Fitz est un bâtard ; il n’est pas le fils légitime du couple Patience/Chevalerie mais le résultat d’une nuit de passion de Chevalerie. Les choses auraient pu être bien différentes si son grand-père maternel ne l’avait pas donné aux Loinvoyant. D’autres pensent même que Fitz aurait dû être tué…
Un partisan d’une mort rapide de Fitz est bien entendu Royal. Le jeune prince voit en Fitz une humiliation publique pour les Loinvoyant et la possibilité de dangers futurs pour son propre statut. Autrement dit, Royal est jaloux d’un enfant ; selon lui, il serait avisé de simplifier les choses en le tuant : « Mère et moi étions d’avis de mettre l’enfant… à l’écart. Ce n’est que simple bon sens. Il ne nous parait pas utile de compliquer davantage la ligne de succession ».
Des années plus tard, dans un contexte bien différent, un autre personnage viendra appuyer le point de vue de Royal : la Femme Pâle. Cette dernière se prend pour le Prophète Blanc de son époque et, comme le Fou, elle a un certain talent pour utiliser les mots et déployer ses arguments. Quand on écoute la Femme Pâle, une mort de Fitz dans sa jeunesse est presque quelque chose de nécessaire, à la limite d’une prophétie qui se réaliserait. Ainsi, elle dit que « vous n’aimiez pas Royal, je le sais, et il vous le rendait bien ; il sentait au fond de lui l’improbabilité de votre existence, la rareté d’une naissance comme la vôtre dans l’entrelacs des fils du temps, et, instinctivement, il voulait vous éliminer pour permettre au monde de suivre la voie prévue ». Ce n’est pas la première fois ou la dernière fois qu’il est fait cette allusion : la naissance de Fitz a perturbé l’ordre des choses et le tuer aurait pu tout remettre en place. On pourrait parler de Catalyseur, de Fils inattendu. La Femme Pâle a son idée : « si vous étiez mort au bon moment, le trône serait revenu sans heurt à Royal, le temps aidant, il aurait bénéficié de la faveur et des lumières de son père et il aurait fait un grand monarque ». Pour la Femme Pâle, les choses sont claires : tuer Fitz aurait été une nécessité pour le bien du royaume des Six-Duchés. Bien des malheurs auraient pu être évitées, et Royal n’aurait sans doute pas fait souffrir autant les gens du Château et les proches de Fitz dans sa petite vendetta.
D’ailleurs, on retrouve un peu cette idée de mort nécessaire dans la bouche de Virilia. L’élégante et charismatique jeune femme amorce un mouvement séparatiste au sein des Six-Duchés, une envie bien vite étouffée par le pouvoir royal. Avant de perdre tout crédit, Virilia rencontre Fitz et « dit d’une voix claire à sa voisine de table qu’autrefois on noyait les bâtards à la naissance. Les anciennes coutumes d’El l’exigeaient ». Par respect des traditions donc, Fitz aurait dû être tué. Sa mort aurait contenté le dieu El et sa survie illustre bien la décadence morale des Loinvoyant.
D’autres lient la présence de Fitz à la disparition et l’exil de Chevalerie. L’interrogation est inévitable puis que c’est à cause de l’arrivée de Fitz que l’ancien prince a pris la fuite.
Burrich aurait toutes les raisons du monde de s’en prendre gratuitement à Fitz. A cause de son arrivée, il a perdu le meilleur homme (Chevalerie) et la femme qu’il a aimée (Patience) ; il n’a même pas pu les suivre. Pourtant, le maître des écuries a un avis bien plus mesuré (« ce n’est sans doute la faute de personne s’il est né. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’un enfant n’est pas coupable d’être bâtard. Non. Chevalerie s’est attiré tout seul sa disgrâce »). L’abdication de Chevalerie est sur toutes les lèvres : il faut dire que l’homme est particulièrement apprécié. D’une certaine façon, certaines personnes accusent Fitz (« les propos des tisseuses résonnèrent dans ma tête. Sans le petit, il serait sur les rangs pour être roi »). La non-présence de Fitz aurait pu donc empêcher la fin de Chevalerie.
Umbre met en garde Fitz. Même si il n’est qu’un enfant et même si il est reconnu par le Roi qui lui offre une éducation et une place au Château, sa vie est en danger, rien ne lui garantit de rester en vie. Il le lui répète souvent. Par exemple, il affirme que « tu es un bâtard, mon garçon. Nous sommes toujours en danger et vulnérables ; nous sommes toujours bons à sacrifier, sauf quand nous représentons une nécessité absolue pour la sécurité des autres ». Umbre tente de faire comprendre à Fitz que, tant qu’il sera utile à Subtil, ce dernier ne tolèrera pas qu’on le tue.
Subtil le lui a dit de façon très claire : rien ne le forçait à recueillir Fitz, à lui offrir une place. Il lui aurait suffi de détourner les yeux. Il aurait même pu changer d’avis et le tuer sans que cela ne soulève la moindre réaction. Le vieux roi fatigué retrouve une forme d’énergie en développant son point de vue : « je ne te donne pas congé. Si j’avais dû le faire, ç’aurait été il y a bien longtemps. Je t’aurais abandonné dans quelque village perdu ; ou j’aurais fait en sorte que tu n’atteignes jamais l’âge d’homme ». Bien entendu, entendre ça de la bouche de son roi n’est pas plaisant mais c’est un rappel à l’ordre utile qui appelle Fitz à une certaine forme de prudence… Le sera-t-il ?
La mort de Chevalerie est aussi une bonne opportunité pour en finir pour de bon avec cette sous-branche de la famille royale. Umbre en fait la remarque à Fitz (« parce que certains voudront mettre un point final définitif à l’histoire de Chevalerie ; et le meilleur moyen d’y parvenir serait de t’éliminer »).
Prévenu, Fitz se jette dans la gueule du loup. Il fonce tête baissée suivre les cours d’Art de Galen, un homme qui le déteste, un homme qui a osé tenir tête à Subtil quelques instants. Galen déteste Fitz pour ce qu’il est : un bâtard. Il souhaite sa mort presque autant qu’il a aimé Chevalerie. Galen est un fanatique incapable de faire la part des choses. Pire, son influence représente une énorme menace pour Fitz car en tant que maître d’Art, bien peu sont ceux qui peuvent le remettre en cause. Umbre et Burrich disent même qu’ils sont quasiment impuissants tant que les cours ont lieu. Galen ne désire pas seulement la mort de Fitz, il en est même à rêver qu’il ne soit jamais né. Il n’a jamais digéré sa présence qui est pour lui une insulte à Chevalerie. Il éructe : « ton existence seule jette l’opprobre sur le nom de ton père. Par Eda, j’en suis encore à demander comment tu as pu voir le jour ! Qu’un homme comme ton père ait pu déchoir au point de coucher avec une créature et te donner naissance dépasse mon imagination ! ». Par la suite, Galen mettra ses idées en pratique et tentera de faire Fitz se suicider…
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