de mourir ; pendant des mois, je suis resté cloîtré dans mes appartements ». En lisant entre les lignes, on peut supposer qu’il a bien profité de sa jeunesse. C’est cette attitude qu’il reprend lorsque la guerre contre les Pirates Rouges se termine. Kettricken, la nouvelle reine, impulse une nouvelle façon de gouverner ; Umbre n’est plus un espion, une créature de la nuit mais un proche qui profite de la vie. On lit qu’ « Umbre ne vit plus en cachette : c’est l’honoré conseiller de la reine. D’après Astérie, c’est un vieillard qui soigne trop sa toilette et recherche à l’excès la compagnie des jeunes dames ». Il est clair qu’Umbre ne cherche plus à soutenir les femmes, il est plus dans une logique de séduction et de conquête, un peu comme si il voulait rattraper tout le temps perdu seul.
La comparaison avec Fitz est troublante. Fitz a décidé de se couper du monde et de ne plus voir personne de son ancienne vie (à part Astérie). Beaucoup sont ceux qui le croient mort. Umbre, lui, est sorti de l’ombre. C’est ce qu’il dit à Fitz quand il décide de venir chercher son aide au début du roman le Prophète blanc. La vie lui offre plein d’opportunités qu’il a décidé de saisir : « il avoua qu’il appréciait son retour à la cour et à la société (…) il avait apparemment repris l’existence de jeune homme qui aimait tant à danser et à participer à la des soupers privés en compagnie de dames à l’esprit vif ». Il semble même que son charme lui joue des tours et qu’il soit débordé par les initiatives des femmes. Astérie souligne qu’Umbre a été « aux prises avec une jeune admiratrice de seize étés qui le suppliait de danser avec elle ».
La dernière partie de la saga, constituée des livres du Fou et de l’assassin, nous offrent un nouvel aperçu d’Umbre. Il a continué à fréquenter assidument les femmes et est même devenu père.
Il ne s’est pas contenté de satisfaire ses besoins sexuels en allant voir des prostituées. Fitz apprend de Cendre, une jeune personne qui s’occupe du Fou blessé, qu’Umbre se rendait fréquemment dans les bordels (« Sire Umbre n’a jamais été client de ma mère, donc ne craignez pas que ce soit mon père »). Umbre a cherché à construire plus, il a voulu plus que de simples relations sexuelles. Il se justifie face à un Fitz dubitatif. Umbre se sent jugé et il le prend mal : « qu’y a-t-il de si étonnant que j’aie eu des maîtresses, que des enfants soient nés ? J’ai vécu des années dans une solitude quasi complète, comme un rat derrière les murs du château de Castelcerf. Quand j’ai pu enfin en sortir, manger enfin un repas raffiné, pourquoi m’en serais-je abstenu ». Pour Umbre, c’est une revanche contre le temps; il veut avoir tout ce qu’il n’a pas eu. Il a exactement la même approche avec l’Art ou quand son corps commence à subir les épreuves du temps.
A la grande surprise de Fitz, Umbre a donc eu deux enfants : Evite (Pépite) et Lant (Vigilant). Très peu de gens savent qui ils sont réellement et seul Umbre sait qu’ils sont frère et soeur.
Quand il les confie à Fitz, Umbre tente d’en dire le moins possible. Ce n’est pas qu’il a honte d’être leur père, c’est qu’il est trop enfoncé dans sa culture du secret.
Pour Fitz, c’est un sujet de questionnement, presque de ragots. Il interroge Umbre (« Evite sait-elle qui est son père ? Elle n’a pas mentionné son nom ni celui de sa mère. Pourquoi avez-vous caché son existence à tout le monde ? Mais est-ce le cas ? Kettricken a-t-elle ajouté son nom à la généalogie des Loinvoyant non reconnus »). Umbre apporte des réponses qui confirment qu’il a cherché à profiter de la vie, des moments qui s’offraient à lui. Il s’est comporté en jeune homme de vingt ans alors qu’il avait déjà au moins trois fois cet âge : « une fête, une jolie femme charmeuse, du vin, des chansons et du gâteau à la graine de carris (…) Fitz, j’ai été le jeune homme que j’aurais pu être, et nous nous sommes retrouvés dans une chambre d’auberge à bas prix ».
En ce qui concerne Lant, la situation est un peu différente. Il ne s’agit pas d’une simple aventure d’un soir. Il a été réellement amoureux de Laurier et il aurait voulu construire quelque chose avec elle. Mais, Laurier, une ancienne femme de confiance de Kettricken, a refusé. Quand Umbre dit que « elle avait appris à trop bien me connaître, et, me connaissant, ne pouvait m’aimer. Elle a décidé de quitter la cour pour accoucher discrètement, loin de la vue de tous », on sent de la peine et des regrets dans ses propos. Si Laurier a agi ainsi, c’est sans doute qu’elle a vu son comportement à la cour de Kettricken, la façon dont il séduisait les femmes et montrait bien peu de sérieux avec elles. Malheureusement, Laurier n’a pas survécu à la naissance de Lant, au grand désespoir d’Umbre (« j’espérais encore de la persuader d’essayer de partager ma vie. Mais, le temps que j’arrive, elle était morte »).
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