Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

Article épinglé

Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

dimanche 27 février 2022

La chute de Subtil

Suite à sa mort, que retient-on de Subtil ? Ses dernières années où le royaume a été grandement menacé par les Pirates Rouges ? La guerre fraternelle qu’il a été incapable de résoudre entre Vérité et Royal ? Ses derniers mois de vie assez pathétiques marqués par la faiblesse et la maladie ? Car, dès le premier chapitre de l’assassin du roi, on assiste à un basculement assez brutal de son état de santé. On l’avait quitté en relative bonne forme à la fin de l’apprenti assassin ; on le retrouve grandement affaibli. Il est à un point atteint que Fitz parvient à traverser ses murailles d’Art et voit la faiblesse de l’homme, ses douleurs et ses peines. Pour Fitz, c’est une prise de conscience terrible et un premier avertissement, qu’il ignorera, que Subtil ne sera peut-être pas en mesure de le protéger (« je les entendis et je suis que telle était l’épuisante vérité que le roi Subtil devait supporter quotidiennement. J’étais exténué, j’avais mal partout. J’ignorais que la chair pouvait se faire si lourde, que le simple fait de plier un doigt pouvait exiger un si grand effort »). Pour Subtil, lui qui a besoin de projeter une image de force et de solidité en tant que roi, ce qui lui arrive le sape grandement. Non seulement il doit garder le lit et paraît donc faible, mais en plus il ne sait pas ce qui lui arrive : « ce n’est pas une vraie maladie, rien que des vertiges, la tête qui me tourne, dès que je fais des mouvements trop brusques ». Son état s’aggrave : il mange très peu, quitte rarement sa chambre et d’autres prennent les décisions pour lui. Subtil n’est qu’une marionnette sur le trône. Lors d’un échange d’Art entre Vérité, Subtil et Fitz, ce dernier se rend compte que la situation s’est fortement dégradée (« le roi Subtil souffrait d’un mal qui le dévorait de l’intérieur ; il se droguait pour endormir la souffrance, pour préserver un petit coin de son esprit, un refuge inaccessible à la douleur »). Umbre, le maître des herbes et frère de Subtil, montre également son inquiétude : on lit que « ce qui le dévore continue de le dévorer où il se trouve. Quant à savoir pourquoi sa maladie progresse si vite en ce moment, cela me dépasse ».

Subtil a quelques moments de lucidité. Il parvient de temps en temps à se comporter comme un roi qui assume ses fonctions et ses responsabilités mais à quel prix ? Énorme si on en croit ce que dit le Fou : « Ah toi et moi, nous devons nous rappeler ce qu’il oublie Fitz, et le lui tenir en sécurité. Il lui en coûte beaucoup de se montrer fort comme ce soir ». Tous n’ont donc pas mis Subtil de côté même si Fitz lui en veut beaucoup de ne pas accepter son désir d’épouser Molly. Consciemment ou non, Fitz se tourne vers Vérité ; d’autres se tourneront vers Royal. C’est le cas de Lance qui, Vérité parti à la recherche des Anciens, pense que c’est Royal qui porte le manteau de l’autorité. Ses propos sont clairs et durs (« après tout, chacun sait que le vieux roi n’a pas toute sa tête les trois quarts du temps ») et partagés par beaucoup. Sans aller si loin, la cuisinière Mijote est plus que troublée et peinée par ce qui arrive à Subtil. Elle a connu l’homme, elle a connu le roi et il est dur de le voir se dépérir si vite (« notre pauvre vieux roi Subtil n’a pas avalé un vrai repas depuis des semaines. Je me demande bien pourquoi je me fatigue à lui préparer ses repas préférés : les plateaux reviennent aussi remplis que je les envoie »). Cette déclaration pose également la question du travail mené par l’entourage proche du roi, ses serviteurs. Prennent-ils bon soin de l’homme ? Le doute est permis quand Fitz constate que même l’hygiène laisse à déplorer : « quand je m’approchai du lit, je perçus une odeur rance, fétide, qui ne fit que se renforcer lorsque je me penchais sur le roi ». C’est d’autant plus dur pour Fitz et ceux qui tiennent sincèrement au roi : ils perdent un repère, un allié même. Ils savent qu’il n’est plus que l’ombre de lui-même, que d’autres prennent les décisions à sa place et ils ne peuvent rien faire. Kettricken, fidèle à son caractère, s’en ouvre franchement à Fitz ; elle lui dit que «  le roi, comprenez-vous, n’a rien nié. Mais, il ne paraissait pas non plus suivre tout ce que disait royal. On aurait cru… un enfant qui écoute la conversation de ses aînés, acquiesce mais n’y comprend guère ». Là encore, les mots font mal : Subtil est un pion dans une lutte que se mènent Royal d’un côté et Vérité et ses alliés de l’autre. Il n’a plus aucune volonté propre, il n’est même plus un acteur principal.

Le lecteur comprend que Subtil sait qu’il chute. Quand Subtil dit que « mon corps ne m’obéit plus, mon fils est devenu un serpent ; Royal sait que son frère est vivant, il sait qu’il n’a pas droit à la couronne qu’il porte », comment ne pas se dire qu’il sait qu’il n’est pas à la hauteur ? C’est également une énorme déchirure de ne pas avoir su préserver l’unité familiale en temps de guerre, de ne pas avoir protégé sa propre couronne. C’est un nouvel échec comme il n’a pas pu protéger Chevalerie (on peut penser que son abdication a été une première fissure). Chevalerie est mort brutalement, en effleurant à peine l’esprit de son père. La mort de Chevalerie a été un énorme choc pour Subtil, elle lui a causé une grand peine (« Chevalerie… a disparu comme ça, comme un murmure qui s’éteint. Père, a-t-il dit , il me semble »). Pour autant, Subtil ne peut totalement renier Royal, c’est son fils et le seul qui a survécu de son amour avec Désir. Le lecteur, à travers Fitz, a une vision de Royal biaisée qui pousse à le détester et le mépriser ; toutefois, Royal reste le fils de Subtil et c’est important (« je croyais sauver mon roi d’un prince félon, j’aurais dû comprendre qu’on ne sauve pas un père de la trahison de son fils »). Dès lors, Subtil décide de mourir pour le plus grand désespoir de ceux qui l’ont aimé. Le Fou est atteint par les mots du vieil homme qui demande à mourir dans son lit. Croyant bien faire, Fitz se sert de l’Art pour que Subtil fasse ses adieux à Vérité (« je saisis sa conscience, la serrai contre moi, mais c’était comme agripper une ombre ; dans mes bras c’était un enfant effrayé qui luttait contre il ne savait quoi. Puis il disparut. On eut dit une bulle de savon qui éclate »). Cette remarque de Fitz est éclairante : Subtil ne contrôle plus rien. Pas les événements, pas même son propre corps. D’autres disposent de lui. Et les autres, ce sont ses propres artiseurs qui ont été soudoyés par Royal. Une autre trahison donc. Ils lui prennent toute son énergie depuis des mots, le réduisent presque à un état de larve, en tout cas en homme privé de tous ses moyens : « Justine et Sereine, telles des sangsues délaissant un poisson à l’agonie, tentèrent de se coller à moi ; elle était là l’origine de leur force accrue et du lent dépérissement du roi ». Subtil est donc mort en pensant avoir trahi son fils Vérité, en étant incapable de protéger son royaume, ses gens et sa couronne.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire