Les Aventuriers de la Mer nous permettent de suivre les aventures de la famille Vestrit. Ephron et Ronica ont eu plusieurs enfants et seulement deux sont vivants quand démarre le récit : Althéa et Keffria. Deux filles donc car les fils sont morts lors d'épisodes de Peste sanguine. Cette épidémie a frappé plusieurs fois. Si on ne sait pas trop comment elle se manifeste, comment elle prend naissance, on sait qu'elle est extrêmement létale. La maladie ne fait pas que tuer, elle brise des familles, elle marque durablement dans leurs cœurs et dans leurs esprits ceux qui ont survécu. Il y a clairement un avant et un après comme le pense Keffria : « la Peste sanguine avait mis fin à ces jours heureux. Parfois, Keffria avait l'impression que toute joie, tout enjouement, tout bonheur simple avait péri dans la maison en même temps que ses frères ». Les gens perdent fils, filles, époux, épouses, amis. C'est leur vie qui bascule ; ils perdent quelque chose qu'ils ne retrouvent jamais ou qu'ils ne cherchent même pas à retrouver (« Ronica se rappela soudain que l'année de la Peste sanguine avait pris à Davad tous ses enfants et l'avait laissé veuf. Il ne s'était jamais remarié »). Il n'est donc pas étonnant de voir que la maladie a marqué les esprits des habitants de Terrilville, qu'ils la craignent, qu'ils ont peur de la voir revenir. On en a un bon exemple quand l'inquiétude gagne la ville à la vue de voiles de Chalcède et du Gouverneur : « c'est la Peste sanguine, déclara quelqu'un dans la foule. La Peste sanguine est revenue à Terrilville. »
Les Vestrit ont donc payé un lourd tribut à la maladie. Ils y ont laissé des fils qui auraient pu être utiles au développement des affaires familiales. Ronica, une femme forte, une femme qui sait surmonter l'adversité, est encore touchée, atteinte par ça. C'est probablement le plus grand traumatisme de sa vie. Car, « la Peste sanguine avait emporté tous ses fils, l'un après l'autre, au cours de cette année atroce de maladie, et, aujourd'hui encore, presque vingt ans plus tard, Ronica sentait son cœur se serrer quand elle y pensait ». Les Marchands paient un lourd tribut : la situation est dure pour eux, d'autant plus que certains pensent qu'ils sont en partie responsable de ce qui se passe. En effet, la vitalité de Terrilville repose sur le commerce, et notamment sur les échanges avec les villes du désert des Pluies. Or, dans ces dernières, on creuse pour trouver des objets et autres du temps des Anciens, et on prend le risque de faire remonter la maladie. C'est en tout cas ce que pense l'éploré Davad Restart : « sa femme et ses enfants avaient péri, des années auparavant, quand les habitants du désert des Pluies avaient amené avec eux la Peste sanguine. Il y avait eu tant de morts, alors, tant de morts. La peste l'avait épargné lui, avec cruauté, l'avait laissé seul en tête à tête avec ses souvenirs ». Ce point de vue est partagé par d'autres. C'est le cas d'Ephron Vestrit (« depuis l'époque de la Peste sanguine, il avait toujours refusé de remonter ce fleuve »). C'est un choix significatif car naviguer sur ce fleuve aurait sans doute permis à sa famille de ne pas sombrer. Mais, il a tellement été marqué par ce qu'il a vécu qu'il a préféré renoncer. Des années plus tard, Keffria demande à sa mère si son père pensait « que la peste sanguine était d'origine magique ». En réalité, on comprend que Davad, Ephron ont besoin de trouver un coupable à leur détresse. Il leur faut quelqu'un ou quelque chose à blâmer.
Pour
d'autres, la Peste sanguine est une opportunité. Hest, un habitant
du désert des Pluies de Terrilville, a vu là la chance d'écrire son destin. :
« trois fils étaient morts avant lui, emportés par la Peste
sanguine, et lui avaient permis d'endosser le rôle d'aîné et
d'héritier ». Sans cela, il aurait été relégué loin dans
les affaires familiales. C'est aussi le cas, à un niveau supérieur,
des Quatre de Clerres qui voient en la peste un moyen d'éliminer
leurs ennemis, de les frapper durement. Par conséquent, ils n'ont
rien dit aux Anciens alors qu'ils savaient qu'elle allait frapper
(« nous étions au courant de la Peste sanguine avant qu'elle
ne fasse sa première victime »).
On sait que la Peste sanguine ne se limite pas à Terrilville. Elle a touché des villes qui appartenaient aux Anciens. Là encore, l'épidémie a été dévastatrice (« la maladie y trouva le moyen de pénétrer l'enceinte et tous les habitants y périrent dans la seconde vague de la Peste sanguine »). Elle a touché aussi Chalcède comme le rapporte Burrich (« c'est ainsi que l'épidémie de Peste sanguine a débuté quand j'étais enfant. Elle a tué tous ceux que j'aimais, Molly » et « la peste sanguine a ravagé Chalcède ; je n'y avais jamais été confronté, elles en sont mortes toutes les deux et je me suis retrouvé seul. Alors je me suis fait soldat »). Burrich a perdu sa mère et sa grand-mère ; isolé, il s'est retrouvé soldat et cela a fini par le guider vers le prince Chevalerie. Encore une fois, la peste brise une vie et oriente un homme vers un autre chemin.
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