Les deux premiers tomes de l'Age de la Folie montrent des pays et des territoires secoués par des transformations. L'Union est touchée par un début d'émeutes et la guerre n'est pas loin aux frontières. Quant au Nord, il est touché par des luttes intestines habituelles. Il y a donc bon nombre d'opposants et de gens qui ont des envies différentes. Pour autant, un semble manipuler tout cela en arrière-plan : Bayaz. S'il intervenait physiquement dans les tomes précédents de la saga (on se souvient de la façon dont il a manipulé Jezal ou Bethod), il s'appuie plus sur ses agents et sur la banque dans ces tomes.
Joe Abercrombie utilise le concept de banque pour montrer que les dirigeants politiques ne sont que des pantins. La situation est encore pire que l'asservissement frontal et déclaré. Jezal savait que Bayaz le dominait ; beaucoup ont conscience que la banque Valint et Balk dicte la politique de l'Union. Les responsables savent qu'ils ne font qu'illusion et que d'autres prennent les décisions importantes. Orso, le fils de Jezal, s'en rend vite compte alors qu'il cherche à financer une troupe de soldats. Le Lord Chancelier Gorodets le ramène à la réalité : « la Couronne a dû contracter de lourds emprunts. Bien trop lourds, devrais-je dire... Rien qu'à Valint et Balk, l’État doit une incroyable fortune ».
Ce sentiment de ne plus contrôler les choses est partagé par d'autres. Lorsque la ville de Valbeck est au bord de l'émeute, Risinau prend la parole. C'est un point de vue intéressant car l'homme fait partie de l'inquisition tout en œuvrant pour la révolte. Ses propos sont idéalistes et passionnées ; lui aussi comprend que quelque chose ne va pas : « depuis sa fondation par ce charlatan de Bayaz, l'Union se construit sur le dos des peuples. L'avènement des machines, la cupidité toujours grandissante des investisseurs, l'argent roi et les banques transformées en temple, voici les derniers et sinistres développements de notre malheureuse histoire ». On sent bien qu'il y a un aspect inéluctable : lutter contre la banque semble voué à l'échec. L'ennemi est clairement nommé : si le peuple est affamé et mal traité, c'est à cause de Bayaz et de tout le système financier.
Quelques personnages montrent clairement leur aversion soit parce qu'ils ont connu Bayaz, soit parce qu'ils ont fréquenté de trop près les banques.
C'est par exemple le cas de Caul Shivers qui n'a pas oublié son voyage en Styrie et son cambriolage d'une banque. Il est donc bien placé pour dire à Rikke, la fille de Renifleur, que « je me méfie de ces temples du fric ».
Savine est la fille de l'Inquisiteur Sand dan Glokta. C'est également une femme d'affaires. Ces deux faits lui permettent donc d'avoir un avis assez intéressant sur la banque (« même pour une banque, Valint et Balk avaient une réputation calamiteuse. Plus d'une fois, le père de Savine lui avait conseillé de ne jamais traiter avec cet établissement. Avec ces gens, quand on avait une dette, ça durait éternellement »). Voir Sand dan Glokta inquiet est révélateur. Il en faut beaucoup pour susciter ce genre de choses chez lui. Il faut dire qu'il sait que Bayaz est derrière tout ça : s'endetter vis-à-vis de la banque, c'est se condamner pour toujours (« Valint et Balk, c'est de la vermine. Des parasites. Pire, des sangsues ! Quand ils se collent à toi, pas moyen de s'en débarrasser »).
Shenkt, lui, s'est retourné contre Bayaz. Dans Servir froid, il permettait déjà à Monza de ne pas tomber dans les griffes de Bayaz. Dans le troisième tome, il affirme que Valint, Balk et Bayaz, ce sont « trois noms pour la même chose ». Autrement dit, il n'est pas étonnant de voir la banque être si perverse et si retorse quand on voit à qui elle appartient. Ce point de vue n'est évidemment pas partagé par tous. Sulfur, un homme de Bayaz, fait remarquer aux responsables de l'Union que « c'est un établissement financer, pas une association caritative ». La banque n'est donc pas animée par de bons et nobles sentiments, elle n'est pas là pour aider, elle est là pour faire du profit. C'est Bayaz lui-même qui illustre bien l'importance de la banque après qu'un bâtiment ait été détruit lors des émeutes à Valbeck : « la banque de Valint et Balk ! Une attaque contre une entreprise ! Contre le progrès et l'avenir ! » Les choses sont claires : la banque est le jouet de Bayaz et elle doit lui permettre d'asseoir son autorité. Attaquer une banque revient à remettre en cause sa vision du monde. C'est un affront impardonnable.
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